Transport ferroviaire


La bête financière

On en sait aujourd'hui un peu plus sur le projet CAREX (voir article précédent). En ces temps de pétrole cher, de prise de conscience de la nécessité de changer nos comportements, le projet arrive au bon moment. A tel point que toute critique semble politiquement inconcevable. En Belgique et à Lyon, le projet a obtenu de nouveaux soutiens très récemment.

Et pourtant, certains aspects du projet me semblent toujours aussi improbables. Dans un contexte de crise financière et déficit budgétaire aggravé, je ne parierai pas dessus.  Mais pour l'instant le train avance à toute vitesse vers l'accident, dans l'euphorie générale, comme à la fin du roman de Zola…

 

Analysons un des derniers articles de la railway gazette, qui reprend la communication de l'association EuroCarex. On y apprend qu'un type de caisse (qui transporteront chacune 4 palettes aérienne)  a les faveurs du groupement, que de nouveaux développements vers Madrid, Milan ou Berlin sont projetés…

                   Mais l'essentiel est ailleurs à mon avis. Et il faut quand même accorder une chose aux promoteurs d'Eurocarex : la franchise avec laquelle ils donnent les chiffres de leur bussiness plan. Et si l'article de la RG se garde bien d'émettre le moindre avis négatif, les chiffres gênants sont placés opportunément à proximité les uns des autres, le lecteur n'ayant plus qu'à faire les multiplications (et encore, il me manque la culture technique ferroviaire pour tout voir, je pense). Voilà le résultat de mes petits calculs :

_ Le projet au total (enfin, le total en comptant seulement les installations ferroviaires de Roissy…)  devrait couter 1 milliards d'euros (à comparer contre « seulement » 250 millions d'euros pour le hub de Fedex à Paris), dont 625 millions pour les 8 premières rames (rames que, au contraire des infrastructures terminales, l'on aura bien du mal légalement à faire financer par les pouvoirs publics). Et encore, sur un projet innovant de ce genre il faut s'attendre à des surcoûts.

 C'est énorme ! Là-dessus les pouvoirs publics sont sensés payer 150 millions d'euros (la moitié du coût des infrastructures)

_ Ramené à l'année, cela fait 60 millions d'euros de frais de fonctionnement (dont 38 millions rien que pour les sillons), et 40 millions d'euros de remboursements des investissements (ils ont plutôt un banquier sympa apparemment)

_ Or le projet prévoit 270 000 mouvements de palettes aériennes par an (c'est des palettes de grosses dimensions, 2.4x2.4x3.2m, comme un conteneur aérien), pour un prix de 370 à 400€ par trajets

_ Autrement dit le projet, si tout se passe bien, va récolter de 100 à 108 millions d'euros, et donc s'équilibrer de justesse.

Sauf que :

_ 400 € par trajet, ça me semble élevé, par rapport à un transporteur routier qui doit en théorie pouvoir  faire rentrer (je ne sais pas si en pratique c'est possible) 4 palettes aériennes dans sa semi (et un voyage Paris Lyon en semi, c'est plutôt 500€ que 1600…). En plus dans une semi, on peut faire rentrer 25 tonnes de marchandises, contre 16 tonnes au maximum par caisses (un  « wagon ») de TGV fret, et 11 tonnes en moyenne  sur le train (un train tire avec deux motrices 9 caisses, et a une limite de 100 tonnes de marchandises). Il est vrai que normalement en transport aérien, on transporte des marchandises le plus souvent légères, il me semble.

_ Pas du tout sûr que les transporteurs intéressés utilisent ce service à 100% de leur flux concernés. Faire transporter ses caisses par le train, c'est très lourd comme contrainte (notamment au niveau des horaires de départ), et même si l'opérateur est volontaire, tous ses flux ne pourront se plier à ses contraintes (le camion, lui, part quand il veut)

_A vue de nez, dépenser  63% des frais de fonctionnement dans les sillons, et rembourser 40 millions d'euros par an pour un milliards d'euros (même si toute cette somme ne sera pas empruntée) semble un peu irréaliste budgétairement. Certains frais ont ils été oubliés ?

 

 

D'ailleurs, lorsqu'on on interview (je l'avais fait pour un travail scolaire)  les acteurs (enfin, ceux qui ne sont pas en représentation) qui devraient utiliser ce service (principalement les expressistes et la Poste), on comprend assez vite que ces acteurs ne croient pas dans ce projet. Et quand on voit que ceux-ci n'ont même pas réussi à s'entendre sur l'emplacement de la gare de Roissy, et que donc le projet prévoit 2 (si ! une pour la Poste, et une pour Fedex)  gares TGV fret, qui nécessitent chacune leur installation terminale embranchée, on se doute bien que leur volonté réelle de faire aboutir les choses est limitée. Car tant qu'il ne s'agit que de financer des études (et encore, c'est surtout RFF et les collectivités locales qui ont engagé de  gros moyens pour l'instant) tout le monde est pour. Quand il s'agira de trouver 1 milliard d'euros (au moins, quelqu'un qui veut promouvoir un projet ne surestime en général pas les investissements nécessaires…) pour un service qui va très probablement perdre structurellement de l'argent, ce sera une autre paire de manche…

 


29/09/2008
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Brèves ferroviaires

Ce blog n'est pas très productif en ce moment, non que l'actualité fasse défaut. J'assure quand même le suivi des anciens dossiers évoqués. Retour sur deux affaires intéressantes.

 

Premier sujet, Eurotunnel. Si la situation de la compagnie, incendie mis à part, est bonne, la baisse spectaculaire évoquée précédemment des tarifs du fret ferroviaire n'a pas provoqué le rebond espéré du trafic des trains de fret. Selon les comptes du premier semestre, le nombre de train de fret empruntant le tunnel a même reculé de 7% (à comparer avec une hausse de 7% des camions transportés par les navettes).

Eurotunnel  reconnait cet échec (baisser fortement les tarifs pour seulement ralentir la baisse du trafic, ce n'est pas très satisfaisant) et avance comme explication les grèves à la SNCF et à la SNCB (les belges), ce qui toutefois m'apparait un peu faible (il n'y a pas eu de grosses grèves reconductibles au premier semestre 2008).

 

Deuxième sujet, le train Chine-Allemagne, dont j'ai déjà parlé ici et, plus longuement, ici. Le premier train commercial, rempli par 50 conteneurs de Fujitsu Siemens IT, est parti, d'après eyefortransport. L'arrivée théorique est prévue pour le 6 octobre. Comme je le subodorai, la différence tarifaire avec l'avion est faible (mais elle existe quand même), de 25% seulement, pour un trajet nettement plus long (15 jours au mieux pour le train, contre 1 jour pour l'avion, avec il est vrai des délais annexes, notamment douaniers, probablement beaucoup plus réduits pour le train que pour l'avion). Les promoteurs du Trans Eurasia Logistics annoncent pour le mois prochain un service hebdomadaire, le Trans-Eurasia Express, entre la Chine et l'Europe dans les deux sens.

Par contre pour l'environnement, il semble que  j'ai été trop pessimiste. Le paramètre est cette fois mis en avant, même si on manque encore d'information, notamment sur la source d'énergie utilisée par les trains. La DB cite Fujitsu-Siemens, pour qui le train permet d'économiser 95% de CO2. Par rapport à l'avion, peut-être, mais par rapport au maritime ? En tout cas, cela tend plutôt à indiquer que la traction électrique a été choisie.

Sinon, le plus grand défi qui s'annonce pour ce service est peut-être la fiabilité. Vu le nombre de pays traversés, de douaniers à amadouer, de systèmes  de courants électriques à utiliser, d'équipe de conducteurs à gérer, de système d'information à compatibiliser, l'exploitation devra être très qualifiée…


23/09/2008
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Un nouveau shérif pour le monde impitoyable du rail

L'actualité est décidément fournie concernant le ferroviaire : un projet de loi « organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés » vient d'être validé en conseil des ministres. J'ai réalisé cet article à partir de l'exposé des motifs, le texte complet est disponible sur le site du sénat. Mesure phare : la création d'une nouvelle agence de régulation.

 

Le texte s'inscrit dans un contexte de prochaine ouverture à la concurrence du transport de passager à l'international (avec possibilités limitées[1] de cabotage), et notamment l'annonce de l'alliance Veolia-Air France, qui va aller chatouiller la SNCF (certes avec une cible commerciale sensiblement différente) sur sa vache à lait, le TGV. L'enjeu est tout de suite plus fort, que lorsqu'il s'agit de partager les pertes de Fret SNCF.

En effet, les opérateurs privés de fret ferroviaire, s'ils devraient représenter 10% du trafic fret à la fin de l'année (selon certains observateurs), ce qui serait une grande performance, ne sont pas encore rentables. Cela  n'a rien d'étonnant vu les investissements initiaux nécessaires, mais celai conduit quand même à des résultats négatifs impressionnants. Euro Cargo Rail, le leader privé, en deux ans et 9  mois, a accumulé 33 millions d'euros de pertes, pour 28 millions d'euros de chiffre d'affaire. Certes, il y a la Deutsche Bahn derrière, mais il ne faudra pas faire durer la plaisanterie trop longtemps non plus. Veolia Cargo France, lui, n'a pas déposé de chiffres récents sur Infogreffe, mais  a subi également des pertes ces premières années. Reste qu'il ne faut peut-être pas sur-analyser de tels chiffres bruts, vu la probable importance comptable des choix de durée d'amortissement du matériel, et des relations comptables entre filiales.


Mais revenons au sujet. Chose promise, chose due, pour clarifier le fonctionnement du monde ferroviaire français, et le détacher un peu de la tutelle de la SNCF, une autorité de régulation, la CRAF (Commission de Régulation des Activités Ferroviaires), qui doit être réellement indépendante, va voir le jour, avec des moyens financiers (8 millions d'euro) et humains (7 administrateurs nommés pour 6 ans, 60 salariés), non négligeables.  Mais, par rapport à ce que j'avais cru comprendre, ses pouvoirs seraient plus restreints. On ne parle plus d'autorité indépendante d'attribution des sillons (ou ce n'est que partie remise ?). Concernant le transport ferroviaire en général, la commission « […] est saisie des négociations entre un gestionnaire et un demandeur de sillons sur les propositions de tarifs afin de s'assurer que les redevances d'utilisation de l'infrastructure ne présentent pas de caractère discriminatoire. Elle autorise l'entrée en vigueur de certains accords cadres pour tenir compte d'investissements spécialisés ou de l'existence de contrats commerciaux conclus avant le 1er janvier 2010.[2] Elle s'assure de la séparation comptable entre les activités de gestionnaire d'infrastructure et celles des services de transports.[3] Elle émet un avis conforme sur la fixation des  redevances d'infrastructure liées à l'utilisation du réseau ferré national et peut, à la demande du ministre chargé des transports, formuler des avis sur les tarifs des services de transport ferroviaire de voyageurs effectués à titre exclusif par une seule entreprise et sans mise en concurrence préalable. Elle est consultée sur les projets de textes réglementaires relatifs à l'accès au réseau ferroviaire, ainsi qu'à la conception, la réalisation et l'utilisation des infrastructures et des matériels de transport ferroviaire. »

Donc, à part le premier point (et à condition que son avis ait une certaine force), l'agence aura surtout un rôle de conseil. Les sillons continueront d'être attribués par RFF (que certains disent capturé par la SNCF dont elle est issue, bien que ce reproche soit peut-être un peu daté), qui a sans doute sauvé sa place centrale dans le jeu ferroviaire français.

 


Mais la loi ne se limite pas à cette nouvelle agence. Il s'agit aussi de clarifier la situation contractuelle, ce qui pourrait permettre d'ouvrir certains marchés (en théorie, pas sur qu'en pratique beaucoup de monde veuille se lancer là-dedans) à la concurrence, notamment pour la maintenance : le projet « permet à RFF de confier, par convention, à toute personne, des missions de gestion du trafic et des circulations, de fonctionnement et d'entretien des installations, sur des lignes à faible trafic réservées au transport de marchandises. Cette disposition facilite la mise en place d'opérateurs ferroviaires de proximité qui pourraient, dans un objectif d'optimisation des moyens techniques et humains, se voir confier par RFF des missions de gestion de l'infrastructure sur des lignes pour lesquelles ils assureraient également des services de fret. ».

Pour une nouvelle société, faire à la fois de l'entretien et du transport doit être difficile, ce sont deux métiers très techniques et complètement différents. Mais on retrouve ici les opérateurs ferroviaires de proximité, dont je vous avais parlé il y a un peu moins d'un an. Depuis, il faut reconnaitre que pas grand chose à ma connaissance (bien partielle) ne s'est passé sur le terrain. Le lancement d'une société commerciale en région Centre et les premiers trains qui vont avec ont été annoncés courant 2008, puis début 2009 (d'après l'officiel des transporteurs de début septembre).

 C'est un avis assez personnel, mais je ne suis plus entièrement convaincu que les OFP se feront sous peu. D'une part,  parce que Fret SNCF devrait apparemment rester le tractionnaire (pour des raisons politiques ?), ce qui limite l'intérêt de l'opération (les OFP, c'était justement pour monter de petites structures, avec une organisation du travail plus souple et plus adaptée au marché local, comme ce qui peut exister en Amérique du nord ou en Allemagne). Et, d'autre part, Euro Cargo Rail, en remportant l'année dernière un contrat de transport de céréale dans la région Centre, contrat difficile  techniquement[4], que l'opérateur historique avait abandonné, a peut-être (je n'ai pas d'informations récentes) coupé en partie l'herbe sous le pied de l'OFP (au moins celui de la région Centre)…

 

Sinon, le prix des sillons devrait être fixé en fonction du consentement à payer de l'entreprise ferroviaire[5] (autrement dit, les lignes rentables seront sur-taxées, mais ça, a priori, ça devrait plutôt concerner le TGV, on n'échappera pas à une hausse…).

 


Au final, pas évident de savoir si on assiste avec cette future loi à un tournant ou pas. La CRAF deviendra-t-elle un acteur puissant et redouté, à l'instar de l'ARCEP pour les télécommunications ? Trouvera-t-elle sa place et sa légitimité, dans un monde du ferroviaire dominé par les acteurs aux mains de l'État, alors que son rôle est potentiellement de défendre les « petits » nouveaux privés contre la position dominante de la SNCF ? Pas simple, mais pour la future croissance (voir une étude de l'UNIFE, on peut espérer de 2.5 à 3% de croissance par an jusqu'en 2016) du ferroviaire, espérons que la réponse soit « oui ».

 



[1] « ceci comprend également la possibilité de prendre et de déposer des voyageurs dans des gares françaises situées sur le trajet d'un service international à condition que ces dessertes intérieures « de cabotage » présentent un caractère accessoire au regard de l'ensemble du trajet et qu'elles ne portent pas atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public »

[2] C'est peut-être important, mais honnêtement je n'ai pas compris…

[3] Depuis 11 ans que RFF existe, au niveau purement comptable, je ne pense pas qu'il y ait encore beaucoup de problème…

[4] Transport saisonnier, de gros volume d'un coup pendant une période assez courte, ce qui est assez dur à gérer au niveau du matériel et du personnel. Toutes ces informations m'ont été transmises oralement par un responsable d'une autre entreprise ferroviaire, et sont donc sujettes à caution.

[5] «  le calcul des redevances d'utilisation du réseau ferré national tient compte, quand le marché s'y prête, de la valeur économique, pour l'attributaire du sillon, de l'utilisation de ce réseau »


11/09/2008
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Rentrée des classes pour le wagon isolé

J'ai déjà parlé plusieurs fois du wagon isolé (la réforme et un exemple d'adaptation à la réforme notamment). Le wagon isolé, c'est le fait pour un chargeur de n'envoyer que quelques wagons à la fois. Ça correspond mieux que le train complet aux évolutions actuelles d'une bonne partie de la logistique, mais ce n'est pas sans poser des problèmes organisationnels. Clairement non rentable, avec une non-qualité de service mythique chez les chargeurs, et un intérêt écologique discutable dans certains cas, le wagon isolé a redoublé ces dernières années, avec des volumes qui ont sensiblement régressé. Aujourd'hui Fret SNCF présente une nouvelle copie, avec  la ferme intention de gagner la tête de la classe.

               Fret SNCF  explique sa nouvelle politique concernant le wagon isolé , bien sur sans polémiquer outre mesure ou revenir sur les réformes passées qui ont pu faire grincer des dents. Il s'agit ici aussi de promotion commerciale. Par rapport à mon article de l'hiver dernier, 4 hubs ont été finalement retenus (voir le dossier de presse, très complet, en dernière page), avec un hub supplémentaire « d'appuis » dans la région Bourgogne, au milieu du triangle défini par les trois autres (Lyon, Paris, Metz). Je ne saisis pas bien l'intérêt en matière de transport (à moins que la région Bourgogne soit un fort émetteur de fret ?), mais il doit y en avoir un.

Au niveau commercial, Fret SNCF prévoit de permettre au client d'envoyer des wagons isolés « sans préavis », tout en garantissant « l'engagement de la SNCF sur un délai de transport et une fiabilité de ce délai qui sera fourni au moment de la commande ». Voilà qui semble quand même ambitieux. Pour une entreprise de transport routier ou de transport combiné, le problème est justement de gérer les clients qui appellent au dernier moment, ce qui a pour effet immédiat de désorganiser les plannings. Dans le cas du ferroviaire, où une loco doit aller chercher le wagon directement chez le client, cela me parait presque incroyable, vu notamment (mais pas seulement) les problématiques de disponibilités des voies.  Si on lit le dossier de presse jusqu'au bout, on découvre toutefois que les garanties ne sont vraiment existantes que si le client prévient deux jours avant le transport (c'est la « commande unitaire »). La SNCF propose même un troisième niveau, la « réservation globale », pour les clients réguliers s'engageant sur un certain volume de transport, qui bénéficieront d'une priorité. Voilà qui s'annonce difficile à gérer, mais qui constitue un vrai service différencié selon le client (et son consentement à payer ?) . Dans le domaine des transports terrestres, Fret SNCF est donc novateur commercialement.

Pour faire marcher ce système, la SNCF compte disposer d'un système d'information en temps réel, et pouvoir localiser des wagons (et non plus seulement des trains), en temps réel, ce qui serait effectivement un grand progrès. Cela devrait être faisable, vu que c'est déjà le cas pour certains chargements sensibles, notamment pour la chimie, avec le service Presence Fret.

A noter que pour le transport exceptionnel en taille, Fret SNCF a sa solution, Maxifret. Et quand on voit l'offre de wagon, on comprend que sur les marchés spécifiques, FRET SNCF n'est pas en danger (même si on peut louer des wagons auprès de prestataires spécifiques), mais que cette diversité doit être compliquée à gérer et à optimiser.

En tout cas la SNCF semble prête à mettre les moyens sur le wagon isolé, avec un programme de gestion centralisée, et 270 millions d'euros qui devraient être investis au total. Également, le dossier de presse nous parle d'X-rail, un service de wagon isolé qui devrait être lancé en 2009 (on peut avoir des doutes, le nom lui-même est déjà pris par un tas de services et d'entreprises), entre les principales grandes compagnies historiques européennes, notamment la Deutsche Bahn,  qui s'affrontent plus ou moins directement sur les autres marchés. Déjà les compagnies européennes essayent de plus ou moins coordonner leur plans de transport (ainsi, « le plan de transport Fret SNCF a été connecté avec les points de concentration majeurs des voisins européens »), et, peut-être plus important encore, essayent de rendre compatible leurs systèmes d'information.

Bref le wagon isolé devrait être en mesure de remonter la pente, si toutes ces mesures fonctionnent. Rendez vous en 2011, selon le lloyd, pour voir si la redynamisation annoncée sera effective.

 


11/09/2008
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Le transcontinental devrait être lancé avant la fin de l'année

C'est un de mes plus petits articles, et le plus visité. Le projet de faire circuler un train de marchandise entre la Chine et l'Allemagne par le transsibérien, voila qui fait rêver, même ceux qui ne serait pas spécialement attirés par le sujet de ce blog, pas forcément toujours perçu comme très glamour. Aujourd'hui on a quelques informations en plus sur ce projet. Le glamour résistera t-il à la réalité ?


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Selon Norbert Bensel, le président Transport et Logistique de la Deutsche Bahn, cité par le site du lloyd belge, le service pourrait être lancé entre la Chine (où 18 terminaux de transport de conteneur sont en cours de lancement) et le terminal de Berlin-Großbeeren, récemment agrandi. La DB espère sans trop se mouiller ("Selon la compagnie nationale allemande, un délai de transit de 15 jours appartient aux possibilités.") faire aussi bien que pendant le voyage inaugural en janvier, et réaliser le voyage Chine du nord/Europe en moitié moins de temps que les compagnies maritimes (cependant, pour le sud de la Chine, les offres sont plus rapides, ainsi la CMA propose par exemple un Shangaï Hambourg en 23 jours).

Alors évidemment, c'est plus cher que le bateau, même si les tarifs ne sont pas arrêtés (voir l'article en allemand de Xinhua China Nachrichten). Mais apparemment cela pourrait aussi être plus cher que l'avion (ou à un niveau de prix approchant) ! En effet, selon Norbert Bensel, la cible de cette nouvelle offre est constitué par les marchandises " 'time-sensitive' trop volumineuses pour être transportées en avion" (Il n'y a pourtant pas plus de place dans un wagon que dans les soutes d'un 747..., ça doit être une question de grille tarifaire). Ça doit bien vouloir dire que pour les marchandises standards, l'offre ferroviaire n'est pas intéressante niveau prix (sinon, le ferroviaire pourrait constituer une offre de compromis entre l'avion et le maritime)...

 Cela se comprend peut-être, en tenant compte du fait qu'on immobilise du matériel (l'écartement des voies n'est pas le même en Russie/Biélorussie et dans le reste de l'Europe, le courant électrique et la signalisation non plus, donc soit on utilise du matériel plus cher , wagon à écartement variable, ect... soit on change de matériel en court de route) et des chauffeurs (le roulement des chauffeurs et la gestion de leurs temps de repos/congés doit être un vrai casse-tête) pendant au moins 15 jours.

Bref ce train va s'intéresser, au moins à ses débuts, à un marché de niche (mais un marché de niche à l'échelle de l'atelier du monde, cela fait quand même 140 conteneurs par train). Le but affiché n'est pas de concurrencer les compagnies maritimes (qui seraient même les utilisatrices de ce service, selon XCN). D'ailleurs, si les compagnies maritimes le voulaient vraiment, ne pourraient-elles pas mettre en place des petits navires rapides sur ce même marché ? La DB espère un chiffre d'affaire de 10 à 20 millions d'euros, ce qui n'est pas anecdotique mais ne pèsera pas dans les comptes annuels de Railion.

Reste une question : est ce que le train est ici meilleur pour l'environnement ?  Norbert Bensel ne communique pas dessus, donc ce n'est peut-être pas forcément si évident... En fait cela doit dépendre à quoi roule le train de la DB (en partenariat avec des compagnies russes et chinoises, voir article précédent), dans des pays dont le réseau ferroviaire (surtout à l'est de la Russie) n'est pas spécialement flambant neuf, et où le prix de l'énergie ne reflète pas forcément les cours mondiaux (notamment en Russie). Si on rajoute à cela le fait que le courant électrique utilisé en ferroviaire vaut 3000 V continu en Russie (de l'ouest), puis 25000 V alternatif en Biélorussie (bizarre ça, mais wikipédia est en général plutôt fiable), puis de nouveau 3000V en Pologne, puis 15000 V alternatif en Allemagne, cela m'étonnerait un peu qu'on utilise la traction électrique. Certes il existe des locomotives tri-courants, mais pas forcément pour ces courants là. Cependant, si la DB développe ses trafics vers la Russie, elle devrait à terme s'équiper en locomotives électriques, quitte à commander un nouveau modèle. Car avec un moteur diesel, le bilan environnemental par rapport au bateau notamment ne doit pas être à l'avantage du ferroviaire...

Bref, une belle initiative, dont il ne faut toutefois pas attendre trop, d'un point de vue environnemental comme économique. Par contre la DB va engranger un savoir faire international au point de vue technique, et nouer des contacts fructueux chez le futur numéro 1 économique mondial. Là sont peut-être les véritables enjeux.


31/05/2008
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La fin du wagon isolé : une chance pour le ferroviaire ?

        

J'ai raconté dans un article précédent les raisons de la politique d'abandon partiel du wagon isolé par la SNCF, service qui tend donc à n'être disponible que dans des zones limitées, pour un prix permettant à la SNCF de faire face à ses charges. En gros, le wagon isolé coûtait très cher et n'était pas forcément une bonne affaire au niveau environnemental. Or, Philippe Bohlinger, dans le numéro 890 de Transports Actualités (4 avril), va plus loin : dans certains cas, la fin du wagon isolé a permis de favoriser le ferroviaire ! Comment expliquer ce paradoxe apparent ?


        L'auteur donne les exemples alsaciens de Kronembourg, le brasseur bien connu, et de Hartman France, un spécialiste des produits médicaux à usage unique. Le premier est particulièrement intéressant.

Pour le groupe de bière, qui dessert le marché français à partir de son unique usine d'Obernai, et qui envoyait 10 000 wagons isolés auparavant (représentant l'équivalent de 15000 camions), il s'agissait de réorganiser sa logistique, après la réorganisation de l'activité wagon isolé par la SNCF. D'une part, l'entreprise est passée au contrat DDP ("franco", c'est l'expéditeur qui prend en charge le transport, jusqu'au destinataire), et à donc repris en main sa logistique, auparavant sous la responsabilité de ses clients, pour en confier l'organisation à Kuehne et Nagel. D'autre part, l'entreprise s'est réorganisée pour permettre l'envoi de trains entiers, qui vont ensuite être acheminés (par la SNCF, sachant que Veolia transporte déjà des bouteilles vides pour Kronembourg) dans un des trois nouveaux entrepôts régionaux, où les blondes, brunes et autres rousses seront stockées en attente du trajet terminal, effectué en camion. 60% des expéditions devrait utiliser ce système. Résultat, début 2009, "chaque palette ne devrait plus cheminer que par 160 km de bitume, contre 500 km auparavant". 500 km auparavant ! Le wagon isolé ne devait pas très bien marcher...

En fait, cette nouvelle réorganisation (et surtout les importants investissements nécessaires, l'article parle de 10 millions d'€!) n'a été rendu possible que par un climat favorable au ferroviaire : pétrole cher, congestion routière en Alsace (ou les camions allemands se réfugient pour échapper à la LKW Maut allemande!), relative pénurie de transporteur (cependant, en 2005, l'indicateur de tension du marché de l'emploi de l'Alsace était loin d'être le plus élevé, avec 0.87 offre d'emploi par demandeur).Selon Régis Holtzer, directeur supply chain de Kronembourg, "c'est aussi une manière d'anticiper sur l'extension du système des quotas de CO2". Mais comme on l'a vu avec Modalohr, un climat favorable ne suffit pas à garantir le succès.

Ici, c'est surtout à un changement global de la stratégie logistique de chargeur, qui a semble-t-il pris en compte le transport comme un champ stratégique majeur, que l'on doit cette avancée. A noter aussi que Kronembourg a négocié des compensations en cas de grève de la SNCF, ce qui ne parait pas complètement inutile, et qu'il prévoit de mutualiser ses flux avec certains concurrents.

Bref, la fin du wagon isolé a pu conduire certaines entreprises à innover et à améliorer la qualité de leur système de transport, en adoptant une tactique de massification des flux, plus favorable au transport ferroviaire d'un point de vue économique, mais également plus favorable à l'environnement. Cela reste néanmoins un cas particulier (et probablement mis en avant par le service communication de la SNCF), donc cela ne peut guère être utilisé, en l'état et en toute rigueur, pour défendre la réforme de la SNCF. Néanmoins, on aurait tort de dédaigner les bonnes nouvelles, elles ne sont pas si nombreuses.



Edit : un article très intéressant du site rayon-boisson, qui confirme que seuls de très gros chargeurs comme Kronenbourg peuvent se permettre de passer au train complet.





02/05/2008
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Un tournant stratégique pour la SNCF?

   Alors que l'Europe du fret ferroviaire rail bouge à toute vitesse depuis quelques années, alors que la Deutsche Bahn est sur tout les fronts (voir article précédent), Fret SNCF faisait figure de belle (tout le monde ne serait sans doute pas d'accord avec moi) endormie, au point de vue stratégique. Le prince charmant s'appellerait-il Pierre Blayau ?

 

   La machine de guerre de  SNCF Participation semble lancée. Le groupe de transport serait en train de procéder à des rachats massifs du titre Geodis (numéro 1 du transport routier en France, voir article précédent) sur le marché, prélude à une OPA (faire monter le titre, avant de lancer une OPA, je ne sais pas si c'est une bonne tactique pour  payer sa cible moins cher, mais je ne suis pas financier). Je cite La Tribune :

«Les observateurs prêtent à sa maison mère, la SNCF, qui détient 43% des titres de Geodis, l'intention de prendre la totalité du capital. Objectif: former un champion national dans les activités de logistique et de fret. Un peu sur le modèle de la Deutsche Bahn en Allemagne. Un rapprochement qui permettrait à la SNCF de régler en partie les difficultés rencontrées depuis de nombreuses années par sa division fret. »

Les Echos ont à peu près le même argumentaire.

 

   Or je suis sceptique sur ces points. Racheter le capital de Geodis est peut-être une bonne opération financière, mais l'intérêt stratégique me reste obscur. D'abord, la SNCF contrôle déjà en pratique Geodis, donc  « le champion national de la logistique » est déjà là. Le problème c'est que pour l'instant, ça ne s'est pas trop vu sur le terrain. A ma connaissance (je serai heureux si quelqu'un pouvait me contredire), la SNCF et Geodis ne collaborent pas en pratique. Alors qu'on pourrait imaginer que Geodis « rabatte » des trafics sur le ferroviaire. Le pire c'est que Geodis collabore avec une entreprise ferroviaire… en Autriche ! (voir cet article en italien, de traspoto europa, via Patrice Salini). Geodis effectue ainsi depuis début mars des transports pour  Rail Cargo Austria en Europe (Italie, Angleterre, Espagne, France, Autriche…).

 

   Car l'Europe (ferroviaire), c'est bien ce qui manque à cette stratégie de champion « national ». Or, ce me semble essentiel dans le marché européen, c'est de capter les flux ferroviaire européens longue distance (en ne passant plus par des coopérations entre compagnies-« on s'échange les wagons à la frontière »- qui nuisent énormément à la qualité du service final). C'est difficile, ça nécessite de très gros moyens, mais c'est un marché que doivent capter les grands opérateurs historiques (qui disposent, quoiqu'on en dise, du meilleur réseau et de la meilleure expertise technique), car très peu de concurrents privés (voir article précédent) seront capables de le faire, car ce marché va sans doute augmenter avec la hausse des prix du transport routier, et la montée en puissance des pays de l'est, et  surtout car le bénéfice potentiel est important. C'est tout le sens de la stratégie de la Deutsche Bahn, qui achète des compagnies ferroviaires partout en Europe, de façon à se constituer un réseau européen. La SNCF semble également vouloir se lancer sur ce marché européen, avec notamment la stratégie open acces (qui vise à pouvoir assurer le transport des trains en Europe de bout en bout), en demandant une licence en Allemagne, ou en poussant ses lignes vers les ports belges, mais cela semble bien timide en comparaison.

 

Et pourtant la SNCF a de l'argent…Ne faudrait-il pas en profiter, avant que RFF n'augmente les péages? Se rapprocher de CFF Cargo par exemple, présent en Suisse, à Rotterdam, en Italie et en Allemagne (voir article précédent), ça, ça aurait un sens industriel, par exemple (je dis n'importe quoi)… Là, la SNCF renforce sa position sur ce qu'elle possède déjà, et risque de provoquer un clash social (fusionner Fret SNCF et Géodis ? J'ai mal compris ?) pour pas grand chose (à moins qu'on change aussi la stratégie industrielle des deux groupes). « Un rapprochement qui permettrait à la SNCF de régler en partie les difficultés rencontrées depuis de nombreuses années par sa division fret. » A mon humble avis, ce n'est pas aussi simple. Pour l'avenir de Fret SNCF (et celui de Géodis, dont la stratégie ne semble pas non plus limpide, mais c'est un autre sujet), il ne faudra pas en rester là.


04/04/2008
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La Deutsche Bahn au dessus de la mêlée

La vie du rail n'est pas un long fleuve tranquille. Mais il y a quand même une certaine constance. On peut même résumer les règles : la bataille du rail, ça se joue à beaucoup, et à la fin, c'est les allemands qui gagnent.

 

Les situations des grandes entreprises ferroviaires européennes sont contrastées. Alors que le suisse CFF Cargo affronte une fronde syndicale contre son plan de restructuration et semble s'enfoncer dans la crise (lire un bon résumé de la situation ici), ça va un peu mieux pour la SNCF, qui a un nouveaux patron Guillaume Pepy (connu pour être un bon négociateur auprès des syndicats, ce qui est à coup sûr indispensable pour la fonction qu'il occupe), et qui se permet le luxe de verser un dividende de 130 millions d'€ à l'Etat, grâce aux bénéfices de la branche voyageur et des nombreuses possessions de groupe SNCF. Par contre, Fret SNCF reste en difficulté. De plus, au contraire de la petite compagnie suisse, qui, à mon avis, a quand même du mérite (voir article précédent), le réseau international de la SNCF reste très faible (on parle cependant d'une alliance des grands groupes ferroviaires sur le wagon isolé, là où tout le monde perd de l'argent, le programme X-rail, mais je n'ai rien trouvé de très concret sur le web).

   Celle qui reste en tête, c'est la Deutsche Bahn. Impériale, elle vient d'obtenir l'aval de la commission européenne pour racheter Transfesa, une société espagnole qui fait du transport ferroviaire, mais qui possède aussi, comme toute entreprise ferroviaire qui se respecte, des entreprises de transport routier (j'avais consacré un article à la SNCF sur ce point, mais on pourrait aussi prendre l'exemple de la DB). La liste des possessions de Transfesa parait impressionnante (ils ont une filiale en France et en Suisse, par exemple), mais au final, l'activité reste limitée (un peu plus de 3 milliards de tonnes-kilomètre en 2006, 13 fois moins que FRET SNCF), et les implantations à l'étranger ne sont que des antennes commerciales (notamment en France et en Suisse). Voir à ce sujet le rapport annuel 2006 du groupe. Par contre Transfesa dispose de 1000 wagons à écartement variable, et pourrait venir prendre les troupes françaises en tenaille, comme au temps des guerres révolutionnaires.

   Mais il y a d'autre nouvelles intéressantes concernant la DB. La Deutsche Bahn, RZD (les chemins de fer russes), Transcontainer (présent au SITL), une filiale de la compagnie précédente, le polonais Polzug et Kombiverkerh ont vu leur accord de joint-venture approuvé début mars.  La société résultante, Trans-Eurasia logistics JV, va assurer le transport de conteneur de l'Allemagne jusqu'à la Russie. Il est ainsi prévu d'organiser des navettes régulières de trains entiers jusqu'à Moscou. Cet opérateur se veut un intégrateur, et proposera des solutions de pré et de post acheminement (pour le client, le service devient porte à porte, un camion vient chercher son conteneur), de traçabilité des conteneurs (pouvoir suivre son conteneur avec un GPS) et de règlement des formalités douanières (et en Russie, la douane n'est pas forcément une formalité). Cet accord de joint-venture pourrait bientôt s'élargir à la Chine, avec CRCTC, pour développer une offre commerciale transcontinentale (voir article précédent).

   Encore une dernière pour la route. La DB teste actuellement au Danemark des trains de plus de 835 mètres (plus de 2300 tonnes, l'équivalent d'une petite centaine de grands camions bien chargés), et étudie la possibilité de trains de 1000 mètres, en particulier pour la déserte des ports. En France, on est bloqué à 750 mètres. Le but, améliorer la productivité (mais aussi le rendement énergétique, plus un train est long, plus on minimise  le frottement à l'avant). Mais le défi n'est pas seulement dans le train lui même, il consiste surtout à s'adapter à l'infrastructure (qui elle, coûte très chère à adapter), et à respecter les procédures de sécurité. Pour l'instant ce type de train ne peut rouler qu'au Danemark. Après il faut le remplir ce train, et donc disposer d'un marché suffisant. Mais pour les ports qui accueillent des navires porte-conteneurs toujours plus gros qu'il faut décharger toujours plus vite, c'est intéressant.

 

   Bref la DB accroît son avance (et je ne vous parle pas de la collaboration renforcée avec le port de Rotterdam, les contacts avec les chemins de fer indiens…). La DB est non seulement très puissante financièrement, mais elle innove et prospecte les pays émergents. Non seulement elle est en train de se constituer un cartel ferroviaire européen, mais manifestement elle croit au fret ferroviaire. Bref, on n'arrive pas à la détester, on ne peut qu'être admiratif. Chapeau l'artiste !



19/03/2008
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Qui va manger le petit suisse ?

Chez nos voisins suisses, le ferroviaire ça marche ! Avec un fort investissement des pouvoirs publics, les suisses sont parvenus à « mettre les camions sur des trains », au moins pour le trafic de transit. Mais ce succès attire les convoitises en ce qui concerne la filiale fret de la compagnie nationale suisse, CFF Cargo. Le départ récent du PDG de CFF annonce t-il la reprise de la compagnie?


A lire les différents communiqués de CFF Cargo (eux au moins veulent et savent communiquer, ce qui n'est pas le cas de toutes les compagnies française), on a l'impression à première vue que les difficultés du fret glissent sur la compagnie suisse. Opérant sur un territoire petit, où le fret ferroviaire n'est pas censé être rentable, elle s'empare de marchés variés et ne se contente certainement pas de viser les trains entiers réguliers, comme le fait la SNCF, pour une bonne partie du territoire français. Avec 383 points de chargement du wagon isolé (en 2006), elle conserve un réseau très dense qui réalise avec le transport combiné un gros quart des tonnes-kilomètre transportées internes à la Suisse. Elle est capable de prendre un contrat ponctuel de produit frais (les merveilles de carnaval, consommées seulement dans cette période), ce qui traduit une grande confiance dans sa capacité d'adaptation et de respect des délais. Elle prend en charge le transport des déchets à Lausanne, jusqu'à l'incinérateur, en sous-terrain, ou encore le transport de betterave, ce qui nécessite une organisation logistique avancée, vu le grand nombre de producteurs. Elle développe des gares d'autoroutes (honnêtement, par contre, là, je trouve le communiqué très peu clair, donc je n'ai pas trop compris de quoi il s'agissait). CFF n'a pas oublié de se développer à l'international, avec des filiales en Allemagne et en Italie, et pousse ses pions jusqu'à Rotterdam, de loin le plus important port européen.

Globalement, comme le dit un communiqué de juillet dernier, « CFF Cargo a ainsi réussi un tour de force en développant de nouveaux trafics en dépit d'une concurrence intense ». Au premier semestre 2007, CFF Cargo a ainsi transporté près de 7 milliard de tonne-km (à comparer avec les 20 milliard de tonne-km/semestre de Fret SNCF), en hausse de 13%. Il faut néanmoins préciser que le trafic en Suisse reste stable, et que les gains sont occasionnés par l'essor des filiales allemandes (+43%) et italiennes (+64%). Et ces bons résultats sont aussi le reflet d'une qualité de service impressionnante : pour les trafics intérieurs (chiffre 2006), 96 % des trains arrivent avec un retard de moins de 30 min (en France, il me semble bien qu'on considère qu'un train de fret est en retard au bout de 24h) ! En trafic international, c'est un peu moins bon (80%, pour les clients ayant signé une charte) en valeur absolue, mais le trafic international est soumis à des contraintes plus grandes et des acteurs plus nombreux (je suppose que la douane intervient?).


On ne construit pas des histoires intéressantes sans difficultés. Justement, en ce moment les nuages s'amoncellent sur la petite compagnie qui monte, dans un contexte de regroupement des principaux acteurs ferroviaires européens (voir article précédent). Le président de la compagnie CFF, Thierry Lalive d'Epinay, en poste depuis 1999, a annoncé son départ pour fin 2008. Des rumeurs font état de velléités de rachat de la partie fret par la Deutsche Bahn ou la SNCF. Car financièrement, la branche fret est toujours dans le rouge (voir le rapport de gestion, très fourni), avec un déficit qui a baissé (30 millions d'€ en 2006, contre 166 millions en 2005), mais qui devrait rester à deux chiffres en 2007. Quoiqu'il en soit, l'activité fret de CFF devra certainement être rationalisée, ce qui n'enlève rien au succès de cette compagnie. Ce qui m'étonne par contre, c'est le silence de la presse suisse (au moins sur Internet). Rien sur Le Temps ou Le Matin, pas grand chose sur La Tribune de Genève. On est loin de la mobilisation générale que susciterait des projets de vente de fret SNCF...


28/02/2008
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Les nouveaux projets de train fret à grande vitesse

      Ces derniers temps les journaux belges ont publié plusieurs articles sur le projet d'EUROCAREX, LIEGE CAREX, qui devrait desservir l'aéroport de Liège par TGV fret. Prévu pour ouvrir en 2012, mais recherchant encore des financements (eh oui, il y a 90 millions d'€ à trouver), le projet doit être rentable, après 20 ans de fonctionnement (ce qui est beaucoup, voire énorme, si on n'a pas pris la peine d'actualiser).

      C'est l'occasion de faire un petit point sur ces projets de TGV fret, qui n'ont rien de très nouveau (par exemple, en France, La Poste exploite trois TGV fret jaune), mais dont la mise en place a été difficile. Ainsi ces lignes ont, en général, (selon Albert Counet, le directeur de B-Cargo, le fret SNCF belge) périclité « une fois le robinet de l'aide publique fermé ». En même temps, la SNCB n'est pas partie pour tirer les trains de ce projet, ce qui peut expliquer son manque d'enthousiasme.

      Le projet est en tout cas défendu par la société EUROCAREX, une création (récente, elle date de début 2006) de l'aéroport de RCG. Moins polluant que l'avion ou le camion (c'est difficilement contestable), le TGV fret vise le marché de l'express international (les envois de petits colis à livrer rapidement). Les hubs aériens des grands expressistes (DHL, FEDEX, TNT, UPS…) sont en effet situés à Bruxelles, Paris, Liège et Cologne, soit plus ou moins sur le tracé de la première ligne d'EUROCAREX.

Un train rapide (plus précisément une rame) permet ainsi de transporter à peu près autant qu'un 747 cargo, soit 80 tonnes (ce qui n'est pas si énorme, comparé aux 350 tonnes chargées en moyenne par un train de fret « classique »). Simplement ces trains rapides ne peuvent pas circuler souvent, vu les contraintes de sillons (il faut un créneau horaire pour faire circuler le train), et pire, ça risque de ne pas s'arranger (le trafic voyageur Thallys ou Eurostar risque plutôt d'augmenter, et la capacité à payer des voyageurs risque d'être plus grande que celle des marchandises). RFF parlait de 8 créneaux disponibles le jour et un seul la nuit (ça me semble étonnant, même compte tenu des contraintes d'entretien des voies). Ce qui fait que les expressistes vont devoir (enfin devraient) réorganiser leur système logistique, pour s'adapter aux horaires des trains (le camion, lui, peut partir dès qu'il est chargé), qui doivent partir remplis pour que le système soit rentable.

Reste qu'on gagne du temps. EUROCAREX annonce 3h pour un RCDG-Liège, contre 4h20 min par autoroute, en prenant une hypothèse de 80km/h de moyenne. On le voit, la différence est sensible, mais peut facilement être annulée par les contraintes du ferroviaire (temps de chargement, fréquence des trains faibles…). Fedex annonce vouloir développer l'intermodalité, mais n'a pas pour l'instant investi dans le projet.

Un rapport du CNT de 2005 a bien montré les difficultés des TGV fret, je ne m'appesantirai pas dessus (mais je ne dis pas que c'est impossible, juste que ce n'est pas facile)

Enfin, je suppose que les constructeurs de rames ont dû sourire devant le communiqué d'EUROCAREX du 13 décembre dernier. En effet, pour transporter des marchandises, palettisées ou en conteneurs aériens, il faut des rames spéciales, ne serait-ce que pour des questions d'aménagement intérieur, mais aussi de structures, ou encore de temps de chargement (les rames doivent être chargées « en 15 à 20 minutes »). Or rien n'a encore été fait à ce sujet : le communiqué demande donc « aux constructeurs d'estimer le coût pour les 20 rames à construire et de se prononcer sur les délais de livraison des rames. En effet, les trains devront être sur les rails pour le 31 mars 2012, date de l'inauguration de la 1ère phase du réseau Eurocarex entre les aéroports de Roissy CDG, Lyon Saint Exupéry, Lille Lesquin, Liège, Amsterdam, Cologne-Bonn et Londres ». Alsthom et Bombardier ont  intérêt à se dépêcher.

Ces rames devraient coûter selon la présentation de « l'étude de faisabilité 2007 » entre 15 à 20 millions pièce, « sans les études ». Ça fait beaucoup de camions neufs, ça…

Au final, le schéma de développement du réseau EUROCAREX semble assez optimiste… Je ne ferai pas de mauvaises blagues sur nos voisins préférés, mais quelque part il me semble que EUROCAREX profite de la crédulité de ses interlocuteurs (qui en même temps n'ont encore rien payé, il me semble).


25/02/2008
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La guerre des trois aura bien lieu

      Le système ferroviaire européen est en ébullition ces derniers temps. Rachat, alliance se succèdent, sans que pour l'instant les autorités européennes de la concurrence semblent prêtes à siffler la mi-temps. Dernière action en date, l'annonce du rachat de la compagnie Rail4Chem par Véolia. L'entreprise allemande, auparavant détenue en partie par BASF, un grand de l'industrie chimique allemande (et donc Rail4Chem est forte sur la chimie, mais aussi le transport international et les conteneurs), est une prise de poids. Cette acquisition va permettre à Veolia d'augmenter son chiffre d'affaire sur l'Europe de 60%, pour atteindre (théoriquement) 200 millions d'€ en 2007. Surtout, avec cette acquisition, Veolia, qui était présent en France, au Benelux et en Allemagne, conforte sa position en Allemagne (où la libéralisation du marché du fret est plus ancienne qu'en France), et se repositionne vers l'est, comme on le voit grâce à la carte des lignes de Rail4Chem, qui est présent en Suisse, en République Tchèque, en Autriche, en Hongrie, en Pologne…

 

Mais Veolia n'est bien sûr pas le seul à convoiter le marché européen. La Deutsche Bahn a même plusieurs longueurs d'avance. Forte de ses positions dans toute l'Europe (la DB, et les sociétés qu'elle contrôle, c'est à elle seule plus de 30% du fret ferroviaire de l'Europe des 27), la compagnie allemande est d'ors et déjà l'opérateur continental dominant (voire mondial, voir article précèdent). En France, la DB est présente par Eurocargorail (filiale de l'anglais EWS rachetée l'été dernier par la DB, ce qui a sonné comme une déclaration de guerre à la SNCF), un opérateur discret, qui n'en est pas moins le premier opérateur privé en France (qui, selon un acteur du ferroviaire, et le rapport d'activité de la DB, vise 5 % de part de marché d'ici 2009).

      La SNCF, elle, aurait plutôt quelques longueurs de retards, même si la réforme interne semble en bonne voie (voir article précèdent). Poussée par l'aiguillon de la concurrence, Fret SNCF va sans doute améliorer ses prestations et ses coûts. Mais au niveau de l'expansion européenne, Fret SNCF ne dessert pour l'instant que les ports belges. Fret SNCF annonce toutefois vouloir tracter des trains en Allemagne à partir de l'été prochain, et ainsi s'implanter sur le plus gros marché européen. Apparemment, on reste plus pour l'instant dans une logique de flux transfrontalier de trains entiers (qui auparavant étaient « échangé » par la SNCF et la DB à la frontière, ce qui posait de multiples retards), que d'une implantation de filiale allemande. Selon webtrains (pas de communiqué sur le site de Fret SNCF ?), la compagnie française va d'ailleurs continuer à collaborer avec les envahisseurs germaniques pour le wagon isolé.

VFLI (autre « filiale » fret de la SNCF) a elle réussi un joli coup en s'intégrant à l'alliance European Bulls, le 30 janvier dernier. Patatras, c'est une alliance dominée par … Rail4Chem ! Et Veolia a sûrement plutôt en tête de développer son réseau, pas de faire des alliances entre petits (surtout s'ils appartiennent à un gros  concurrent)… En même temps, à la lecture du site Internet, on peut douter que cette alliance fonctionne (quoique qu'il faut se méfier en la matière, certaines organisations aiment rester très discrètes, le site d'EuroCargorail, plus que minimaliste, en est un bon exemple).

 

Bref, l'Europe semble se préparer à une trilogie de grands acteurs du ferroviaire, qui cohabitera avec une multitude d'acteurs nationaux ou locaux. Seulement 3 ? Pas sûr du tout, mais d'une part je manque d'information (et bien malin qui peut prédire ce genre de chose), d'autre part, c'est tellement dur de faire des références "littéraires" sur un blog consacré au fret…


21/02/2008
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Bejing-Hambourg, ou le début du transport combiné au long cours

 Un train de fret qui arrive avec 5 jours d'avance, ce doit être une première mondiale (5 jours de retard, c'est déjà arrivé plusieurs fois à la SNCF). En 15 jours (moins de la moitié du temps de trajet d'un porte-conteneurs, et 5 jours de moins que prévu), un train transportant des conteneurs a relié Pékin à Hambourg (un voyage de plus de 10000 km), en passant par 6 pays (info via swissroll).

      En signant un accord international, les acteurs de l'opération (la Deutsche Bahn, le ministère chinois des chemins de fer, et la compagnie Russe RZD) ont pu limiter, le temps de l'expérience, les délais d'attente aux douanes, le principal écueil pour ce type de projet. Les acteurs se veulent confiant sur le devenir de l'expérience : selon Zheng Mingli, le président de la compagnie China Railway Container Transport (CRCT) :  "Barring any complications, a scheduled container train should be shuttling between China and Germany in a year's time."

Apparemment, il y a un marché (le train est forcément plus cher que le bateau, mais est plus rapide), estimé à des milliards de livres par la compagnie chinoise (on n'est pas obligé de les croire).

      En tout cas, l'affaire est l'occasion de voir comment la Deutsche Bahn veut s'implanter sur le marche chinois, où le marché du transport combiné pourrait atteindre 10 millions d'EVP en 2011 et où à cet effet la compagnie chinoise CRCT construit 18 nouveaux terminaux à conteneurs! Selon le site eyesfortransport, la DB pourrait détenir 8% d'un nouveau consortium international destiné au transport combiné international. La DB est ainsi nettement plus aventureuse (ou téméraire?) que Fret SNCF, qui pour l'instant centre sa politique d'expansion internationale sur les ports belges.


29/01/2008
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La réforme du wagon isolé

      En ce moment la grogne monte à Fret SNCF. La cause : un nouveau plan de restructuration (et il faut reconnaître que c'est le 3ème en moins de 10 ans) de la partie de la SNCF consacrée au transport de marchandise. Le contenu principal de ce plan : une nouvelle réorganisation de la société, avec notamment la modification de l'exploitation du wagon isolé (le train complet a déjà été réformé). Bien sûr, on parle plutôt dans les journaux de la réduction de personnels de fret SNCF. C'est effectivement très important pour la compétitivité de la compagnie, comme pour son climat social (même si des hausses de salaires devraient aider à faire passer la couleuvre), mais d'un point plus « technique », l'essentiel n'est pas là (et de plus le sujet a déjà été traité ici ou ).

Parlons (reparlons plutôt) donc du wagon isolé. Rappelons qu'on parle de wagon isolé lorsqu'un chargeur veut envoyer des marchandises par train, sans avoir assez de volume pour remplir un train d'un seul coup. La compagnie ferroviaire doit donc constituer des trains avec des envois de différents chargeurs, envois qui partent de la même zone, mais qui ne vont pas au même endroit, ce qui implique de recomposer les trains en cours de trajet. Avec tout ça, il faut s'arranger que les envois arrivent au bon destinataire dans les temps, alors que les sillons dédiés au fret sont rares surtout en journée (et la nuit, ce sont les opérations de maintenance qui obligent à couper une partie des voies).

Ainsi, la technique du wagon isolé nécessite d'échanger des wagons entre les trains. Or le fer est un mode qui s'adapte mal à la logique de hub (d'ailleurs pour le transport de conteneur, le hub (ou « PNIDF ») a carrément été abandonné). Contrairement aux passagers, les marchandises ne se déplacent pas toute seules. Et surtout, les wagons doivent rester sur des rails. C'est une lapalissade, mais cela explique le côté rudimentaire de la technique de triage : on pousse les wagons désolidarisés sur une butte, et en modifiant au fur et à mesure les aiguillages, on place les wagons sur différentes voies pour recomposer des trains. Même si la SNCF maîtrise bien la technique, comme j'ai pu le constater de visu, la technique est nécessairement lente (entre 3 à 5 trains par heure pour un bon centre de triage), et nécessite des centres de triages étendus.

Cela, avec la congestion du réseau et le manque de productivité des salariés (pas forcément de leur fait), fait que le wagon isolé n'est pas efficace. Les délais sont durs à tenir, la gestion des wagons est complexe (9 fois sur 10, un transporteur ou un chargeur interrogés sur le fer  vous racontera l'histoire des fonctionnaires-de-la-sncf qui sont capables de perdre leurs wagons…). Selon une enquête commandée en mars dernier (voir le dernier numéro de Perspectives Fret), 58% des clients de fret SNCF (probablement en majorité des clients du wagon isolé) sont insatisfaits du service !  Aussi, la réforme du wagon isolé s'inscrit logiquement dans une démarche de qualité de service. En réduisant drastiquement le nombre de centre de triage nationaux (plus que trois, à Paris, Lyon et Metz), en réduisant le nombre de gares traitant le wagon isolé, la SNCF veut se donner entre autre les moyens d'augmenter les fréquences entre les gares desservies, pour offrir une continuité du service, et donc une certaine lisibilité pour le chargeur. Fret SNCF espère proposer au minimum 8 trains par jour entre les trois gares de triage nationales, et deux trains entre  chaque centre d'appui régional et la gare de triage dont elle dépend.


Au niveau politique, associatif ou syndical, ça hurle. D'une part, quand on regarde la nouvelle carte (pas encore officielle), une grande partie du territoire se retrouve non desservie, ce qui heurte notre conception française de l'égalité des territoires (même si la SNCF et ses filiales Proxirail et VFLI ont pu développer des opérateurs ferroviaires de proximité, avec un soutien public). D'autre part, à court terme, cette politique va immanquablement provoquer un certain report modal vers la route (même si les volumes en cause sont faibles).

A ceci, la SNCF oppose des arguments rationnels. D'une part les flux industriels sont concentrés entre certaines régions, ce qui explique le déséquilibre apparent du nouveau réseau de wagon isolé, très porté vers le nord et l'est. D'autre part, environnement et économie ne sont pas forcément opposés. D'un point de vue environnemental, il n'est pas intéressant d'aller chercher et de transporter, sur une distance courte, un ou deux wagons avec une locomotive qui a toute les chances d'être diesel -pour pouvoir rouler partout (près de 50% du réseau français, en particulier le réseau secondaire, est non électrifié)-, qui a le plus souvent plus de 20 ans d'âge, et qui de plus est conçue pour tirer un train de 750 mètres.

Comme nous l'avouait un responsable de la SNCF, ce type d'argumentation passe mal. Et oui, à force de politiser le débat sur le transfert modal, les acteurs ferroviaires ne sont pas les mieux placés pour faire évoluer des dogmes (du style, un train pollue forcément moins qu'un camion) qu'ils ont eux-mêmes érigés…

Alors, qu'attendre de cette réforme ? Si fret SNCF améliore durablement sa qualité de service, et parvient à pacifier ses relations sociales, la chute du wagon isolé (presque continue depuis 30 ans !) pourrait être enrayée, et le trafic pourrait bien repartir. J'ai tendance à croire en cette hypothèse. Sinon, et bien, cette politique a l'avantage de laisser libre plusieurs centres de triage bien placé en France. Il n'y a pas forcément de place pour deux opérateurs de wagons isolés en France, mais la Deutsche Bahn est tout de même en embuscade…


23/01/2008
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L'Europe lacherait du lest sur les subventions aux entreprises ferroviaires?

Un petit retour en 2007 pour commencer l'année. A la fin de l'année précédente, donc, la commission européenne a publié, pour consultation publique, un document de travail sur le financement des entreprises ferroviaires. Si ce document ne préjuge pas des décisions qui seront finalement prises sur ce sujet, il me semble que ce document marque une inflexion dans la politique Bruxelloise. Si depuis 50 ans, la politique de l'UE a consisté à lever progressivement les barrières au commerce et à la libre concurrence, avec un succès certain, elle a toujours reconnu à certains services commerciaux (les fameux SIEG -service d'intérêt économique général- du traité Constitutionnel) un statut spécial, du fait des missions de service publics qu'ils contribuent à remplir. Mais, pour le transport ferroviaire extra-urbain, on pouvait penser qu'il allait devenir (au moins dans les voeux de la commission) un service commercial comme les autres.

Et bien, apparemment, non. Tout d'abord la commission s'incline devant la pratique : depuis 2004, en Europe, 17 milliards d'euros ont été dépensé en subvention publique pour des infrastructures, auquel il faut rajouter 15 milliards par an d'aide à l'exploitation, rien que pour le transport de passager ! On notera aussi que la commission dit refuser « des distorsions de concurrence contraires à l'intérêt commun », et non les distorsions de concurrence par principe. Et la commission de préciser que le traité CE (traité de Lisbonne) permet de telles subventions, par son article 87-3 (à la lecture du dit article, ce n'est pas évident, mais il est suffisamment flou pour pouvoir être interprété).


      Concrètement, en résumé, que propose la commission ?


  • Permettre le financement public d'achat de matériel roulant pour le transport de passager « levant ainsi une interdiction qui figure dans les lignes directrices sur les aides à finalité régionales pour la période 2007-2013 »
  • Permettre sous condition le refinancement de l'activité fret d'une entreprise, qu'elle soit filialisée ou non. (ça tombe plutôt bien pour Fret SNCF, l'Etat va peut-être pouvoir remettre au pot ?)
  • Permettre sous condition la reprise par l'Etat des dettes des entreprises ferroviaires

 

Voilà qui sonne bien peu "libéral", même si, par contre, l'UE veut la fin des garanties d'Etat aux entreprises ferroviaires pour 2010. Est-ce un effet de la présidence française de la commission transport (Jacques Barrot) ? Ou l'accent mis sur le développement durable ? Attendons de voir si les orientations du texte sont maintenues pour juger…


07/01/2008
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Le Sénat débat sur le transport ferroviaire


Le 12 décembre 2007 s'est tenu au Sénat un débat intéressant (dont le compte-rendu suivant est très incomplet) sur l'avenir du fret ferroviaire. Les sénateurs sont revenus, au cours de ce débat, à l'instigation de Daniel Rilgé, sur le prochain plan fret de la SNCF qui prévoit la suppression du traitement des wagons isolés dans 262 gares), le recul donc du traitement des wagons isolés, avec toutefois la création de trois « hub » (Paris, Lyon et Lorraine) pour diriger le trafic restant. Attention, comme l'a rappelé D. Bussereau, l'activité fret n'est pas supprimée dans ses gares, mais seulement le wagon isolé. De plus « parmi ces 262 points de desserte, à peu près un tiers n'avaient traité aucun wagon isolé depuis longtemps et la moitié en géraient entre zéro et un par mois »

On peut déjà remarquer que les sénateurs maîtrisent leur sujet, autant que je peux en juger, et que les sénateurs ne se perdent pas en joutes politiciennes vaines. Les propos sont ainsi modérés, ce qui ne les empêche pas d'être parfois assez incisifs. Les grands problèmes du fret ferroviaire, manque de sillon, en particulier à cause de l'inflation des TER, faible compétitivité de la SNCF (de l'ordre de 25% selon Francis Grignon), géographie peu propice à la massification des flux comme en Allemagne, évolutions industrielles et logistiques, rôle des opérateurs ferroviaires de proximités (voir article précédent), ect, ont tous été abordés. Globalement, la réorganisation de la SNCF, trois ans après le plan Véron, qui a réduit le déficit (sans pour autant rendre l'entreprise bénéficiaire) au prix d'une dégringolade du fret transporté, fait craindre une nouvelle hémorragie du transport ferroviaire de fret français.

Pourtant tout n'est pas si noir, le trafic a légèrement augmenté en 2006, et certaines lignes pourraient revenir au fret après la mise en service des nouveaux TGV (notamment sur l'axe Rhin-Rhône).Selon le secrétaire d'état, Dominique Bussereau, la SNCF fait des progrès sur le fret, ainsi, après la dernière grève « la SCNF a accompli cette fois d'importants efforts pour relancer le trafic de fret dès le retour au travail de ses agents : alors que, d'habitude, les trains restaient « calés » dans les triages pendant une dizaine ou une quinzaine de jours, l'entreprise a remis à quai tous les trains de fret en trois jours environ ». Mais « le trafic de wagons isolés représentait seulement 2,5 % des wagons chargés acheminés et 80 % des pertes d'exploitation de la branche fret », ce que la SNCF ne pouvait plus supporter. D. Busserau reconnaît toutefois un déficit de communication de la SNCF envers les élus concernés (et on pourrait rajouter : ses clients !)

Pour améliorer la situation, le gouvernement mise actuellement sur les opérateurs privés, et sur l'émulation procurée sur l'entreprise destinée à rester dominante, la SNCF. Ainsi pour faciliter l'installation des nouveaux entrants, D. Bussereau « souhaite que nous allions plus loin et qu'il soit possible de reconnaître directement l'autorisation délivrée par un autre pays européen dans des cas simples comme celui des wagons. ». De même il souhaite élargir le panel des entreprises pouvant demander des sillons, aux opérateurs de Transport Combiné, aux ports….Aussi, face à la capture de RFF par la SNCF, le gouvernement veut créer une agence de régulation du système ferroviaire vraiment indépendante.

 

Le débat est également revenu sur l'autoroute ferroviaire. Pour Daniel Rilgé, l'autoroute ferroviaire Perpignan- Bettembourg « ne trouve pas son rythme de croisière », sur « un marché de niche », avec au final des « résultats [qui] ne sont pas fabuleux […]Elle fonctionne depuis quelques mois et transporte, à ma connaissance, une dizaine de camions par jour ». Mr Rilgé remet en cause le fondement même de l'autoroute ferroviaire : « Les chargeurs nous disent que les camions sont faits non pour être transportés sur des trains, mais pour rouler ! En revanche, le transport combiné, qui consiste à transporter des caisses sans roues, me paraît tout à fait utile ».

J'aurai tendance à contredire le sénateur. Je ne pense pas que les transporteurs (qui, plus que les chargeurs, ont un avis sur la question) soient opposés par principe à la solution de l'autoroute ferroviaire. En effet, sur Perpignan- Bettembourg, seule la remorque est transportée par train, le tracteur (or, le secteur souffre d'une certaine pénurie de tracteurs) pouvant aller effectuer un autre transport (en général, au sein d'une entreprise de transport, il y a sensiblement plus de remorques que de tracteurs). Par contre, j'ai effectivement entendu critiquer les concepts d'autoroute ferroviaire, où l'ensemble du camion est chargé, et où les conducteurs se retrouvent dans un wagon spécial, « à être payé pour jouer aux cartes », selon un ancien de Norbert Dentressangle. Finalement, je ne vois pas pourquoi le transport combiné (où la caisse mobile ou le conteneur est chargé par une grue du camion sur le train) serait plébiscité (surtout si on se réfère à la qualité du service apportée) par rapport à l'autoroute ferroviaire de type de celle en cause, où l'opération de chargement de la remorque est plus rapide (grâce au système de wagons pivotants), et sans risque pour la marchandise.

Dominique Bussereau a répondu ainsi à Daniel Rilgé, après avoir fait état du succès relatif de l'autoroute ferroviaire transalpine, mais sans cacher les difficultés au démarrage :

« La nouvelle autoroute ferroviaire Perpignan-Bettembourg vient d'entrer en service. Bettembourg est la gare de triage de Luxembourg et l'autoroute commence en fait à Port-Bou au lieu de Perpignan. Elle devrait être extrêmement fréquentée, l'objectif étant d'acheminer 30 000 camions par an. Nous avons rencontré quelques difficultés : on avait oublié que le vent souffle dans la vallée du Rhône et la hauteur des remorques, limitée à quatre mètres, varie en fait entre 3,97 mètres et 4,03 mètres. Je me suis rendu sur place : les développements sont bons et les entreprises routières commencent à jouer le jeu. »

Cela recoupe ce qu'un intervenant de l'UNOSTRA nous disait. Il nous avait parlé, lui, de contraintes techniques importantes sur les remorques pour pouvoir être transportables par l'autoroute ferroviaire, en terme de dimensions notamment. Et c'est vrai qu'il paraît difficile d'imaginer que le secteur se plie naturellement aux dimensions imposés par des autoroutes ferroviaires appelées à tenir pour encore longtemps une place négligeable dans les transports français. Si les pouvoirs publics ne veulent pas qu'une telle solution soit mort-née, il va falloir agir…


17/12/2007
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