Le championnat européen du report modal

Les billets sur les statistiques de transport de fret ne sont pas forcément les plus rigolos qui soient. Mais tout de même cela apporte une certaine vision globale (assez incomplète mais relativement objective) sur le monde du transport de marchandise. Et puis, cela permet de dresser bons et mauvais points aux différents pays, par rapport à l'utilisation des modes non-routiers. Une sorte de répétition de l'Euro 2008 en somme. En résumé la France a de la pente à rattraper, l'Allemagne et l'Angleterre ont fait des progrès, et la Grèce triche…

 

 

L'office européen des statistiques vient de publier une étude sur le report modal en Europe « Modal split in the inland transport of the EU » (voir ici le communiqué de presse en français, et l'article de Fenêtre sur l'Europe). Les données ne sont pas les plus actualisées (ça va jusqu'à 2006), mais elles existent pour tous les pays européens, c'est déjà ça. Entre 2000 et 2006, on constate une poursuite de la hausse de la part modal du routier qui passe de 70% à 73% des tonnes-kilomètres transportées (en comptant les pipelines). Les objectifs du livre blanc de 2001 ne sont pas franchement remplis…

Mais l'évolution récente est peut-être plus encourageante. Certes, on constate que le découplage (autre notion défendue par le livre blanc) n'est absolument pas une réalité. Le volume de transport a augmenté de 5% entre 2005 et 2006, soit deux fois plus que la croissance moyenne de l'UE (1,9% en 2005 et 3.1% en 2006 pour l'Europe des 27, ça doit faire 2.5% en moyenne annuelle pour 2005/2006). Mais la hausse est portée par les pays de l'Est (+16% en Hongrie, +13% en République Tchèque, +11% en Pologne,+5% en Roumanie…), dont la situation est particulière. A noter une hausse de 43% du fret en Grèce. Cela semble énorme : la conséquence d'un changement de méthodes statistiques ? L'étude garde un silence pudique sur ce cas… A regarder de plus près, cela semble être la conséquence d'une grosse baisse du trafic en 2005. En tout cas cela paraît peu crédible.

 Mais d'un autre côté, toujours entre 2005 et 2006, le rail effectue lui même une progression notable de 5%. Il ne regagne pas encore de part de marché, mais n'en perd plus, c'est déjà ça. Si on place entre 2003 et 2006, le fret ferroviaire a gagné 11% (en tonne-kilomètre) en Europe, avec notamment des pointes à 25% en Allemagne, 24% en Angleterre et en Autriche, 19% en Italie, 33% en Hongrie…Il serait tentant d'y voir les fruits de la libéralisation du fret et du dynamisme apporté par les nouveaux entrants (en Allemagne et en Angleterre, pays précurseurs en matière de concurrence, c'est largement vrai à ma connaissance), mais il faut se garder de toute généralisation à ce stade (la réforme n'est pas arrivée à maturité partout, loin de là). Il serait néanmoins intéressant de comparer le degré de concurrence ferroviaire dans un pays et l'évolution du tonnage transporté. Cependant, on se doit de rappeler ici que la réorganisation de l'opérateur historique induite par la libéralisation, et donc la stricte réglementation des subventions étatiques (on peut voir ça aussi comme le refus des États de continuer à financer des pertes d'exploitation récurrentes), peut conduire à des pertes de volume, au moins à court terme. En France, après la sévère correction entre 2004 et 2005, due à la réforme de Fret SNCF (qui a alors en grande partie consisté à faire payer les vrais coûts aux chargeurs, ce qui a pu faire l'effet d'une vraie douche froide pour ceux ci !), le fret ferroviaire s'est stabilisé en 2006, avec +0.5%, quand l'impact des nouveaux entrants était encore négligeable en France. Mais la perte depuis 2003 reste importante : -12.6%. L'apport des nouveaux entrants et le coup de fouet donné à l'opérateur historique devrait au moins faire regagner le terrain perdu dans les prochaines années (point de vue optimiste qu'on est pas obligé de partager, en effet le succès du rail dépend peut-être moins de la qualité de l'offre que du type de la demande, mais c'est un autre sujet).

Au niveau de la voie d'eau, c'est plus mitigé, avec un volume de transport qui stagne globalement depuis 2006 (+4%). Globalement les évolutions ne sont pas énormes.

 

Bref, depuis le livre blanc de 2001 (l'Union Européenne a d'ailleurs mis de l'eau dans son vin depuis, voir article précédent), le transport non-routier n'a pas vraiment décollé, même si on peut voir quelques signes encourageants.

Les projets TEN-T (RTE-T en français, Réseau TransEuropéen de Transport), 30 projets européens d'infrastructure de transport, en grande majorité non-routiers, et financés par l'Union Européenne, vont-ils changer la donne ? En tout cas, selon le lloyd (en français), ces projets (voir la carte) souffrent de retards (20% en moyenne, ce qui est beaucoup mais pas non plus extraordinaire pour de grandes infrastructures) et de surcoûts (+40 milliards d'€, c'est sans doute aussi en partie la conséquence du premier point, mais c'est quand même beaucoup), d'après une étude de PricewaterhouseCoopers, qui apparemment n'est pas disponible sur Internet (celle là est disponible en résumé, sur le même sujet).



10/04/2008
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