Diversité et quelques enjeux du transport atypique
Les Echos consacrent un dossier intéressant ce lundi au transport "atypique". Du transport exceptionnel, dont le gabarit dépasse les normes habituelles, en poids ou en dimensions, au transport d'extrême urgence pour des clients industriels (la petite pièce à 100$ manquante qui risque de faire arrêter une chaîne de production, et qu'il faut donc transporter le plus vite possible à n'importe quel prix), en passant par le transport de matière dangereuse et le transport (non moins dangereux!) de fonds, le transport à haute valeur ajoutée est très divers. Ces domaines ont en effet en commun une très haute exigence de fiabilité et de qualité, et donc des prix plus élevés. Des marchés de niche appréciés, au sein d'un monde du transport dont les rendements financiers sont globalement faibles.
Pour les projets industriels (transport de turbines, d'éoliennes…), la France dispose de deux acteurs qui comptent, SDV Logistique Internationale et Geodis Wilson. Moins connu, mais qui compte également, le leader européen (probablement, nous dit les Echos) de l'emballage de colis lourd, Soflog Tellis, 70% du marché français et 160 millions d'euros de chiffre d'affaire. L'emballage est en effet très important, il doit protéger la marchandise (y compris parfois contre les regards indiscrets, comme dans le cas des quilles des bateaux de courses, dont la forme est secrète), tout en respectant le gabarit dicté par l'itinéraire.
Itinéraire parfois très dur à négocier avec les services de l'Etat : pour preuve, cette mésaventure racontée par MeretMarine, arrivée à un constructeur de bateau nantais voulant exporter en Suisse. En cause : l'interdiction de faire passer les convois exceptionnels sur les autoroutes françaises. Heureusement pour l'entreprise, l'administration qui bloquait le convoi pour 1 kilomètre sur autoroute a fini par céder...
C'est un marché ou le fer et le fluvial ont une carte à jouer, pour des raisons de sécurité (un accident de la route n'est jamais complètement inévitable), mais aussi pour des raisons de responsabilité, dans le cas des marchandises dangereuses. C'est un peu la "jurisprudence Total" : comme l'écrivait prophétiquement en 1998 Bertrand Thouillin, le directeur des services juridiques du groupe : " En cas de sinistre majeur, il faut prendre garde aux tentations de la "deep pocket". Dans un milieu où il y a beaucoup d'intervenants insolvables, le risque est grand de voir les juges se livrer à des contorsions juridiques pour mettre en cause celui qui dispose de la puissance économique et qui peut faire face aux réclamations" (d'après le blog chronique judiciaire). Je n'ai pas étudié le procès Total, mais il est évident (sans juger de la culpabilité de Total dans ce cas précis) que si un seul acteur en cause a les moyens de payer des dommages et intérêts élevés, on va se tourner vers lui. Et en tout cas, il supportera quasiment entièrement le déficit d'image. Dans ce cas, il est d'ailleurs amusant de voir que les précautions supplémentaires du groupe pétrolier (qui aurait très bien pu se reposer sur le rapport de l'agence de sécurité maritime) se sont retournées contre lui lors du procès.
Ainsi, si un camion a un grave accident, on risque de se reporter sur le chargeur. Par contre, dans le cas d'un accident d'un train chimique de la SNCF, c'est cette dernière qui risquerait de se retrouver en première ligne... Pour le fluvial, c'est moins clair (les grands acteurs sont souvent des regroupement d'artisans), mais voilà qui devrait tout de même favoriser le choix des modes alternatifs à la route sur ce marché.