Les dessous de la baisse des tarifs d'Eurotunnel

            (Et un titre accocheur, un...)

 

            Ces derniers jours, l'information de la baisse du coût du transport ferroviaire de fret a été largement reprise par la presse (ici, ici, ou encore ). La mesure est en effet spectaculaire : uniformiser les tarifs pour un prix unique de 4500 € (3000£) par train, soit un rabais de 50 % par rapport au prix moyen pratiqué jusque là ! Eurotunnel espère ainsi développer son activité fret  ferroviaire, dimensionnée pour 10 millions tonnes, qui a atteint un pic à 3 millions de tonnes en 1997, et qui se traîne aujourd'hui à 1 millions de tonne (un peu plus en fait, Eurotunnel noircit le tableau) par an. Eurotunnel compte ainsi retrouver son niveau de fret de 1997.

           

         Le pari semble audacieux : mathématiquement, cette mesure ne sera rentable (rappelons que Eurotunnel est une société frôlant perpétuellement la faillite depuis 10 ans) que si le fret transporté fait plus que doubler. Or la décision de changer de mode de transport n'est pas uniquement un problème de coût et nécessite pour le chargeur de modifier son organisation logistique. De plus, le transport ferroviaire ne peut être rentable que sur une longue distance, ce qui a pour effet de diluer la baisse de prix consentie par Eurotunnel, sur le prix total au kilomètre payé par le chargeur. D'ailleurs, on peut se demander quelle est la part du déclin de l'activité fret de la SNCF (voir article précédent) dans la baisse du fret ferroviaire d'Eurotunnel.

 

        Plus grave, ce surcroît de fret ferroviaire risque de concurrencer l'autre activité marchandise d'Eurotunnel, à savoir le transport de camion. En effet Eurotunnel exploite directement des navettes Calais-Douvre, qui transportent des camions et des véhicules personnels, et délègue à des opérateurs comme Eurostar des transport par train entier, qui peuvent transporter des passagers et des marchandises. Eurotunnel annonce ainsi avoir transporté 1 300 000 camions en 2006 (avec un système d'enregistrement automatique performant, qui a reçu le prix de l'innovation logistique), ce qui doit représenter un poids total (en moyenne grossière, on peut compter un chargement de 10 tonnes par camion), et un tarif (sûrement bien supérieur à 4500€ le train) bien supérieur au transport ferroviaire. Eurotunnel casserait donc les prix pour concurrencer sa propre activité ?

 

        Certes, la baisse des prix peut aider à concurrencer le maritime courte distance des feeders (et il y aura peut-être un trafic induit ?), mais la vraie explication est peut-être ailleurs. La vraie raison  serait la prise en charge des coûts fixes d'entretien des infrastructures. C'est au fond ce que semble écrire entre les lignes La Tribune, qui indique que « le gouvernement britannique a décidé à la fin de l'année dernière de prendre en charge la part britannique des coûts fixes d'infrastructures frontalières fret ». La SNCF étant aujourd'hui  « seule côté français à supporter ces charges, à hauteur de 10 millions d'euros », Jacques Gounon, le président d'Eurotunnel, « souhaite que le poids de l'infrastructure soit pris en charge par le gouvernement français". Effectivement, les gouvernements n'ont peut-être pas envie de financer une activité famélique et déclinante…

 

        Ce dernier paragraphe est bien entendu à prendre avec précaution… Les comptes d'Eurotunnel ne semblent pas distinguer les différentes activités, ce qui empêche de vérifier l'importance (ou la non-importance) financière du transport par fret ferroviaire.

 

 



29/10/2007
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