Le financement du transport maritime courte distance en question

Comme le dit très justement Anne Galais dans la note de synthèse98 de l'ISEMAR( Institut Supérieur d'Economie Maritime ), « le cabotage maritime est protéiforme : on a parlé tantôt de cabotage, de feedering, de merroutage, de transport ferry, d'autoroutes de la mer et de transport maritime à courte distance » [néanmoins toutes ces notions ne sont pas complètement équivalente]. Thématique très à la mode dans les milieux politiques, nationaux comme européen, le cabotage est un transport maritime à courte distance, qui vise à transporter des semis remorques, des camions entiers ou des conteneurs par bateaux, et en tout cas à faire baisser cette maudite part modale de la route (voir à ce sujet le livre blanc de 2001, exposant les objectifs anti-camion de Bruxelles, objectifs sérieusement nuancés dans le compte rendu à mi-parcours de ce livre blanc en 2006). On se base ainsi sur le succès du mode maritime, qui est, de loin, le seul mode à rivaliser avec le camion, avec un trafic à peu près égal pour les deux (un peu plus de 1200 milliards de tonnes-kilomètre en 1999 pour l'Europe des 15). D'où l'idée de créer des nouveaux axes de transport maritime (ainsi entre Bilbao et Saint-Nazaire).

Or selon l'ISEMAR « le marché est délicat d'accès », car l'investissement initial (notamment les études, les navires, le personnel, voire des installations portuaires…) est important, et « les pertes au démarrage sont inévitables et fort conséquentes en raison [du] taux aléatoire de remplissage du navire. ». C'est pour cela que des subventions publiques sont nécessaires pour permettre aux opérateurs privés de lancer leur ligne.

 

            Ces subventions, à la fois européenne et nationale, existent. Mais leurs mises en application sont difficiles. Notamment les aides nationales sont elles étroitement restreintes par la législation concurrentielle européenne. A ce sujet A. Gallais remarque que si la commission tolère dans ce cas précis les presque inévitables distorsions de concurrence induites par les subventions publiques, c'est uniquement le cas lorsque seul le routier est pénalisé, et pas le ferroviaire.

Quand aux aides européennes, elles sont nombreuses, mais longues à se débloquer, et souvent assez faible. Nombreuses, car un projet de Short Sea Shipping peut recevoir des fonds au terme de la politique favorisant l'Intermodalité (par exemple le programme Marco-Polo qui offre des aides à certains projets de services de transport intermodaux, ou le programme RTE-T qui finance les infrastructures), mais aussi au terme des aides pour les régions européennes défavorisées (ainsi le programme FEDER et le programme de cohésion), au sein des nouveaux entrants et en l'Europe du sud, ou encore au terme de programme de recherche et d'innovation, tel le PCRD !

On pourrait se dire que cette situation est bénéfique aux opérateurs de transport maritime. Seulement, ces subventions ne sont souvent pas très élevées (ainsi en 2005, les 16 projets -dont 8 de transport maritime courte distance- retenus par le programme Marco-Polo se sont partagés 21 millions d'€, et en 2006 15 projets 19 millions d'€, à comparer avec les 400 millions d'€ annoncé d'investissement pour la ligne Bilbao/Saint-Nazaire), et un projet nécessite donc une « excellente maîtrise des combinaisons possibles de l'ensemble de ces subventions », ce qui a un coût certain en terme de temps et de personnel, pour réussir à éventuellement cumuler les sources de financement possibles. En outre, la commission exige des conditions de rentabilité à court terme (les opérateurs doivent montrer qu'ils ne perdront plus d'argent au bout de deux à trois ans) difficiles à atteindre. A. Gallais conclut sur les paradoxes de l'action communautaire, qui entre autre n'arriverait pas à se démarquer assez de sa culture de promotion de la concurrence.

 

Bref, il semblerait que la machine bruxelloise soit trop lourde pour être vraiment utile sur ces dossiers complexes. Mais le principal problème est peut-être plus général. Avec quelques dizaines de millions d'euros, l'Europe a-t-elle les moyens d'impulser une vraie politique favorisant l'intermodalité pour tout le continent? Et même, au simple niveau comptable, est il vraiment utile de créer en si grand nombre  des bureaux d'étude européens distribuant des subventions aux mécanismes complexes? Il serait peut-être cruel d'examiner le ratio budget de fonctionnement/ subventions alloués de certains services. Peut-être l'UE gagnerait-elle à concentrer ses subsides sur certains domaines…



16/10/2007
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