Menace sur le Transport de Matière Dangereuse (TMD)

8% des marchandises transportées (soit 11 milliard de tonne/km), sont qualifiées comme « dangereuses », en raison de leurs propriétés explosive, inflammable, comburante… Il est intéressant de s'intéresser à ce secteur, où la part des modes non-routier est assez importante (25 % pour le train et 17 % pour les bateaux), et au derniers débat à ce sujet au sein de l'Union Européenne (UE). Mais avant cela il est malheuresement nécessaire d'essayer de comprendre la situation légale du transport de marchandise dangereuse au sein de l'UE.

 

La législation concernant le transport de marchandise est plutôt complexe. Chaque Etat était libre de gérer son trafic intérieur comme bon lui semble, mais le trafic international est lui depuis 1957 géré par des accords multilatéraux (en Europe en tout cas). Ainsi, pour chaque mode de transport, une réglementation issue d'une filiale de l'ONU , l'UNECE, a été adopté l'ADR (Accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par route) pour la mode routier, le RID (Règlement concernant le transport International ferroviaire des marchandises Dangereuses) pour le mode ferroviaire, et l'ADN (Accord européen relatif au transport international des marchandises Dangereuses par voies de Navigation intérieures) pour le mode fluvial. Les deux premiers ont été signés par presque tous les pays de l'Union Européenne, le troisième devrait rentrer en application en 2009 chez les 9 pays européens signataires, alors que deux accords (différents)sont déjà appliqués sur les bassins du Danube et du Rhin (ADN-D et ADN-R). Ces accords sont révisés tous les deux ans.

Tous ces accords ont pour but de définir des normes  communes de sécurité (contre les accidents) et de sûreté (contres les actes de malveillance), mais pas de fixer les règles commerciales d'importation et d'exportation de ces marchandises. Les Etats gardent le droit de réglementer ou d'interdire le transit de certaines marchandises dangereuses sur leur territoires s'ils le souhaitent (« pour des raisons autres que la sécurité »).

 

L'UE, en partant des ces accords internationaux, a voulu construire une législation qui soit commune à tous les transports de marchandise dangereuses, qu'ils soient nationaux ou internationaux, et qui soit au maximum harmonisée entre les différents modes de transport

« Aussi est-il admis que l'harmonisation des règles aurait un effet bénéfique dans tous les domaines : sur le plan économique elle se traduirait par une réduction des coûts; sur le plan social, l'harmonisation faciliterait l'application des règles et renforcerait ainsi la sécurité; et sur le plan de l'environnement, les risque seraient réduits pour les mêmes raisons. »

 

D'accord...Mais, en admettant que cette harmonisation ait vraiment un impact notable, si on facilite le trafic de matière dangereuse, ne risque t-on pas de favoriser une augmentation du trafic de matières dangereuses entre les pays, notamment en ce qui concerne les déchets, en direction par exemple du sud de l'Italie, ou des pays de l'est, peut-être moins regardant ? La commission se donne comme objectif de favoriser la multi-modalité, mais cet objectif est il si louable dans le cas présent? En effet, on peut penser que c'est surtout le TMD longue distance qui pourra emprunter le train ou le bateau pour un coût acceptable… L'enfer est pavé de bonne intention ?

En tout cas de cet objectif a découlé une véritable cathédrale législative avec 4 directives[1], dont deux sont maintenant inutiles selon le propre aveu de l'UE. Ces directives, qui intègrent les éléments des accords de l'UNECE, doivent donc également être révisé tous les deux ans, et, plus long et onéreux , traduit dans la trentaine de langue officielle de l'UE ! C'est pourquoi d'ailleurs l'UE veut déléguer cet effort de traduction aux Etats (on peut penser que cela aboutira à une baisse du nombre de traduction). Mais tel n'est pas l'objet de cet article.

 

Dans son nouveau projet de directive, amendé récemment par le parlement européen, l'UE veut rassembler les dispositions non redondantes des textes communautaire précèdent dans une seule directive. Seul changement pratique d'importance, la commission veut intégrer la batelerie dans le domaine d'application de la directive.

 

Bref, beaucoup d'énergie (la commission y travaille depuis 1997 !) pour pas grand-chose ?

Pas tout à fait. Lors de la lecture au parlement européen, les députés ont légèrement modifié le projet de directive. En particulier l'amendement 45 (qui correpondait à une proposition rejetée de la commission)  permet maintenant aux Etats membres d'imposer les itinéraires, et le mode de transport pour les marchandises dangereuses. On peut imaginer l'intérêt d'une telle option pour les tunnels transalpins, par exemples. On pourrait ainsi forcer les camions de matières dangereuses à emprunter l'autoroute ferroviaire développé par MODALOHR. Ceci dit, le tunnel du mont blanc est déjà interdit aux matières dangereuse, et que le tunnel du Fréjus réglemente ou interdit le transport de ces marchandises, selon leur catégorie. L'IRU (Internatinal Road Union) s'étrangle : « The IRU  strongly opposes the proposal to impose the mode of transport to be used in the case of transport of dangerous goods. Besides being anticompetitive and therefore questionable vis-à-vis European law, this proposal will also severely penalise the entire chemical goods industry, its competitiveness and especially the carriers of dangerous goods themselves.", et a beau jeu de decrier l'amalgame entre objectif de report modal et objectif de sécurité (celui de l'ADR), pas forcément semblables. Car c'est évidemment le camion qui est visé ici. Et si on commence à imposer des itinéraires et des modes pour le TMD (et avec les nouvelles technologies, style RFID, cela devrait être possible), cela créera incontestablement un précèdent.

 

Cette mesure aura-t-elle une réelle portée ? En tout cas, il semble qu'elle permette de susciter des gestes politiques forts et visibles. On ne peut que se féliciter que les députés européens aient remis un peu de politique dans un texte aussi bureaucratique…



[1] Une directive est un acte législatif européen proposé par la commission, discuté par le parlement et adapté par le conseil européen (réunion des ministres des pays européen concernés). Pour avoir valeur légale dans un pays, la directive doit néanmoins être transposée dans le droit national du pays en question (ce qui est obligatoire, mais loin d'être  toujours fait dans les temps).



09/10/2007
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