Transport routier


L'écotaxe face aux revendications régionales

Le chemin est encore long et semé d'embuches pour l'écotaxe, une des mesures phares du Grenelle, dont la mise en service est prévue en 2011, soit une année pré-électorale. Dernière force réactionnaire à s'être levée : la chouannerie bretonne[i].

 

J'ai déjà parlé précédemment de  l'écotaxe, qui consisterait à taxer les véhicules routiers de transport de marchandises sur le réseau secondaire (sans les autoroutes), proportionnellement à la distance parcourue, avec un dispositif automatique. Dans cette  période troublée où nous sommes, nul ne sait vraiment si cette mesure survivra à l'automne, d'autant que les députés semblent trainer les pieds. C'est une mesure qui risque de coûter très cher à mettre en place (système de télédétection, service de gestion, probablement subventions à l'équipement pour les transporteurs), pour un résultat financier pas si assuré que ça, surtout que dans un premier temps la taxe devrait être faible pour ne pas trop peser sur un secteur économiquement plutôt mal en point. D'ailleurs, dans le domaine, même si le contexte est très différent, le péage londonien a bien montré que les recettes pouvaient être sensiblement inférieures aux attentes.

          Mais tel n'est pas le sujet de mon article. Certains voudraient en effet que cette écotaxe soit modulable selon les régions. Un exemple avec la Bretagne. Les régionalistes bretons ont ouvert le feu, parallèlement à l'exécutif de la région Bretagne[ii]. L'écotaxe ne passera pas en Bretagne ! On peut lister et commenter les arguments de la deuxième contribution au débat[iii] :

_La Bretagne (sortez les violons) est un territoire au fin fond de l'Europe, coupé du monde civilisé et des grandes infrastructures de transport alternatives au routier.

Le communiqué n'a pas peur du ridicule : « le fret routier n'a pas d'alternative opérationnelle mis à part les lignes de ferries gérées par la Brittany Ferries entre la Bretagne, le sud de la Grande Bretagne, l'Irlande et le nord de l'Espagne ». Et bien c'est déjà pas mal, peu de régions font mieux. Surtout quand on sait que le grand port de Nantes (qui se proclame lui-même souvent « breton »)  est juste à côté. Pour le ferroviaire, la situation est certes moins claire, notamment pour le wagon isolé dont on a déjà beaucoup parlé sur ce blog. Des efforts sont faits toutefois pour revitaliser le ferroviaire (voir à ce sujet un article intéressant de Transport Expertise).

Mais globalement, les bretons ne sont aujourd'hui plus à plaindre au niveau des infrastructures, par rapport à la plupart des régions françaises.

_ La Bretagne est injustement plus pénalisée que le reste de la France, car elle ne dispose pas d'autoroutes payantes, donc les transporteurs « ne pourraient échapper à l'écotaxe » en allant sur l'autoroute

A cela, on répliquera d'une part que la Bretagne a justement été longtemps favorisée, par son réseau de transport routier à grande vitesse[iv] (on ne roule qu'à 110, mais bien sûr ça ne gêne pas les camions) « gratuit » (on paye cependant  toujours la TIPP, soit de l'ordre de 15-20 c€km pour un transporteur routier), d'autre part que la logique du passage de la voie rapide à  l'autoroute à péage pour éviter  l'écotaxe ne semble pas évidente…

 

_ La Bretagne va payer plus d'écotaxe que la moyenne des régions françaises, deux fois plus rapporté à sa population.

L'argument semble de poids. Et pourtant, ce point découle directement du point précédent[v]. Il n'y a que des « autoroutes » gratuites en Bretagne, donc la taxation va logiquement plus concerner les transporteurs bretons que les transporteurs d'autres régions qui payent depuis des années des péages sur les autoroutes payantes. A priori, rien d'anormal.

 

 

           Sur le fond, est-il juste de faire moins contribuer certaines régions isolées, ou « défavorisées » ? C'est une piste issue du Grenelle. Sans connaitre le fond du dossier, ni les études ayant été faites sur le sujet, je ne peux m'empêcher d'exprimer mes réserves a priori  sur le principe. En essayant de corriger des inégalités territoriales, on risque d'en provoquer autant. Car d'une part ces questions sont très difficiles à évaluer objectivement, et d'autre part les territoires administratifs ne correspondent pas forcément aux territoires économiques.  On risque aussi de complexifier ce qui s'annonce déjà comme une usine à gaz, et atténuer la symbolique très forte de cette nouvelle taxation environnementale. Enfin, on ouvre la porte aux revendications  locales  en matière de taxation, porte qu'on risque de ne jamais pouvoir refermer. Tout le monde a une bonne raison de payer moins d'impôt que le voisin…



[i] Ayant des amis bretons à l'identité bien affirmée, je tiens à préciser que cet incipit est humoristique…

[ii] Loin de moi l'idée de juger ces politiques. En défendant ceux qu'ils représentent, ils font leur boulot.

[iii] En laissant de côté les arguments « nationaux » classiques du style : l'Etat est hypocrite et ne cherche qu'à faire rentrer de l'argent dans les caisses…

[iv] Construites à une époque où les collectivités locales ne contribuaient pas, comme aujourd'hui, au financement de telles infrastructures

[v] J'ai enfin compris l'argument de l'inégalité géographique de Patrice Salini (voir le premier article en lien)


13/10/2008
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TLF fait le point sur le transport routier et l'environnement

A quelques jours de l'examen de la loi Grenelle, TLF  publie ce qui ressemble à un plaidoyer pour le transport routier, un rapport qui fait le point sur le transport routier, vu sous l'angle du développement durable (voir le communiqué de presse-résumé).  L'occasion de faire le point sur la question, et sur les progrès indéniables du transport routier en la matière. Mais le problème est que le seul domaine où le transport routier ne s'améliore pas, est aussi celui qui concentre les enjeux environnementaux et énergétiques du XXI ème siècle.

 

Selon TLF , l'environnement tend à devenir une composante importante de l'activité des transporteurs logisticiens, du fait de la pression sociale, mais aussi, un peu plus étonnamment, du fait d'une demande des chargeurs, à l'origine d'appels d'offres contenant de plus en plus des exigences environnementales.

  Mais le développement  durable, ce n'est pas seulement l'environnement, mais aussi le social et l'économie. Sur le plan social, TLF met l'accent sur un accès à la formation supérieur dans le secteur du transport et de la logistique que pour le reste de l'économie, mais les salaires restent plutôt faibles : 18 000 € dans le transport, et 20 000 € pour la logistique (contre 22 000 € pour l'ensemble de l'économie). C'est d'ailleurs assez étonnant, vu que les routiers ont en général de « bons » salaires (du moins dans l'absolu, car c'est au prix d'un temps de travail très important : 200 heures par mois en général !), contrairement aux caristes qui travaillent dans les entrepôts et font les 35h.

Sur le plan économique, le fait impressionnant, c'est la perte de compétitivité à l'international. Le sujet est bien sûr très sensible. En prenant le cas le plus défavorable (TLF n'est bien sûr pas impartial dans sa présentation, mais s'appuie sur des chiffres fiables a priori, issus de la recherche publique), le trafic de transit (un transport Bruxelles-Barcelone, par exemple), on voit que la part du pavillon français a quasiment disparu en moins de 20 ans, passant de 6 à 0.5% (mais on partait d'un chiffre faible, je ne suis pas sûr que ce soit si significatif que ça).

Ce qui doit être plus significatif, c'est  le trafic international, où le pavillon français représente encore 20% des échanges, mais est minoritaire face à tous les autres pays européens de l'ancienne Europe des 15. Si la défaite est écrasante dans le match qui oppose la France à la Pologne (94% à 0 !), même face aux anglais on perd d'une courte tête (39% pour le pavillon anglais contre 38% pour le pavillon français, et le reste pour d'autres pays), et dans tous les autres pays le pavillon français est à la traine, souvent de manière très marquée.

 

On arrive aux externalités du transport. Au niveau des accidents, TLF se félicite d'une moins forte implication des camions, dont le taux d'accident a diminué de 50% depuis 1994, et qui sont impliqués dans seulement 6% des accidents (contre 15 à 20% du trafic). Par rapport à la situation de 1986, cela représente 1000 vies sauvées par an. Il faut toutefois remarquer que le nombre général d'accident a globalement diminué pendant cette période,  mais dans des proportions moindres.

 

Le gros point noir, c'est le niveau climatique. Au niveau du Co2, si les émissions des transports routiers ont augmenté sensiblement (+27%) depuis 1990, la date référence de Kyoto, on peut se consoler en considérant que le Co2 émis par tonne-kilomètre transportée a diminué de 9% dans la même période, marque sans doute de camions aux moteurs plus efficaces, mais surtout plus gros (en général en transport, plus le moyen de transport est gros, moins il consomme à la tonne de marchandise  transportée). Mais cette diminution relative est quand même très faible, d'autant qu'on transporte beaucoup plus, et qu'on devrait continuer à transporter plus dans les années à venir.

Heureusement, pour les polluants locaux, la situation est bien meilleure, avec les camions  aux normes EUROS qui se sont démocratisés. Cependant il reste encore pas mal de camions très polluants (15% des camions sont des EURO 1 ou moins) et fin 2006, les derniers modèles de camions EURO IV et EURO V étaient encore très rares (2% du total des tracteurs). Un rapport de l'EEA montrait dernièrement que, pour de nombreux polluants locaux[i] , le transport routier restait la première source d'émissions, même si ce secteur fait des progrès rapides. Page 11 du rapport de TLF, on voit que depuis 1990, les émissions (brutes, pas rapportées au kilomètre) du transport routier ont quasiment disparu pour le souffre, et ont diminué de moitié pour les NOX et le CO. Concernant les composés volatils et les particules, les progrès existent (-25,-30%) mais sont moins flagrants.

 

En fin de rapport, les entreprises s'engagent à améliorer leurs pratiques, même si il n'y a pas d'engagements et d'objectifs chiffrés. A noter que pour faire face à la pénurie de conducteurs, les entreprises s'intéressent aux anciens militaires et aux jeunes des « quartiers ». Bref, du bon lobbying, qui ne traverse jamais la ligne rouge (voir un contre exemple avec l'IRU).  Tous ces faits ci-dessus sont connus, mais gagnent à être précisé et rassemblés. Alors que le monde politique semble hésiter (voir transport actualité) au sujet de la future taxe kilométrique, cela pourra t-il peser ? Je ne pense pas. Pour le CO2, les choses ne s'améliorent pas, et ne s'amélioreront pas dans un avenir proche vu les tendances actuelles. Si on peut douter de l'efficacité de la taxe kilométrique à ce sujet (voir le point de vue de Patrice Salini dans l'article précédent), il faudra bien faire quelque chose…



[i] Les Nox, les composés volatils, et le monoxyde de carbone. Pour les particules, le transport routier est « seulement » deuxième.


08/10/2008
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La bourse (de fret) chahutée et autres brèves du transport routier

Oui, le transport routier est en crise(+78% de défaillances d'entreprise au premier semestre 2008 selon la FNTR,+37% en Belgique selon un cabinet d'étude), sur fond de pétrole cher et de tassement de l'activité économique (qui impacte d'ailleurs aussi frontalement le fret ferroviaire), même si, dans un contexte d'Apocalypse financière, c'est passé largement au second plan de l'actualité. Cela dit, l'actualité du transport routier ne se résume pas à cela.

   Ces temps ci, il semble qu'on assiste à une recomposition du paysage syndical français : d'un côté l'UNOSTRA  est menacée de disparition (pour une simple histoire de licenciement contesté aux prudhommes !), de l'autre, c'est  l'OTRE (traditionnellement une petite organisation plutôt très « revendicative », qui avait animé l'essentiel des petits blocages des routes en juin dernier) qui semble vouloir quitter ses bases du sud-ouest de la France, et absorber les restes de l'UNOSTRA (c'est déjà fait dans le Nord- Pas de Calais, par exemple). OTRE qui, en parallèle, devrait devenir un interlocuteur officiel lors des négociations avec le gouvernement. Ainsi, c'est le contrôle de la représentation syndicale des petits transporteurs (la FNTR est elle aussi en partie sur ce créneau) qui change de main. Peut-être l'annonce d'actions plus radicales des routiers à la prochaine crise (enfin, à la prochaine fenêtre de tir pour une protestation sectorielle, concernant la crise actuelle) ?

 

   Le paysage des bourses de fret bouge également. Une bourse de fret, c'est un espace informatique (maintenant, avant, ça ressemblait à un marché classique), où les transporteurs (et, attention, pas les chargeurs, qui pourraient en profiter pour faire pression sur les prix) « s'échangent » (en pratique, il faudrait plutôt dire « sous-traitent »)  du fret, pour ainsi trouver du fret retour, et diminuer leurs trajets à vide non rémunérés. De plus ces bourses de fret tendent à proposer d'autres services, comme une sélection des transporteurs fiables (utile vu le nombre non négligeable d' « escroc » au dépôt de bilan facile dans le secteur), ou même leur propre bureau de recouvrement des impayés.

C'est bien sûr une activité de monopole « naturel », où en théorie (attention, entre la théorie et la pratique…), il vaut mieux un seul acteur (plus il y a d'offre dans une bourse, plus les frais de fonctionnement initiaux-beaucoup plus importants qu'on pourrait le croire- seront amortis), au sein d'une même aire commerciale.  Les transporteurs n'ont en général pas envie de consulter plusieurs bourses de fret (d'autant que ça peut revenir assez cher), et veulent avoir accès au maximum d'offres. Souvent ce sont des grosses entreprises qui vont revendre du fret, à des plus petites qui n'ont pas de service commercial pour prospecter du fret.

Au bout de quelques années de l'ère Internet, ce « monopole »  était représenté par Téléroute, le numéro 1 français, avec Nolis (qui appartenait au même propriétaire, le géant suisse  Kuhne et Nagel), plus axé vers les petites entreprises, qui auraient pu faire figure (pour un esprit légèrement paranoïaque) d' « alibi ». Mais il faut croire que l'hégémonie de Téléroute n'a pas plu à tout le monde. Il s'est trouvé des gens pour soutenir le nouveaux venu, BDF Web (depuis 2005), et pas des moindres : le syndicat TLF, qui représente (plutôt) les  « gros » du transport routier, a ainsi négocié une offre préférentielle pour ses adhérents ! Selon son communiqué, « en matière de bourse de fret, il est indispensable que nos adhérents bénéficient d'une concurrence européenne saine et dynamique, et les conditions préférentielles de la part de BDF Web vont dans ce sens en apportant une diversité de l'offre. »  Bref, le match est relancé. A noter que sur les trajets européens, c'est l'allemand Timocom (le leader européen) qui est leader, avec cependant des alliances européennes de bourses de fret nationales qui existent.

 

Enfin, l'actualité, c'est aussi la taxe poids lourds. Ni l'écologie, ni surtout les taxes environnementales n'ont autant le vent en poupe politiquement que l'an dernier, mais le projet avance toujours. Les organisations professionnelles ne sont pas d'accord, ce qui n'est pas très étonnant. Elles ont reçu le soutien de l'économiste Patrice Salini, qui met en doute le bienfait d'une telle taxe. Je n'ai pas lu (ni trouvé) l'étude, juste le compte rendu du BTL, mais je retiendrai l'argument du trafic international[i] : alors qu'un des objectifs de la taxe serait de faire payer les routiers internationaux, qui remplissent souvent leur réservoir (jusqu'à 1000 litres !) à l'étranger, quitte parfois à transporter un peu moins de marchandises pour faire de la place à un réservoir supplémentaire, la part de la future taxe qui serait payée par les transporteurs étrangers serait minime (vu que ceux-ci payent déjà le péage vu qu'ils empruntent en majorité l'autoroute). A partir de là, on peut s'interroger sur la nécessité de développer un nouvel outil de taxe. Car finalement, la taxe kilométrique existe déjà, c'est la … TIPP ! Reste qu'augmenter cette dernière dans le contexte politique actuel serait probablement suicidaire. Et on peut rêver d'une certaine « harmonisation fiscale » en matière de taxe sur le carburant, notamment avec le Luxembourg, qui enlève beaucoup de ressources à l'Etat français.

 Sur la taxe kilométrique, même si elle s'en défend, même l'association d'élu TDIE ne semble plus si convaincue : plaider pour la neutralité de la taxe : « Ce n'est ni au transporteur, ni au chargeur de payer », n'est-ce pas l'enterrer ? Car construire une usine à gaz (probablement avec localisation GPS des camions comme en Allemagne) et une nouvelle taxe pour qu'au final ça coûte de l'argent  à l'Etat, cela va faire hurler du côté de Bercy…



[i] Par contre, je n'ai pas trop compris pourquoi la taxe serait inégalitaire géographiquement, argument mis en avant par le Bulletin du Transport de la Logistique. Il faudrait avoir l'étude sous la main…


06/10/2008
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Le transport routier tenté par l'électrique

   Le camion, c'est un peu comme le coca, un produit phare, qui émet des bulles de CO2, mais dont l'abus peut dégrader la santé. C'est pourquoi on cherche à réduire ses effets. Mais émissions allégées, ou zéro émissions, le  choix n'est pas si simple…

On a beaucoup parlé ces dernières années des voitures hybrides, à l'électricité, au GPL (liste non exhaustive, loin de là, ici on ne traitera que de l'électrique). Si la technique n'est pas facilement transposable entre une voiture et un camion, vu les différences de gabarit et de puissance nécessaires, cela ne veut pas dire que la recherche ne produit rien. La problématique est toutefois très différente en interurbain et en ville. Cet été,  on a eu quelques nouvelles des nouveaux modèles de camions, grâce notamment à un article du figaro, qui m'a donné l'idée de ce billet.

 

Le 20 aout, Renault Trucks (attention, maintenant c'est une filiale de Volvo) a publié un communiqué sur ces nouveaux camions hybrides. Dans le cadre du pôle de compétitivité « Lyon Urban Truck & Bus »[1], 6 camions bennes hybrides vont être testés à Lyon. Elles disposeront d'un moteur hybride[2], qui se rechargera lors des décélérations et des freinages. Le choix ne s'est pas fait au hasard : les camions de ramassage d'ordures n'arrêtent pas de freiner, de s'arrêter et de repartir, et consomment donc énormément (la consommation d'un camion est encore plus sensible aux arrêts fréquents que celle d'une voiture, selon RT, elle peut varier d'un facteur 10 !), plus de 100 litres aux 100 km si ma mémoire est bonne.

L'occasion pour Renault Trucks de présenter à nouveau  l'ensemble de ses actions en faveur d'une optimisation de la consommation des camions. Globalement, si les progrès en matière d'émissions de polluants ont été spectaculaires ces dernières années, avec les normes EURO, dont l'action va continuer à peser dans la décennie à venir[3] (de nouvelles normes vont être introduites, les plus vieux camions vont progressivement être interdits…), la consommation des camions a peu évolué. D'où justement l'urgence de faire porter l'effort des constructeurs sur ce point particulier. La communication de RT (bien évidemment non impartiale) parle elle-même « d'avancés timides » depuis 10 ans : « Pourtant des solutions existent, les projets sont en cours, mais il n'y a pas à ce jour de véritable projet technologique pour le développement du camion de demain soutenu significativement par des efforts nationaux comme européens. »

  On peut gagner sur la consommation en optimisant la conduite des chauffeurs  (le programme de formation Optifuel Training) et son contrôle (Optifuel  Infomax, qui analyse la consommation d'un véhicule), mais les gains restent modérés, plutôt de l'ordre de 5 à 10%, bien qu'extrêmement intéressants. Avec le camion hybride (Renault Premium Distribution Hybrys Tech), on passe un palier, avec une économie attendue de 20 à 30%. Sans problème d'autonomie (mais sans doute avec un surpoids important, vu les deux batteries), il ne reste plus qu'à réussir le test pratique, et à voir si les tarifs proposés des futurs véhicules de série seront attractifs. Si ces véhicules sont réservé à des applications particulières, ce sera plus difficile, vu les faibles quantités de moteurs construits.

   A noter également dans la communication de Renault (cité au début du deuxième paragraphe), une analyse des émissions de CO2 suscité par la fabrication des véhicules, et une très intéressante enquête sur l'image du transport routier.

 

   Et un camion Zéro émission, entièrement électrique, pour livrer en ville ? Est-ce possible ? Diverses expériences ont déjà été lancées, mais leur portée doit être nuancée. Le camion électrique, ça n'a décidément pas le même goût que le camion au gazole…

Certes, en ville, l'intérêt de l'électrique est tout de suite plus évident qu'en interurbain : le bruit (les livraisons se font souvent tôt le matin…) et la pollution locale y sont nettement plus ressenties. La pression sociale et politique contre le camion y est aussi plus forte. Mais d'autres facteurs jouent contre les solutions innovantes.

Pour la culture générale, on peut d'abord relever qu'au début de l'automobile, la voie électrique a été sérieusement développée, avant que les carburants fossiles ne s'imposent. Ainsi cet exemple de camions électriques, par leblogauto. Aujourd'hui, le site EDF recense plusieurs expériences à petite échelle, en général avec de petits véhicules. Plusieurs petits constructeurs[4] vendent des quadriporteurs ou triporteurs électriques pouvant être utilisés pour du transport marchandises, mais néanmoins plus adaptés pour une utilisation par des services techniques de municipalités, par exemple. Les véhicules goupils par exemple se conduisent sans permis, ne dépassent pas 25 kmh,  ont une autonomie limitée (entre 60 et 80 km selon le modèle), et une capacité de chargement de 600 à 700 kilos. Cela semble peu, mais c'est déjà nettement plus que les cargocycles et les triporteurs de la petite reine (une société très médiatisée de transport de marchandise en vélos électrique, qui connait un certain succès), qui transportent eux de 80 à 160 kg aux maximum (l'entreprise la petite reine utilise d'ailleurs des goupils pour ses frets les plus volumineux).

   Bref, pour le transport de marchandise, c'est encore très contraignant (l'envoi moyen fait plutôt de l'ordre de 10 tonnes), mais pour des marchandises légères, c'est déjà intéressant pour une entreprise désirant mettre en avant sa démarche « citoyenne », et qui doit livrer des marchandises dans une zone urbaine pas trop grande (mais ça lui impose d'avoir une « base » au centre ville, ce qui n'est pas gratuit).

   Parmi les écueils que doit affronter ce type de véhicule, on peut retenir le poids de la batterie et les contraintes légales de circulation. Un goupil transporte ainsi 250 à 350 kg de batterie, soit parfois l'équivalent de plus de 50% du poids des marchandises transportées. Ce poids, et la relative faible puissance développée par un moteur électrique impose de concevoir un véhicule léger, qui risque alors de ne pas respecter les impératifs de sécurité routière, notamment en matière de résistance aux chocs (il faut savoir que l'amélioration de la sécurité des véhicules ces dernières années a eu pour corolaire l'augmentation de leur poids). Un exemple, avec le véhicule canadien Némo, qui lutte pour être autorisé par les pouvoirs publics canadiens. C'est pourquoi la vitesse de ces véhicules doit être limitée (en centre-ville, cela ne cause toutefois pas de difficultés d'exploitation insurmontables).

 

   Bref, si pour la plupart des déplacements, l'hybride semble être  plus compatible avec les contraintes des transporteurs, il existe sans doute un marché de niche en ville pour des véhicules tout électriques. A condition peut-être que les grands noms du secteur s'intéressent à ce marché, et que bien sûr les batteries continuent d'être améliorées. La technique finira bien par marcher. Mais il faut ici relever un problème peut-être plus crucial à moyen terme, qui concerne toutes les solutions innovantes de transport urbain : le transport urbain, c'est en général là que finissent les vieux camions, pas assez efficaces et fiables pour le transport à longue distance, mais beaucoup moins chers à l'achat. Les acteurs économiques (souvent des micro-entreprises, dont le respect de la législation sociale est aléatoire, vu l'absence de salariés, auxquels les grands du transport sous-traitent leur fret) du transport routier urbain ont-ils vraiment les moyens de renouveler leur flotte avec des véhicules neufs ? Dans l'état actuel des choses, la réponse risque d'être non. En l'occurrence, les solutions innovantes ne sont-elles pas condamnées à demeurer encore pour longtemps le seul apanage des collectivités locales ?



[1] Un pôle de compétitivité axé sur le développement de véhicules de transport plus performant au niveau environnemental, notamment pour le transport des marchandises en ville, qui fait partie des 39 pôles qui ont plutôt bien réussi, selon l'évaluation récemment commandée par le gouvernement.

[2] En fait le camion dispose de deux moteurs, un classique et un électrique, qui fonctionnent alternativement ou en parallèle. Ici le moteur électrique fonctionnera jusqu'à 20 kmh.

[3] Il faut quand même noter qu'on arrive à un palier technologique, et que les émissions de certains polluants ne peuvent être réduit qu'au prix d'une augmentation de la consommation générale et donc des émissions de CO2. D'où le débat actuel sur les NOx.

[4] Notamment Xebra, Nemo et Goupil, cette dernière affaire étant déjà très rentable, avec  8.5 millions d'euros de chiffre d'affaire en 2007, pour un demi millions d'euros de bénéfice (source  infogreffe). Pas mal pour un société créee en 2006 !


25/08/2008
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Le camion, ce mal aimé

Haro sur le transport routier ! Une analyse de Jean-Louis Andreani dans le monde, est l'occasion de revenir sur la vision du transport routier par la société.  Une vision très négative, souvent juste, mais parfois aussi à nuancer. Quelques éléments de débats.

 

Dans ce texte[i] , l'auteur  part du constat de la part prédominante du camion dans le transport de marchandises (notamment à partir des réflexions allemandes du masterplan), et de la probable congestion généralisé qu'elle ne devrait pas manquer de générer. Autres nuisances, l'insécurité routière, les émissions de CO2…

Face à ce constat, l'auteur déplore le manque de la volonté des pouvoirs publics pour promouvoir le rail, par exemple, déplore l'échec des autoroutes de la mer [ii], et l'absence de valorisation des externalités du transport routier.

Pour revenir à une situation plus équilibré, l'auteur se fait l'avocat notamment d'infrastructures séparées pour les camions, d'une logistique industrielle moins consommatrice de transport et d'une réglementation plus sévère, notamment sur les vitesses maximum.

Cet article est bien écrit et sans erreur, mais à peu de chose près aurait pu être écrit il y a 20 ans, et le sera écrit probablement dans 20 ans encore. Comme le prouve entre autre les commentaires sur le site du grand quotidien national, ce type de point de vue est très populaire. Peut-on aller plus loin ? Réponse par point.

 

 

La prédominance du transport routier est elle le fruit d'un manque de volonté politique ?

De Fitterman à Bussereau, tous les ministres de transport  ont voulu favoriser le rail (entre autre) depuis 30 ans. Et pourtant le rail perd du terrain. Tous les gouvernements sont ils mauvais ?  Il y a certes peut-être un certain manque de financement, mais il existe des vrais raisons logiques (liste loin d'être exhaustive) au déclin du rail depuis 35 ans : moins de marchandises pondéreuses transportées en vrac (notamment à cause du nucléaire, du déclin de la sidérurgie et de son déplacement vers la mer, de la fermeture des mines de charbon…), spécialisation des usines et complexification des flux logistiques, politiques de limitation du stock, ces deux derniers facteurs induisant une  baisse de la taille et une hausse de la fréquence des envois.

Ces facteurs comptent beaucoup plus que les subventions gouvernementales. Le train c'est intéressant si on a beaucoup de marchandises qui partent du même endroit, qui vont au même lieu, dans le même temps. L'idéal étant de faire du train entier (avoir assez de marchandise pour remplir un train, le wagon isolé étant problématique). Mais c'est de moins en moins souvent le cas dans les circuits logistiques actuels, même si il y a des contre-exemples (voir article précédent).

Ici, on peut douter que de simples mesures réglementaires (du genre réduire la vitesse maximale sur autoroute) génèrent du report modal. Si c'était vrai, depuis 30 ans, on le saurait… La vitesse maximale autorisée des expressistes est passée de 110 à 90 kmh ces dernières années, les opérateurs se sont juste réadaptés (la journée de travail commence plus tôt), cela n'a pas occasionné de report vers les modes alternatifs (il est vrai qu'ils répondent peu aux besoins de l'express).

 

Le transport routier pait-il ses coûts ?

Le transport routier pait la TIPP sur les carburants (mais pas la TVA, ce qui est logique), plus quelques autres taxes (notamment la taxe à l'essieu). Il pait également des péages d'autoroutes nettement plus importants que les voitures. Mais un camion abime infiniment plus la route qu'une voiture, et génère aussi plus de bruit (au niveau de la pollution et du CO2, c'est proportionnel au carburant, donc on peut penser que c'est pris en compte par la TIPP).  Au final, le transport routier pait il proportionnellement à ses coûts ? Par rapport à une voiture, pas forcément, il y a peut-être effectivement des « subventions croisés ». Mais les autres modes de transport de marchandise sont également très loin de payer tous leurs coûts, notamment le coût des infrastructures (le péage de RFF pour les trains de fret est notoirement bas, alors qu'eux aussi abiment souvent plus l'infrastructure !). Sur une autoroute concédée, le camion paye pour l'infrastructure par le péage, et paye pour les nuisances sociales par la TIPP. Dans ce cas, le bilan doit être positif. Dans le cas d'un transport en ville, c'est beaucoup moins vrai.

 

Quelle responsabilité du transport routier dans l'insécurité routière ?

Bien sur, le transport routier induit des risques spécifiques de sécurité routière (mais il doit y a avoir aussi un effet de ralentissement de la circulation générale, difficile à évaluer). JL Andreani donne un exemple d'accident spectaculaire, ce qui n'est guère convainquant. A ce sujet, on peut citer une étude de l'Union Européenne (lire la synthèse ; certes l'étude est en partenariat avec l'IRU, ce qui pourrait faire émerger des doutes quant à l'impartialité). On lit notamment que le conducteur routier n'est responsable que de 25% des accidents dus principalement à une erreur humaine (85% des accidents) concernant un camion. En général, les routiers conduisent bien (et respectent les limitations de vitesse, avec le disque, il est dur de tricher). L'alcool au volant chez eux est très minoritaire.

 

Va-t-on vers une congestion routière généralisée ?

En France, la réponse est sans doute non, sauf sur certains axes. Dans notre pays (à la différence de l'Allemagne), il y a une densité de population plutôt faible, et une densité plutôt importante d'infrastructures routières. On a tous en tête les bouchons du 15 aout, mais les camions ne roulent pas à ces dates de départs en vacance… En temps normal certains axes sont effectivement proches de la saturation : A1, A7, contournement de Lyon, région parisienne... Pour la région parisienne, il n'y a pas grand-chose à faire. Transport combiné ou pas, il y aura toujours des camions pour le trajet terminal (voir plus, vu que les chantiers de transport combiné sont souvent plus proches de Paris que les centres logistiques et les industries). Pour l'A7, il faut noter qu'il existe des itinéraires alternatifs, notamment l'A75 pour le Languedoc et l'Espagne. Aujourd'hui elle est très peu empruntée par les camions, car l'accumulation de montés et de descentes use le matériel (les freins, les pneus) et n'est pas sans danger pour le transporteur (selon certains, il y a aussi un effet « d'habitude » pour les routiers qui ont leur aire d'autoroute préférée sur l'autoroute du soleil…) . Mais au fond, cette solution existe, et commencera à être utilisée quand la situation sur l'A7 deviendra intenable.

Reste que, passées ces réserves, effectivement le transport combiné risque de se révéler indispensable pour traiter ces points de congestion dans la mesure du possible (pas grand-chose à faire pour le trafic local, souvent prédominant). Mais cela ne va révolutionner les choses en terme de part modale. Et les infrastructures ferroviaires n'ont pas forcément beaucoup de capacités en réserve non plus (notamment concernant l'île de France, ou la région lyonnaise).

 

Et des infrastructures séparées ?

J'avais mentionné cette revendication dans un article précédent. Il pourrait s'agir d'un doublement de l'A7 ou de l'A1, réservé au camion (mais ça me semble assez incompatible avec le fait qu'on veut limiter le nombre de camions !). Pas forcément réaliste, vu l'énorme opposition qu'il faudra s'attendre des riverains.

 

La hausse du prix des transports va-t-elle modifier les circuits logistiques ?

Sans doute oui, pour les marchandises où le coût de transport représente une part sensible dans le coût final. Mais en matière de localisation des usines et des entrepôts, l'inertie est très importante, vu l'importance des investissements en jeu, et leur durée d'amortissement.

 

Quelle est la solution alors ?

La technique, l'innovation, le financement des infrastructures de transport alternatives, la réglementation évidemment. J'essai d'en rendre compte sur ce blog. Mais il ne faut pas en attendre des miracles.  Je me rappelle les mots d'un membre d'une organisation de suivi du transport routier, que j'avais trouvé un peu trop fataliste à l'époque, « Ce qui génère du transport routier,  c'est la surconsommation, tant qu'on a pas compris ça… ».

J'ai tendance à trouver la phrase de plus en plus juste, même si en décalage croissant avec les débats actuels sur le pouvoir d'achat…

 



[i] Disponible en copie sur ce blog, je n'aime pas les blogs « copier-coller », mais ça a son utilité vu que les archives du monde ne sont pas toujours pas consultables

[ii] En même temps, de nombreux projets n'ont pas encore été lancés, voir mon dernier article sur le programme Marco Polo. Il est un peu tôt pour parler d'échec, même si j'ai déjà mentionné les difficultés de toulon-citavecchia


19/08/2008
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Le cabotage routier ou le conflit entre les anciens et les modernes.

        Une très intéressante étude de la commission européenne revient sur les conséquences de l'élargissement de 2004 sur le transport. C'est d'autant plus pertinent que cette étude multi-mode est publiée au moment où le débat sur le cabotage routier ressurgit. Mais si cette étude apporte plutôt de bonnes nouvelles, c'est à une période où les mauvaises nouvelles s'enchaînent, et où la concurrence des pays de l'est est d'autant plus mal ressentie. Pour paraphraser François Mitterand, les optimistes sont à l'Ouest, les camions à l'Est, penseront surement beaucoup...

        L'étude commandée par la commission européenne revient sur les conséquences de l'élargissement de 2004 sur le transport. Un élargissement qui a induit une hausse du transport (certains trafics ont doublé depuis 2005) entre les NPM (Nouveaux Pays Membres) et les anciens de l'Europe des 15, et a conduit les NPM a transcrire (plutôt avec grande diligence, selon l'étude) dans leur législation une masse toujours plus grande de décisions européennes concernant le transport (« At the end of 1999, the overall Transport Acquis counted 2896 pages; by the end of 2004 this was 7780 pages. »).

        Une hausse du transport qui s'est entièrement faite au profit des camions et de la voiture, ce qui est logique, vu que c'est la tendance de fond dans les pays de l'est, où le réseau routier en général revient de loin, et où le transport ferroviaire (majoritaire il y a 20 ans) était favorisé du temps des régimes communistes (notamment par un système de quota). De plus, le camion a eu naturellement beaucoup plus de facilités à s'adapter aux immenses bouleversement industriels et commerciaux générées par la chute du mur (qu'on se rappelle la rapide disparition des vieilles marques communistes dans Good Bye Lenin !). La répartition modale des pays de l'est tend donc à se rapprocher de celle des pays de l'ouest.

        En fait ils tendent à se rapprocher tout court des pays de l'ouest : comme le notent les auteurs de l'étude, en matière de transport, « There is no longer the need to speak of 'old' and 'new' Member States ». Doit-on s'en lamenter, au nom du développement durable ? D'une part, ce serait assez hypocrite, et d'autre part, il faut voir que la situation est paradoxale dans ces pays : du fait de l'amélioration rapide du réseau et du niveau de vie, beaucoup plus de voitures = moins de pollution (pour le CO2, par contre, il n'y a pas de miracle) et moins d'accidents ! Quoiqu'en fait, sur une longue période, c'est à peu près ce qui s'est passé aussi en Europe de l'ouest depuis 30 ans ! A noter que d'autres effets positifs sont relevés, comme l'amélioration des pavillons maritimes chypriotes et maltais, la hausse du trafic aérien, l'apport de main d'œuvre de l'est dans les secteurs du transport des pays de l'ouest (qui ont tendance à manquer de bras, comme dans le transport routier, voir article précédent, ou le transport maritime).

        Mais bien sur tout n'est pas rose dans ces pays, qui pour connaître un essor économique impressionnant (qui se souvient que l'élargissement avait fait débat en France, au point de peser lourd dans la défaite du TCE en 2005 ?), ont parfois du grandir trop vite. Ainsi l'intégration de la législation européenne s'est faite trop rapidement, sans toujours attendre l'évolution de l'organisation et de la stratégie des états, chargés de la faire appliquer. Et appliquer cette législation n'est pas toujours évident, même à l'ouest (voir article précédent). Aussi le « level playing field » (les mêmes règles de concurrence pour tous) n'est pas toujours une réalité sur le terrain. Mais surtout, le système de transport alternatif à la route est en mauvais point. Souffrant de sous-investissement chronique, il est également handicapé par les péages ferroviaires les plus élevés d'Europe. A ce niveau, l'étude ne propose peut-être pas de solutions miracles, c'est avant tout une affaire de priorités dans les états concernés


        Reste que l'étude prend un relief particulier avec le débat actuel sur l'autorisation du cabotage. Le cabotage, c'est, par exemple, un transporteur allemand qui, non content de faire un Berlin-Marseille, trouve du fret retour pour faire un Marseille-Strasbourg. Aujourd'hui (et depuis 15 ans) c'est autorisé au sein de l'Union Européenne, mais avec une certaine limite : pas plus de 30 jours de cabotage par an. Dans la pratique cette limite est difficile à vérifier, même si l'Autriche a fait une tentative (un peu anachronique?) en ce sens l'année dernière (et il n'est pas si évident qu'elle soit dépassé si souvent, à part peut-être dans les régions périphériques, car trouver du fret à l'étranger et le garder nécessite une certaine structure commerciale).

        La nouvelle proposition de définition du cabotage (pas plus de trois transports dans les 7 jours suivant un transport international) est censée (a priori j'ai comme un doute) être plus contrôlable. Mais dans un contexte extrêmement difficile pour les transporteurs routiers, avec le diesel qui augmente de plus en vite, le compromis trouvé au parlement européen (à valider par le conseil des ministres, il prévoit aussi la fin des restrictions pour 2014) ne passe pas très bien (ainsi pour le syndicat belge UBOT, le cabotage aura un impact négatif sur les salaires). Et pourtant les petits pays du Benelux étaient plutôt favorables à la fin complète des restrictions (logique, c'est le moyen de donner de l'espace de leurs transporteurs nationaux)... Les pays de l'est ne sont pas encore tous concerné par ces autorisations mais ça ne sauraient tarder (les restrictions imposés à la Pologne et la Hongrie devraient prendre fin en 2009).

             Les transporteurs de l'est vont-ils déferler sur les marchés nationaux ? Pas évident, pour des raisons essentiellement commerciales. Depuis l'ouverture à la concurrence, déjà ancienne, si on observe une perte du pavillon français à l'international (de toute façon les grands transporteurs de l'ouest ont déjà depuis longtemps anticipé le mouvement en installant des filières à l'est), ce n'est pas le cas pour les trafics nationaux. Sur des courts ou moyens trajets, on ne peut guère être compétitif sans base locale. Par contre, dans les zones frontières allemandes , les transporteurs pourraient souffrir...

        Sur cette question le rapport commandé par l'UE se veut optimiste : les conséquences de l'élargissement avaient été sur-estimées, le différentiel de salaire entre est et ouest tend à se réduire, et de toute façon les pays de l'est ont épuisé leurs réserves de chauffeurs. Saura t-il convaincre les routiers? Sans doute non : de toute façon le vrai problème est ailleurs, c'est le prix du diesel...


22/05/2008
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Le port de Los Angeles purge ses camions

  

  Comme je l'ai déjà dit, il faut se méfier des préjugés sur les USA, le royaume auto-proclamé de la libre entreprise. De nombreux ports (notamment Rotterdam) dans le monde sont confrontés à la congestion et aux "effets secondaires" induits par l'augmentation rapide du trafic routier de conteneur (qui suit logiquement l'explosion du trafic maritime de conteneurs). Le port de Los Angeles a sa solution, et le moins qu'on puisse dire c'est qu'elle n'a rien d'angélique... Ni de "libéral" d'ailleurs : MacCarty, revient, ils sont devenus fous...



        Ça vient d'être voté, c'est le Control Truck Program (CTP), un projet qui restreint sérieusement l'entrée des camions dans le port de Los Angeles. Les propositions et les objectifs  sont résumées ici. Globalement il s'agit de limiter le nombre d'entreprise ayant accès au port et de leur faire payer cet l'accès, le tout dans le but de réduire de 80% la pollution des camions. Ainsi les transporteurs routiers devront bientôt payer une licence annuelle de 2500 $ (plus 100 $ par camions qu'il possède), et un péage de 35$ par conteneur.

Une addition plutôt salée... L'argent récolté servira à remplacer les vieux camions (apparemment il y en a beaucoup qui ont connu Freddy Mercury et Kurt Kobain ! ), avec par exemple une aide de 5000 $ au remplacement des vieux camions datant des années 80. C'est le Scrap Truck Buyback Program. Le Truck Procurement Assistance Program, lui, est une proposition du port de négocier des prix de gros pour des camions moins polluants :"The Port also will offer a Truck Procurement Assistance Program for concessionaires who apply for truck funding in order to obtain the best possible truck prices through volume discount pricing agreements the Port will forge with approved Original Equipment Manufacturers". Aux USA, on ne peut pas dire que les ports se recentrent sur leurs missions de base...

Le port prévoit aussi de favoriser les technologies innovantes : camions électriques (le port vient de sortir le modèle "le plus puissant au monde"), au gaz liquéfié, sans doute à l'agro-carburant... Ces modèles, s'ils ont été acquis dans le cadre du programme, ne paieront pas le péage. Mieux, le port prévoit de "subventionner jusqu'à 80%" de l'investissement initial, sans le cadre du programme CTP ! Ça, j'ai quand même du mal à le croire...

Mais ce qui agite le plus le monde du transport américain, c'est l'interdiction des conducteurs indépendants (plus de 85% des conducteurs actuels selon TransportTopic!), pour n'autoriser que les compagnies avec salariés. Au pays du self made man, ça sonne étrange... Les associations de transporteurs ont déjà réagi vivement. J'avoue ne pas comprendre le sens de cette interdiction, dans le cadre d'une réduction de la pollution. L'explication du port est édifiante : "By working with a concessionaire network of LMCs that have direct control over employee drivers, the Port can more effectively ensure that concessionaires meet requirements that include having a legitimate place of business and proof of adequate off-street parking. These requirements will reduce the impact of trucks driving into communities and parking in front of home or businesses, especially in the Harbor District". En gros l'interdiction des indépendants c'est juste pour éviter des problèmes de stationnement pour les riverains qui n'ont pas de garage privatif (ça existe aux USA ?!). Voila qui sonne moins dramatique que les "centaines de morts prématurés" et les "de 100 à 590 millions de $ de frais de santé supplémentaires" dues à la pollution, annoncés auparavant dans la communication du port de LA.



        Bref, si un tel volontarisme est exemplaire, j'ai l'impression que le port a  construit une usine à gaz aux motivations pas  toujours très claires et qui risque bien d'être retoquée par la justice. Je ne connais pas le droit américain, mais en France, il me semble qu'une telle discrimination à l'intérieur d'un ensemble d'entreprise serait illégal. En Europe, on aurait simplement (pas sur que ce soit simple en fait) édicté un règlement "les camions en dessous de telle norme ne rentrent pas", qui pose moins de problèmes légaux (c'est un peu ce qui a été adopté à Londres, avec un péage très dissuasif pour les vieux camions EURO 0 ou EURO 1).

Enfin, le dossier est très touffu, je n'ai surement pas tout compris, et j'invite les gens intéressé à se faire une opinion par eux même. Le site du port de Los Angeles est très fourni. Ainsi, on peut noter que le port investi dans le ferroviaire pour la longue distance, ce qui est un autre moyen de traiter une partie du problème (même s'il est très probable que les plus vieux camions qui polluent beaucoup font de la courte distance). 


20/05/2008
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Le transport routier américain en crise

« On vit dans un pays de fonctionnaires et d'assistés, où l'initiative privée est brimée, où chacun s'en remet à l'État au moindre problème. C'est pas comme aux États-Unis... » Des propos de café du commerce, qui ont bien sûr leur part de vérité. Mais force est de constater qu'aux USA, c'est parfois un peu comme en France. La preuve avec le transport routier.


Aux USA, comme en France, les trois principaux problèmes du transport routier, c'est en premier lieu le prix du carburant, en second lieu... le prix du carburant, et en troisième lieu la pénurie de chauffeurs routiers. Pour le troisième problème, l'ATA (American Trucking Association) a développé une solution originale, en concluant un accord avec la réserve de l'armée américaine, pour former les conducteurs de cette dernière, et en contrepartie pour attirer les militaires en fin contrat avec l'armée, et lassés des routes irakiennes pleines d'engins piégés et de sniper (c'est pour la formule, je ne suis pas sûr qu'ils envoient encore des réservistes là bas).

Mais pour la principale raison de mécontentement, c'est plus difficile de trouver des solutions. Certes le carburant est moins taxé aux USA que dans la plupart des pays européens, mais du même coup, la hausse du prix du pétrole (et il n'y a bien sûr aux USA pas de phénomène d'euro fort, qui a absorbé environ 50% de la hausse en Europe) a plus cruellement impacté les entreprises routières, avec un prix du gasoil qui a augmenté de 49% depuis un an, pour atteindre un record de 4,17$ le gallon, soit 1,1$ le litre, ou encore 70 centimes d'€, au cours actuel (mais la conversion en € n'a aujourd'hui pas beaucoup de sens). Le gasoline, quant à lui, a augmenté de 21% depuis un an, pour atteindre 3,6$ le gallon, soit 95 cents le litre (oui, l'essence est moins chère que le diesel aux USA!). Il faut noter qu'il y a des raisons conjoncturelles (ouragan Katerina, raffineries en panne...) qui expliquent une partie de la hausse.

Mais les brèves de Transport Topic Online montrent bien le mécontentement qui monte. Au début du mois, les transporteurs routiers ont fait des « opérations escargots » (ils n'ont pas trouvé d'expressions similaires) un peu partout aux USA, et remettent ça en cette fin avril, avec une marche sur Washington. Le nombre de camions en jeux n'est apparemment pas énorme, quelques centaines à chaque fois, mais il est frappant de mesurer que les revendications sont plutôt marquées par un certain protectionnisme économiques: « The truckers planned to ask Congress to stop subsidizing big oil companies, release oil from the Strategic Petroleum Reserve, end exports of oil from Alaska and regulate transportation brokers and fees paid to truckers, the station said ».(les fees, c'est une allusion au nouveau péage urbain de New York?)

On ne peut pas dire que ces revendications dénotent toujours une vision à long terme, notamment pour l'utilisation de la réserve fédérale de pétrole. Pour résumer, c'est surtout « au secours l'état ». Le courrier des lecteurs de TTO est d'ailleurs parfois plus réaliste. Mais on relève la même interrogation qu'en France, concernant le paiement par le chargeur de la surcharge carburant. En France, Dominique Bussereau vient d'ailleurs de réaffirmer le principe de la surcharge automatique, avec maintenant des amendes spectaculaires pour les contrevenants. Celle surcharge automatique est souvent décriée comme inefficace, le chargeur, malgré les contraintes légales, gardant un pouvoir de négociation plus fort que le transporteur routier. Mais comme nous disait un membre du CNR : si les transporteurs routiers ne bloquent pas les routes, à cause du pétrole cher, c'est bien parce que ça marche un minimum. Au fond, chez nous, sur ce problème, ça a l'air de marcher mieux que chez les américains. Voilà déjà une bonne nouvelle...


P.S.: A noter qu'une compagnie américaine d'informatique embarquée, PeopleNet, propose un programme de réduction de la consommation (formation des conducteurs, nouvelle technologies, réorganisation de l'activité...) qui garantit de rentabiliser le prix du programme en moins d'un an, avec remboursement à la clé !


29/04/2008
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Dernières nouvelles du transport routier

L'actualité, et encore plus la tendance de fond de la société, n'est pas favorable au transport routier. Cela se ressent quand on lit régulièrement le site de la FNTR, où le style des éditos oscille entre Zola et Dickens. Allez, courage, le projet de limitation à 4 mètre de haut des camions (pour correspondre à l'autoroute ferroviaire de Modalhor !) est abandonné, c'est déjà ça. Mais pour le reste…

 

   Apparemment, les biocarburants n'ont plus le vent en poupe, je vous parlai des doutes qu'ils suscitaient (ici et ), et de la stratégie volontariste mais contestée de l'UE à leur égard. Mais là, il semblerait que le seuil de 10% doive être abandonné, avec un avis de l'EEA (agence européenne de l'environnement), qui va dans ce sens. Cet avis ne s'appuie pas forcément sur beaucoup d'éléments nouveaux (lire le compte rendu d'euroactiv), mais à une période où le prix de l'alimentation a augmenté de 83% en 3 ans (d'après la banque mondiale), d'une part les biocarburants font office de coupable idéal (alors qu'au niveau de la planète, la proportion des terres affectée aux biocarburants restent faible), d'autre part effectivement encore les développer paraît hasardeux à moyen terme, au moins au niveau du symbole. Politiquement, dans un contexte d'émeutes de la faim et de déclarations outrancières (quoique qu'on puisse penser de la validité du point de vue sur le fond) d'un représentant des nations unis, les biocarburants sont devenus peu défendables.

 

La nourriture concurrencée par les biocarburants, on l'a transporte en général sous température dirigée, cela permet de limiter les pertes, de garantir la qualité, et surtout, d'aller chercher les meilleurs prix plus loin. Le site lognews consacre un article réactualisé intéressant au transport sous température dirigée (TTD). A lire aussi, un article du journal de la logistique, qui s'intéresse au problème environnementaux, et donc aux incertitudes réglementaires, concernant  les fluides réfrigérants (ammoniaque, fréon). D'après le responsable environnement de l'entreprise, STEF-TFE a lui testé le dioxyde de carbone, et étudie l'azote depuis mi-2007.

Le secteur du transport à température dirigée n'est pas frileux lorsqu'il s'agit d'effectuer des acquisitions. Ces dernières années, les grands groupes ont eu tendance à grossir, suivant en cela la concentration dans le secteur de la distribution. STEF-TFE (plutôt en bonne forme financière, même si le taux d'endettement reste important) a ainsi absorbé plusieurs compagnies, et SOFRINO et SOFRICA ont constitué le réseau SOFRILOG. Le secteur en croissance est aussi traversé par plusieurs autres tendances : durcissement des contraintes réglementaires, contrôle électronique du respect de la chaîne du froid, traçabilité par RFID… Mais au temps du Grenelle de l'environnement, le principal écueil est peut-être la consommation d'énergie de la supply chain du froid. En effet, un groupe frigorifique consomme beaucoup, même si des efforts sont fait pour mieux isoler les nouveaux modèles (voir notamment le site du cemafroid). L'environnement a fait donc logiquement son apparition dans la communication de STEF-TFE. A lire ainsi l'édito du président à ce sujet, qui met en garde contre de nouvelles contraintes réglementaires, facteurs de surcouts (c'est indéniable, mais en même temps sans contraintes, il est difficile d'obtenir des résultats, surtout pour les entreprises du routier, aux marges de manœuvres très faibles), et met en avant l'actionnariat salarié comme facteur du développement durable (c'est vrai qu'on peut mettre à peu près tout derrière cette notion, c'est ce qui en fait son charme).

A noter que le TTD est aussi très important en maritime, avec notamment les nouveaux conteneurs reefer (frigorifique), et notamment les récents conteneurs 45 pieds (en version « palet-wide », qui peuvent transporter autant de palettes qu'une semi remorque), et, de façon beaucoup plus marginale, en ferroviaire (avec notamment la société froidcombi, un commissionnaire de transport propriété de la SNCF et de Stef-Tfe, qui a fait presque 13 millions d'€ de chiffre d'affaire en 2006, d'après infogreffe).

 

Enfin dernier sujet abordé, la décision du Tyrol (région autrichienne frontière entre l'Italie, la Suisse et l'Allemagne, traversé par deux autoroutes importantes pour le trafic européen) d'interdire le transport routier de déchet et de gravier à partir du 2 mai prochain (l'interdiction s'étendra à d'autres transports ensuite). Pour l'instant la commission européenne n'a pas montré les dents, bien que ça ne soit pas vraiment légal. Il existe bien une « autoroute ferroviaire » dans cette région, mais je ne sais pas si elle peut prendre en charge tous les trafics concernés (un nouveau tunnel est d'ailleurs prévu pour 2022), 170 000 par an selon le lloyd (soit un peu moins de 10% du trafic). Concernant l'autoroute ferroviaire, les acteurs du ferroviaires autrichiens appellent ça « rolling road ». Ils sont moins doués pour la communication que leurs homologues français, pourtant avec 1000 camions et 40 trains par jours prévus pour cette année, cela ressemble déjà plus à une autoroute. Dans ce système, les camions montent à la queue leu leu sur des wagons surbaissés grâce à leurs petites roues, ce qui doit coûter moins cher à l'investissement (pas besoin de quais spéciaux ni de wagons pivotants, par contre certains professionnels disent que les petites roues s'abîment plus vite).

Cette décision, qui risque d'être problématique pour un certain nombre de transporteurs routiers, constituera assurément un précédent si elle n'est pas invalidée. Affaire à suivre…

 


15/04/2008
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Zizanie chez les routiers

Le contexte économique et social est plutôt difficile pour les entreprises routières, en butte à des fortes tendances inflationnistes, qui risquent de dégrader leurs marges. De plus leurs organisations professionnelles semblent divisées.

 

Des voix s'élèvent régulièrement pour dénoncer une pénurie de conducteurs routiers. En France, mais aussi en Belgique, où il ne manquerait pas moins de 3000 conducteurs selon la FEBETRA. En France, je n'ai pas trouvé d'estimation officielle récente. Le bilan social du transport routier, très complet et  publié récemment par les services du MEDAD, n'analyse les données que jusqu'à 2005. En 2005, la pénurie de transporteurs routiers ne concernait encore que l'île de France (avec 10 % d'offres en plus que de candidats), mais dans de nombreuses autres régions, le rapport nombre d'offre/nombre de candidat s'approchait de 1 (en clair, le recruteur n'a plus de marge de manœuvre pour choisir ses salariés). Quelles sont les causes de cette raréfaction des conducteurs ? Sont souvent cités la fin du service militaire (auparavant, on pouvait passer son permis camion à l'armée), le faible niveau des salaires, les contraintes fortes sur la vie sociale, le temps de travail effectif élevé, la relative dangerosité du métier…

 

Il faut donc rendre plus attractif le métier de conducteur routier. Tout le monde est d'accord pour développer la formation gratuite des jeunes au permis poids lourds (voir ici notamment). Par contre, quand il s'agit d'augmenter les salaires, certains grincent des dents.

Le 18 février dernier, un accord a été signé, qui porte la hausse minimale des salaires à 4% (en deux temps) pour 2008. TLF a signé (apparemment, contre une promesse d'aménagement de la loi TEPA par le gouvernement), pas l'UNOSTRA, ni la FNTR, qui fait part de son mécontentement, et relève que cette hausse fait suite à celle de 3,5% en 2007. Confrontés à des hausses de prix des carburant, à une certaine tension sur le marché des tracteurs, à une prochaine taxe kilométrique, à la hausse du prix des péage (voir article précèdent), et donc à des hausses de salaires, les entrepreneurs, et particulièrement les plus petits d'entre eux (qui n'ont parfois aucun salarié), s'inquiètent de ne pas pouvoir répercuter cette hausse sur leurs clients, qui dispose en général d'une force de négociation plus grande (souvent ce sont des gros chargeurs, industriels, grande distribution, alors que la plupart des entreprises de transport ont moins de 50 salariés). Ils craignent donc, que cela se fasse au détriment de leur marge, qui est déjà le plus souvent très basse, de l'ordre de 1 à 4% du chiffre d'affaire (la FNTR indique une moyenne de moins 0.5% de marge net en 2005 !). Il existe certes des mécanismes de répercussion automatique (imposés par le gouvernement) des nouvelles charges sur les prix. Mais en cas de relations trop asymétriques, ceux-ci peuvent toujours être détournés. Et on peut penser que les chargeurs vont finir par ne plus supporter ces hausses combinées du prix de transport.

 

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que les entrepreneurs routiers se divisent. Au Grenelle de l'environnement, la proposition de la FNTR de diminuer la vitesse des camions avait fait un tollé (augmenter le temps de transport, c'est du même coup augmenter les charges salariales !). Et en janvier, les organisations s'étaient affrontées sur la prise de contrôle de Novatrans par Norbert Dentressangle et la SNCF, TLF approuvant, la FNTR criant au scandale. On a beau faire partie de la même grande famille, les intérêts des petites entreprises (plutôt représentées par la FNTR et l'UNOSTRA), ne sont pas identiques à ceux des grands acteurs du transport (plutôt présent dans TLF). D'ailleurs, on peut noter que souvent les premiers sous-traitent pour le compte des seconds…

Reste qu'à avoir des discours dissonants, le monde du transport routier risque d'avoir de plus en plus de mal à se faire entendre, dans un contexte politico-médiatique qui lui est défavorable.


04/03/2008
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Conducteur à l'international, un métier à risque

C'est un fait connu de longue date, la profession de transporteur routier, en plus d'être très exigeante en temps, mal considérée, et plutôt mal payée (quand on rapporte au temps total de mise à disposition de l'employeur), peut être dangereuse (pas si étonnant qu'on commence à se plaindre d'une pénurie de transporteur). On pense tout de suite à l'insécurité routière, mais il existe également un risque non négligeable d'agression (et on ne parlera pas des convoyeurs de fonds). L'IRU (International Road Union, le lobby mondial des transporteurs routiers), dans un rapport  malheureusement  (enfin la connaissance ne peut pas toujours être gratuite) payant (voir le résumé ici), a évalué ce phénomène, à l'aide de plus  de 1000 interviews en face à face et de questionnaires adressés à des entreprises de toute l'Europe, au sens très large du terme (ça va  jusqu'au Kazakhstan). Les résultats sont plutôt inquiétants. Ces 5 dernières années, 17% des conducteurs interviewés en face à face ont été agressés, dont 30% plus d'une fois ! Les agressions ont le plus souvent lieu la nuit (à 66%), et sur les parkings de camion (à 42%). Et c'est relativement logique, vu que le plus souvent le conducteur qui réalise un long voyage dans son camion dort dans sa cabine. Le conducteur de l'Europe de l'ouest (en France, au moins) est certes défrayé pour la nuit. Mais, le plus souvent, il préfère économiser sur le formule 1 et dormir dans la cabine (qui sont maintenant relativement confortables), pour arrondir ses fins de mois grâce à l'argent de l'hôtel. Et ainsi, en plus, il peut surveiller la marchandise. Quand au conducteur de l'est qui dort loin de chez lui, il n'est pas défrayé (en général), donc la question ne se pose pas.

      Comme autre résultat de l'enquête, on peut citer que les chauffeurs n'ont pas toujours confiance en la police (30% ne la préviennent pas), et que les compagnies de transport n'apportent une réponse jugée adéquate par les agressés que dans 18% des cas. Egalement, l'étude montre qu'il faut mieux faire attention en Pologne, en Roumanie (le pire pays à ce niveau, et de loin), en Russie et en Hongrie, les pays les plus dangereux (nombre d'agression comparé au trafic international). Dans ces pays (comme dans d'autres), il faut mieux utiliser des parkings surveillés la nuit (l'IRU en fournit une liste). D'ailleurs, en cas de vol de la marchandise, les tribunaux français ont tendance à juger responsable de faute lourde (ce qui permet de faire sauter le plafond d'indemnisation) le transporteur qui utilise une route secondaire ou un parking non gardé dans une zone réputée peu sûre.


18/02/2008
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Les biocarburants anti-écologiques?

C'est le débat du moment. La politique choisie par la commission européenne de développement des biocarburants (qui devront représenter 10% du carburant utilisé en 2020) se heurte à une coalition de mécontents, allant des associations de protection de l'environnement (voir leur appel à l'UE) au lobby des industriels du cacao. L'association européenne Transport&environnement fustige l' « impasse » où conduit cette politique. Ces critiques se nourrissent du rapport du EU's Joint Research Council (JRC), « Biofuels in the European Context » (pas encore publié, ce qui est dommage, vu que tout ce qu'on en entend sur Internet est filtré par les opposants aux biocarburants), ou du rapport de la chambre des communes anglaises (à vue de nez, les parlementaires anglais ont fait du bon boulot, en rendant une copie assez succincte de surcroît !).

Que reproche t'on aux biocarburants, pourtant censés être écologiques (et longtemps défendus par les associations il me semble) ?

-L'effet sur la réduction des effets de serres n'est pas prouvé (c'est le point le plus sensible). Notamment cela dépend beaucoup du type de biocarburant utilisé (selon le rapport de la chambre des communes -voir graphique page 14-, l'impact total varie de 1 à 10 !)

-Les biocarburants n'auront pas d'effet sur l'emploi car les emplois crées compenseront les pertes d'emploi dans l'industrie pétrolière (là, a priori, je suis sceptique)

-Les effets socio-économiques induits, notamment l'augmentation des prix des matières agricoles (en même temps, en Europe, on ne manque pas de terre agricole) dans les pays en voie de développement. Les ONG demandent que "The EU must guarantee that human rights are protected, that all workers enjoy decent work, that cultivation does not adversely impact on local communities or indigenous peoples, that smallholders are treated fairly and transparently, and that the right to food is ensured", pour éventuellement accepter les bio-carburants. Comme si l'UE pouvait faire en claquant des doigts que tout aille bien dans un pays pauvre. C'est justement en nous vendant des choses que beaucoup de pays pauvres se sont développés ces trente dernières années, au point de nous rattraper pour certains.

      Les organisations sont même prêtes à se satisfaire du modeste objectif de la commission de réduire de 10% d'ici 2020 les seules émissions de gaz à effet de serre dues à la seule production d'essence! Ainsi le directeur de T&E, Jos Dings l'affirme sans rire: "There is no environmental reason for maintaining these obsolete biofuel commitments when the Commission already has a sensible plan to cut emissions from all transport fuel production" On a connu des ecologistes plus offensifs…Un dernier chef d'œuvre de mauvaise foi pour la route : « We have serious concerns that EU Member States will be prevented from introducing stronger criteria at a national level and that other national / international schemes will be accepted already if they meet only some of the criteria listed in this Directive." En gros, surtout pas de législation commune contraignante, cela pourrait dissuader des états masochistes d'aller plus loin

      Andris Piebalg, membre de la Commission européenne chargé de l'énergie, a répondu à ces objections, en défendant le principe de la mise en œuvre massive des biocarburants, qui permettra l'essor industriel des biocarburants de deuxième générations, mais en concédant que leur mise en œuvre devrait être mieux contrôlée. Un prochaine directive devrait veiller à ce que soit favorisé « uniquement les biocarburants durables, c'est-à-dire ceux qui peuvent garantir une réduction importante des émissions de CO2 par rapport à celles qui découleraient de l'utilisation de pétrole. ». De plus, elle instituera un «  régime de viabilité environnementale solide qui empêchera non seulement des changements néfastes dans l'affectation des sols ».

      Je ne connais pas assez le dossier, mais j'ai le sentiment que les ONG ont raison globalement. Les biocarburants n'ont pour l'instant pas un très bon bilan écologique. Cependant cette affaire est assez symptomatique des difficultés des organisations écologiques à accepter la transition de méthodes artisanales (un cultivateur roule à l'huile de tournesol, tout le monde applaudit) à une solution globale, qui a forcément ses inconvénients globaux, ses dégâts collatéraux, mais, qui, elle, est généralisable.

De plus, il ne faut pas forcément s'arrêter à la première difficulté. Car au fond, les premiers panneaux solaires necessitaient plus d'énergie pour leur fabrication, qu'ils n'en produisaient au cours de leur cycle de vie. Heureusement pour l'industrie naissante, ils ont été achetés et subventionnés. Le seuil de 10% est sûrement contestable, mais pour une fois que l'objectif politique est réellement ambitieux…


29/01/2008
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L'IRU publie son bêtisier

Quand j'ai commencé à prospecter Internet sur le secteur du transport de marchandise, je suis tombé immédiatement sur le site de l'IRU, qui rassemble les organisations professionnelles du transport routier, à l'échelle du monde (presque) entier. Clair, précis, relativement concis, ayant le bon goût de proposer des textes parfois traduits en français, je considère ce site comme assez exemplaire. Il est ainsi beaucoup plus facile de trouver les dernières décisions de l'UE sur le secteur des transports routiers sur le site de l'IRU, que sur le site de l'Union Européenne (un véritable foutoir, composé d'une multitude d'entités différentes, pas toujours actualisées régulièrement, néanmoins, une fois qu'on l'a découvert, la lecture de la partie transport de l'UE digest hebdomadaire est extrêmement enrichissante).

Reste que bien sûr, l'IRU, cela reste une bande d'affreux lobbyistes, défendant de surcroît un secteur qui n'a pas bonne presse. Vu que le lobbying est plutôt mal vu en France, en bon français, je me suis amusé à relever les contradictions et les accès de mauvaise foi[1] du document récapitulatif de l'action de l'IRU en 2007, « This is The IRU ».


On passera sur l'introduction du président tchèque, qui peut faire sourire parfois : « C'est même pour l'IRU une obligation statutaire que d'œuvrer pour le bien public, pleinement consciente du rôle irremplaçable que joue le secteur pour unir les hommes». Ça doit être le style anglo-saxon. Le gros sujet  du moment, c'est bien sûr le CO2. Et là l'IRU peut se montrer très subtile, mais aussi beaucoup moins. Dans la première catégorie un graphique sur les pays occidentaux de l'OCDE, qui donnerait à penser que le découplage (faire en sorte que la croissance de l'économie n'induise pas une croissance du transport), dont l'UE avait fait un de ses objectifs lors de la parution du livre blanc en 2001, est devenue une réalité. Depuis 15 ans la croissance du PNB a ainsi augmenté trois fois plus vite que le transport routier !




                   source : "this is the iru 2008", page19


Toute l'astuce ici, consiste justement d'utiliser le PNB -la production de richesse généré par les actifs (au sens comptable) français, en France et à l'étranger- (et non, le PIB -la richesse produite en France-), PNB dont la hausse, dans un contexte de mondialisation, n'a pas de raison particulière de générer forcément du transport, si elle est le fait d'actifs à l'étranger…  «L'industrie des transports routiers prend des mesures pour transporter mieux plutôt que transporter plus ». Peut-être, mais l'effet reste à démontrer !


La subtilité, c'est difficile à tenir sur 68 pages. Et si l'IRU affiche un vœu de favoriser le développement durable, il n'est pas besoin de creuser très loin pour trouver des contradictions évidentes. Ainsi, si l'IRU prétend avoir un plan d'action pour limiter les émissions de CO2 (en gros, et ce n'est pas idiot, améliorer les véhicules et les infrastructures, et inciter les entreprises à de meilleures pratiques, les « 3i »), elle ne peut s'empêcher de tacler le réchauffement climatique, à l'origine de ce plan d'action pourtant ! A partir d'un raisonnement sur la région de Genève, l'IRU entend montrer que « l'histoire de la Terre inscrite dans la roche prouve que la planète a déjà subi de très nombreux cycles de réchauffement / refroidissement, allant de la palmeraie au désert de glace. C'est pourquoi, soyons objectifs et réalistes, l'histoire de la Terre gravée dans la roche démontre clairement que la supposée corrélation entre la production de CO2 et le réchauffement climatique n'est pas suffisante pour en prouver la causalité. » Qu'il est dur de se mettre dans la peau d'un gentil défenseur du politiquement correct, après 60 ans à promouvoir le méchant camion...

      Encore, la dernière phrase reste vraie dans l'absolue, même si tous le sens des débats actuels, c'est bien d'essayer d'atténuer une catastrophe très probable (mais effectivement, le climat n'est pas une science exacte). Par contre l'IRU peut prendre aussi ses lecteurs pour de vrais idiots : « Il n'est donc pas surprenant de constater que le Protocole de Montréal sur la réduction des gaz à effet de serre, qui repose non pas sur une fiscalité inefficace mais sur des bases scientifiques sérieuses qui ont permis leur élimination, contribue déjà bien davantage à la réduction des gaz à effet de serre que ce que prévoit celui de Kyoto jusqu'en 2012. » Le protocole de Montréal (effectivement une réussite exemplaire) a consisté à interdire depuis 1987, l'utilisation par l'industrie des substances qui détruisent la couche d'ozone (principalement les CFC), substances qui doivent être a priori des gaz à effet de serre. Mais d'une part, c'est hors-sujet, et surtout, pour les CFC, il y avaient des solutions de remplacement (de plus, on ne peut pas dire que les aérosols soient indispensables à l'économie).


      Bon, on l'a compris, l'IRU refuse le système des permis d'émissions (qui pour l'instant ne concerne pas le transport routier, mais on n'est jamais trop prudent en la matière), qu'elle préfère appeler « droit de polluer », comme une vulgaire association environnementale de gauche !

Le comble de la mauvaise foi est atteint avec ce passage, que même le plus idéaliste des altermondialistes n'oserait écrire : « il est nécessaire que les recettes tirées des taxes sur le CO2 soient utilisées à titre de mesure budgétaire pour compenser, dans les pays producteurs, la baisse des exportations de pétrole qui résulterait d'une baisse de la consommation des énergies fossiles ». Personnellement, je trouve ça très drôle…

Le comble de la contradiction est quant à lui atteint avec ce passage quelques pages plus tard : « l'IRU soulignera les avantages du principe de «compensation des dommages à moindre coût (cheapest cost avoider principle). Ce principe économique qui a valu le prix Nobel à Ronald Coase, soutient que les coûts externes ne devraient pas systématiquement être payés par la partie qui en est à l'origine, mais par celle qui peut le faire en nuisant le moins possible à l'ensemble de l'économie » Je suis entièrement d'accord. L'ennui, c'est que le cheaper cost avoider principle, c'est justement les permis d'émissions (du moins dans la thérie économique) décriés 5 pages avant, permis inspirés des théories de Coase. A ce niveau, on se moque vraiment du lecteur !


      Qu'on ne se méprenne pas, cet article ne veut pas dire que l'IRU n'est pas une bonne organisation, même si évidemment, à publier des textes aussi minables, on rend service au blogeur dont le thème n'est d'habitude pas très marrant (et c'est tellement plus facile de critiquer). Au terme des actions constructives de 2007, on peut cependant retenir une étude conjointe avec l'UE sur l'accidentologie routière liée aux camions, la promotions de l'EMS, l'action de formation des conducteurs et des entreprises, le réseau constitué dans les pays émergent (mer noire, Inde, Chine, Russie…), les actions locales en faveur de simplifications des procédures douanières… L'IRU est même à la pointe du combat face au « défi croissant que représente la prolifération du VIH/SIDA parmi les conducteurs professionnels ». Décidément, pour en revenir à la première citation, le transport routier c'est bel et bien un secteur qui unit les hommes et les femmes du monde entier !



[1] Et je ne suis pas exhaustif !


16/01/2008
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Unusual Suspect

Comme on l'a vu dans le deuxième point de l'article précèdent, l'UE veut autoriser le refinancement des activités fret en difficulté, même si le reste de l'entreprise est en bonne santé. Soit. Il est d'ailleurs pas si probable que la France arrive à refinancer Fret SNCF avant 2010, la date butoir posée par la commission (et rappelons que ce tout ceci n'est qu'un document de travail).

 

Cependant, tout ceci laisse une impression étrange, quand on vient de jeter un œil (je n'ai vraiment pas la prétention de maîtriser l'analyse financière) aux comptes consolidés de la SNCF. La SNCF, par ses multiples participations, s'est construit un véritable empire du transport et contrôle à 100% (attention, ça ne veut pas dire qu'elle possède l'ensemble du capital) d'innombrables entreprises de transport routier, à travers notamment GEODIS (transport routier de fret), KEOLIS (transport public), des commissionnaires de transports (notamment, Geodis a racheté début 2007 TNT Freight Management), des opérateurs de transport combiné (la tribune d'aujourd'hui indique que la SNCF s'apprête à contourner les autorités de la concurrence en prenant le contrôle conjoint de Novatrans avec l'aide de Norbert Dentressangle)… Une personne d'ASTRE (le premier regroupement de PME de transport routier) nous avait confié en privé que la SNCF contrôlait 50% du transport en France. Il y a sans doute beaucoup d'exagération dans cette affirmation (même si Geodis, premier transporteur routier français, pèse à lui seul 10% du secteur).

      Il n'en reste pas moins, que la SNCF, vilain canard boiteux décrié, s'est constitué une part prépondérante dans le transport routier, alors qu'elle était subventionné d'autre part par les pouvoirs publics. L'intérêt général m'échappe dans cette histoire, et j'aimerai étudier cette question plus précisément. En tout cas, tout ceci me fait irrésistiblement penser à la réplique de Kevin Spacey, faux-looser et vrai manipulateur, dans Usual Suspects : « le plus beau coup du diable est d'avoir réussi à nous faire croire qu'il n'existait pas ».


07/01/2008
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Le transport routier sous contrôle européen



Le thème de la réglementation sociale en transport routier, et de son application, est indémodable depuis une vingtaine d'année. La réglementation, visant à protéger les chauffeurs routiers, mais aussi les autres usagers de la route, est abondante, et souvent décriée. En effet, son respect par les transporteurs est souvent problématique. La tentation est forte, car, selon Michel Savy, une entreprise qui ne respecte pas la réglementation peut gagner jusqu'à 40% de productivité ! De plus, les différences entre législations nationales nourrissent les accusations de dumping social, envers les pays du sud et de l'est de l'Europe. C'est ici qu'intervient l'Europe, qui essaie d'harmoniser ces législations, dans le cadre d'un espace de transport européen ouvert à la concurrence, et notamment au cabotage (par exemple une entreprise polonaise, qui fait un Gdansk-Lyon, et qui en profite pour transporter du fret entre Lyon et Strasbourg). Le règlement 561/2006, prévoit ainsi que

 

"The daily driving period shall not exceed 9 hours, with an exemption of twice a week when it may be 10 hours. There can be six driving periods per week. The total weekly driving time may not exceed 56 hours and the total fortnightly driving time may not exceed 90 hours. The daily rest period shall be at least 11 hours, with an exception of going down to 9 hours three times a week. There is provision for a split rest of 3 hours followed by 9 hour rests to make a total of 12 hours rest per day. Weekly rest is 45 continuous hours, which can be reduced to 24 hours. Compensation arrangements apply for reduced weekly rest periods. Breaks of at least 45 minutes (separable into 15 minutes followed by 30 minutes) should be taken after 4 ½ hours at the latest."

 

C'est facile à dire mais encore faut-il pouvoir le vérifier! En pratique, les véhicules routiers doivent être équipés d'un chronotachygraphe, disque qui relève l'historique des vitesses, et sur lequel le conducteur doit marquer ses horaires, et les entreprises de transport doivent tenir le planning de leurs chauffeurs. Les contrôles peuvent donc s'effectuer à deux niveaux.

 

C'est pourquoi la communication de la commission, qui, tous les deux ans, rend compte des contrôles effectués et des infractions constatées dans les différents Etats membres, est intéressante. Le 10 octobre 2007 est paru, la communication COM (2007) 622, sur l'application de l'ancien règlement 3820/85, durant la période 2003/2004.

Premier constat, faire appliquer une réglementation européenne sur le terrain n'est pas facile. La commission ne peut ainsi que constater que « Bien que le règlement s'applique depuis plus de 20 ans, les États membres continuent d'interpréter et d'appliquer ce texte de façon différente. », et que notamment les données collectées au niveau des états ne sont pas toujours équivalentes (par exemple la France se distingue en classant les infractions en résident et non-résident, et non entre nationaux et non nationaux, ce qui empêche les comparaisons avec les autres pays).Plus grave, en Grèce, il semble que l'application du réglement de 1985 pose toujours problème, (« La Grèce n'a pas fourni les données relatives aux infractions, et le nombre déclaré de véhicules assujettis au règlement 3820/85 apparaît très faible, ce qui a entraîné un nombre très bas de journées de travail à contrôler et, de ce fait, le taux de contrôles effectués semble très élevé. », bref les grecs se moquent de la commission, mais vu leur position géographique, la commission doit considérer le problème de distorsion de concurrence comme mineur).

Il y a toutefois de quoi être satisfait : le seuil européen légal de contrôle de la réglementation en ce qui concerne les temps de conduite et de pause est élevé (à mon sens), 1%, et est respecté par presque tous les états (bonnet d'âne à la Suède et surtout au Portugal). En France (comme en Espagne d'ailleurs, pays souvent montré du doigt par les transporteurs français), on était déjà conforme en 2003/2004 à la nouvelle réglementation, qui veut que 2% des jours ouvrés soient contrôlés, à partir du 1er janvier 2008.

Et les infractions dans tout ça ? On en relève 1 185 395 pour toute l'Europe (dans ces chiffres apparaissent le transport routier de marchandise, mais aussi, dans une moindre mesure, le transport routier de voyageur). Peut on se servir de ces résultats pour distinguer les bons élèves des mauvais en terme de respect de la réglementation ? La commission à l'air de penser que non. D'une part, il y a le problème des infractions commises par les non nationaux, qui représentent la majorité des infractions constatées en Belgique, un gros tiers au Royaume-Uni, un sixième en Allemagne, mais quelques pour cent seulement en Italie. D'autre part, la commission à l'air de penser que ces résultats (qu'elle ne donne d'ailleurs pas systématiquement) sont plus représentatifs de la qualité des contrôles que du respect de la réglementation par les transporteurs routiers. Elle parle ainsi de « taux de réussite » ! J'en ai calculé quelques uns. Ce taux vaut 5,1% en Allemagne, 1,8% en France et 1% en Espagne. Il semble que la réglementation soit appliquée plus strictement en Allemagne. L'explication pour l'Allemagne m'est venue tout de suite à l'esprit, « c'est la faute aux transporteurs étrangers », vu que l'Allemagne est très proche des nouveaux entrants. Et bien non ! Si on fait le ratio nombre d'infraction/nombre de contrôle, on s'aperçoit que les transporteurs routiers allemands sont beaucoup plus souvent en faute (8%), que leur homologues étrangers contrôlés en Allemagne (1,6%). Et une idée reçue au tapis, une ! Si il n'y a pas une erreur dans le document de la commission car une telle différence paraît étrange. Y a t-il une subtilité qui m'échappe ? En Espagne, par contre le pourcentage en question varie peu (et pour la France, on ne peut pas faire le calcul, dommage…).

 

Pour conclure, que va apporter le nouveau règlement[1] ? D'abord l'obligation du chronotachygraphe numérique pour les véhicules neufs, qui devrait être moins facilement détournable, et plus facilement contrôlable (cependant, s'agissant du premier point, un membre de l'UNOSTRA nous a confié qu'il pouvait être trafiqué grâce à un simple aimant !), ensuite l'extraterritorialité des sanctions, une gamme commune de sanction, des coopérations renforcées entre Etat membre…Rendez vous dans quelques années pour juger des résultats. Le contexte économique, plus favorable aux transporteurs ces dernier temps, rendra t-il possible une vraie amélioration du respect de la réglementation ?



[1] Au contraire de la directive, un règlement s'applique dans les états membres sans avoir besoin d'être transcrit dans la législation nationale.



20/12/2007
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