Le transport routier américain en crise
« On vit dans un pays de fonctionnaires et d'assistés, où l'initiative privée est brimée, où chacun s'en remet à l'État au moindre problème. C'est pas comme aux États-Unis... » Des propos de café du commerce, qui ont bien sûr leur part de vérité. Mais force est de constater qu'aux USA, c'est parfois un peu comme en France. La preuve avec le transport routier.
Aux USA, comme en France, les trois principaux problèmes du transport routier, c'est en premier lieu le prix du carburant, en second lieu... le prix du carburant, et en troisième lieu la pénurie de chauffeurs routiers. Pour le troisième problème, l'ATA (American Trucking Association) a développé une solution originale, en concluant un accord avec la réserve de l'armée américaine, pour former les conducteurs de cette dernière, et en contrepartie pour attirer les militaires en fin contrat avec l'armée, et lassés des routes irakiennes pleines d'engins piégés et de sniper (c'est pour la formule, je ne suis pas sûr qu'ils envoient encore des réservistes là bas).
Mais pour la principale raison de mécontentement, c'est plus difficile de trouver des solutions. Certes le carburant est moins taxé aux USA que dans la plupart des pays européens, mais du même coup, la hausse du prix du pétrole (et il n'y a bien sûr aux USA pas de phénomène d'euro fort, qui a absorbé environ 50% de la hausse en Europe) a plus cruellement impacté les entreprises routières, avec un prix du gasoil qui a augmenté de 49% depuis un an, pour atteindre un record de 4,17$ le gallon, soit 1,1$ le litre, ou encore 70 centimes d'€, au cours actuel (mais la conversion en € n'a aujourd'hui pas beaucoup de sens). Le gasoline, quant à lui, a augmenté de 21% depuis un an, pour atteindre 3,6$ le gallon, soit 95 cents le litre (oui, l'essence est moins chère que le diesel aux USA!). Il faut noter qu'il y a des raisons conjoncturelles (ouragan Katerina, raffineries en panne...) qui expliquent une partie de la hausse.
Mais les brèves de Transport Topic Online montrent bien le mécontentement qui monte. Au début du mois, les transporteurs routiers ont fait des « opérations escargots » (ils n'ont pas trouvé d'expressions similaires) un peu partout aux USA, et remettent ça en cette fin avril, avec une marche sur Washington. Le nombre de camions en jeux n'est apparemment pas énorme, quelques centaines à chaque fois, mais il est frappant de mesurer que les revendications sont plutôt marquées par un certain protectionnisme économiques: « The truckers planned to ask Congress to stop subsidizing big oil companies, release oil from the Strategic Petroleum Reserve, end exports of oil from Alaska and regulate transportation brokers and fees paid to truckers, the station said ».(les fees, c'est une allusion au nouveau péage urbain de New York?)
On ne peut pas dire que ces revendications dénotent toujours une vision à long terme, notamment pour l'utilisation de la réserve fédérale de pétrole. Pour résumer, c'est surtout « au secours l'état ». Le courrier des lecteurs de TTO est d'ailleurs parfois plus réaliste. Mais on relève la même interrogation qu'en France, concernant le paiement par le chargeur de la surcharge carburant. En France, Dominique Bussereau vient d'ailleurs de réaffirmer le principe de la surcharge automatique, avec maintenant des amendes spectaculaires pour les contrevenants. Celle surcharge automatique est souvent décriée comme inefficace, le chargeur, malgré les contraintes légales, gardant un pouvoir de négociation plus fort que le transporteur routier. Mais comme nous disait un membre du CNR : si les transporteurs routiers ne bloquent pas les routes, à cause du pétrole cher, c'est bien parce que ça marche un minimum. Au fond, chez nous, sur ce problème, ça a l'air de marcher mieux que chez les américains. Voilà déjà une bonne nouvelle...
P.S.: A noter qu'une compagnie américaine d'informatique embarquée, PeopleNet, propose un programme de réduction de la consommation (formation des conducteurs, nouvelle technologies, réorganisation de l'activité...) qui garantit de rentabiliser le prix du programme en moins d'un an, avec remboursement à la clé !