Programme Marco Polo : la liste des 23 publiée

Le programme Marco Polo est à la pointe de l'attaque de la politique européenne en faveur des modes alternatifs. Destiné à favoriser le report modal, notamment pour traiter les goulots d'étranglements routiers pour les liaisons internationales, il est à sa deuxième phase et à son 6ème appel à projet. Et les heureux gagnants du 5ème viennent d'être dévoilés.


Le principe est de financer des projets de nouveaux services (il ne s'agit pas ici de financer les infrastructures). Mais les sommes restent mesurées (2 millions d'euros en moyenne par projet, ce qui est tout de même nettement plus que pour les premières éditions). Ce financement a pu être critiqué (voir article précédent), et le service de l'Union européenne qui gère le programme a reconnu pendant la conférence de Vienne (en juin dernier) qu'il y avait un problème : alors que le programme dispose de plus en plus d'argent, il y a de moins en moins de candidats[1] ! La faute, peut-être, à un processus de sélection extrêmement rigoureux (voir ce diaporama clair et précis qui détaille les exigences), qui doit imposer d'y consacrer beaucoup de temps par un personnel très qualifié (ce qui représente donc de l'argent, voire une désorganisation pour les petites entreprises) pour une espérance de gain relativement modérée (enfin cette année, le financement monte jusqu'à 6 millions d'euros pour un projet).

La liste des 23 projets sélectionnés est donc très intéressante, pas forcément  pour l'argent distribué qui ne sera pas toujours déterminant pour décider si oui ou non on fait le projet, mais pour la qualité du processus de sélection.  A ce propos, mon esprit de blogueur quelque peu pervers est un peu déçu qu'il n'y ait pas de liste des candidats pour les différentes sessions, pour justement voir quels projets n'ont pas été choisis. Avoir la critique en plus de la commission, ce serait extraordinaire, mais ne rêvons pas.

 

Les 23 donc. On retrouve des projets d'autoroute de la mer, qui ont la particularité pour beaucoup d'éviter la France. Une bonne ou une mauvaise nouvelle, selon le point de vue. Certes, cela devrait enlever des camions des routes françaises, mais cela devrait enlever de l'activité aux ports français (et également des recettes fiscales). Les projets retenus sont :

_Un nouveau service de rotation entre Santander (Espagne) et Poole (Royaume-Uni). Aujourd'hui les camions tendance à remonter par la route l'ouest de la France, et de prendre le ferry sur un port du nord de l'atlantique (Cherbourg par exemple) pour une traversée courte (c'est souvent plus simple pour la gestion du chauffeur). A noter que des  services concurrents (mais non similaires) existent déjà entre l'Espagne et l'Angleterre[2], ce qui a pourrait créer la polémique sur une éventuelle distorsion de concurrence.

_Un service régulier entre Civitavechia et Barcelone, à un moment où la liaison entre Marseille et Civitavechia ne marche pas très bien (voir article précédent).

_La même chose entre Livourne et Barcelone

-Enfin un projet de liaison maritime entre Zeebrugge (Belgique) et Bilbao (Espagne). C'est le premier en terme de subvention. C'est peut-être là que les français pourront avoir le plus de regrets. D'une part les ports rouliers français de nord (Calais, Boulogne, Dunkerque) étaient de bons candidats, d'autre part, on aurait pu imaginer un arrêt à mi parcours à Cherbourg (qui impose un détour minimal).

 

On retrouve également beaucoup de liaisons ferroviaires au long cours, notamment vers les pays de l'est. A ce sujet, j'ai noté une autoroute ferroviaire entre Bucarest et Regensbourg, un service combiné rail-mer Slovénie-Zeebrugge-Angleterre, un service ferroviaire entre Gand (Belgique) et Istanbul, le programme seeis de transport combiné dans les Balkans, que j'ai déjà mentionné, un projet de liaison ferroviaire entre Zeebrugge et Melnik en république tchèque... Le second projet qui a le plus récolté d'argent (plus de 5 millions d'euros) concerne encore l'est, c'est le projet OCRA destiné à « overcome the structural market barrier » (honnêtement, je suis sur de comprendre ce que ça veut dire) entre Trieste et Prague. On trouve également plusieurs projets visant à favoriser le report modal sur la Baltique, et sur le Danube, ou encore un projet de short sea shipping en reefer entre Bilbao, Rotterdam et l'Angleterre…


Mais où sont les bleus ? Que les pays de l'est, jeunes nouveaux membres, reçoivent plus d'attentions que les autres, c'est normal,  ils sont en pleine croissance. Mais on a l'impression que les belges ont plus de succès que nous auprès de la commission européenne (c'est peut-être normal, ils jouent à domicile…). Pour la France, est financé un projet de liaison de la CMA CGM (à travers sa filiale ferroviaire, Rail Link) du port du Havre à … Zeebrugge ! Le port belge, qui connait une bonne progression ces dernières années (mais qui reste encore nettement derrière Le Havre), et qui a pu bénéficier ces derniers mois des grèves « perlées » de certaines catégories de personnels portuaires en guerre contre la réforme des ports autonomes français,  voit donc sa position européenne se renforcer encore plus, avec donc  4 nouveaux projets de liaisons longue distance.

Cependant, une deuxième ligne de Rail Link est financée du Havre jusqu'à Mannheim[3], en passant par Dourges (une plateforme trimodale du nord de la France). De façon peut-être plus anecdotique, un projet de transport de bouteille d'eau en bouteille (de Danone)  par le rail (de Riom en France à Hockenheim en Allemagne) a été financé. C'est Fret SNCF qui effectuera le transport, apparemment de bout en bout, en collaboration avec  un partenaire logistique allemand, ltg-logistik, sans doute pour le stockage et la distribution finale.


Bref, les français ont il du mal avec Marco Polo ? Pas vraiment, en 2006, sur 15 projets, on comptait 2 millions d'euros pour l'autoroute ferroviaire de Modalhor (voir article précédent), et deux projets concernant le port de Marseille (un projet de Rail Link vers l'Allemagne, qui marche, et le projet Southern Europe Green Link, qui apparemment n'a pas encore démarré[4]).  De plus, les projets de transport ne passent pas tous par Marco Polo.   

Mais assurément le déplacement vers l'est du centre de gravité n'est pas forcément favorable au monde du transport français. D'autant que dans le grand match international qui a commencé, nos proches concurrents tendent à avoir un ou deux buts d'avance à la mi-temps…



[1] Alors qu'en plus le projet concerne maintenant les pays de l'est

[2] P&O opère entre Bilbao et Portsmouth, et Brittany Ferry (qui va toutefois opérer la nouvelle liaison)  entre Santander et Plymouth.

[3] Pan sur le bec, Mannheim, c'est pas très loin en dessous de Duisbourg, je dis des bêtises de temps en temps

 
[4] On ne trouve d'ailleurs absolument rien sur le projet sur Internet, et rien non plus sur la société (sologaz-cga  intermodal) censée le mettre en œuvre. Un projet furtif…



07/08/2008
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