Commerce international


Lufthansa Cargo envoyée au goulag !

Le transport international est un enjeu géopolitique majeur. Certains gouvernements prennent toutefois peu de gants pour défendre leurs intérêts. Mais cela ne risque pas d'handicaper les investissements à long terme dans ces pays ? Un exemple dans l'aérien.

 

Au contraire d'Air France/KLM, Lufthansa a filialisé son activité fret (il faut savoir que la majeure partie du fret est quand même transportée dans les soutes des avions passagers). La filiale, Lufthansa Cargo est une compagnie dynamique, qui a transporté un peu moins de 2 millions de tonnes de fret en 2006 (c'est sensiblement plus qu'Air France), pour 135 millions d'€ de bénéfices. Elle n'a pas oublié de se placer sur le marché le plus porteur, la Chine, avec des joint-ventures concernant des terminaux aéroportuaires chinois, à Tianjin, Shangaï, ou encore Shenzen, ou, mieux encore, en prenant 25% de la nouvelle compagnie chinoise de fret Jade Cargo International, avec qui Lufthansa Cargo (LC) collabore étroitement.

   Mais, voilà, pour aller en Chine, il faut passer par la Russie (la terre est ronde…). Et c'est là que le bat blesse. Selon toute apparence, la Russie a réussi à obtenir de LC qu'elle déménage son hub du Kazakhstan à Krasnoyarsk en Sibérie (où pourtant apparemment les conditions n'étaient pas réunies pour atterrir toute l'année, en raison de la météo plutôt difficile, même si des aménagements devraient être réalisés), après l'avoir interdit temporairement de survol l'année dernière (et une telle mesure coûte très cher à la compagnie, 280 000€ par semaine en essence seulement) !

 

Il y a sûrement d'autres enjeux derrière cette histoire (le changement récent d'aéroport à Moscou de Lufthansa, la compagnie mère ?). Ce qui m'étonne par contre c'est que transportweekly, le journal russe du transport, n'aborde pas du tout le sujet…

   En tout cas, la Russie a réussi à faire plier une compagnie occidentale majeure, défendue par un gouvernement puissant, en l'espace de quelques mois, pour des motifs qui ne paraissent pas évident. Peut-être, peut on en tirer des enseignements géopolitiques, mais je ne m'y risquerai pas. Par contre, je pense que la Deutsche Bahn, qui vise le marché russe des conteneurs (et par là peut-être le transcontinental), a suivi cette affaire avec la plus extrême attention... Voilà qui doit l'inquiéter, alors que son expansion à l'est va lui coûter beaucoup d'argent, notamment pour remettre en état le réseau.


27/03/2008
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Le fret aérien en zone de turbulence

      Branche discrète mais importante du transport aérien, le fret aérien ne va pas très bien, au sein d'un secteur encore rentable mais très fragilisé depuis le 11 septembre 2001 et la hausse des prix du pétrole. La IATA, par la voix de son président le 4 mars au « IATA World Air Cargo Symposium » , s'inquiète de la « perte de compétitivité » de cette industrie. Mais est ce vraiment un mal ?

 

Le fret aérien, on en parle peu, au moins sur ce blog où c'est le premier article que je lui consacre, car les quantités en jeu sont somme toute assez négligeables, 1% des échanges en poids selon Michel Savy (voir son interview dans le figaro). Pourtant, le seul mode capable de livrer à longue distance rapidement pèse lourd dans le commerce international, 30 % des échanges internationaux en valeur toujours selon Michel Savy (cela fait 50 milliards de dollars selon la IATA).

 Ce sont les grandes compagnies aériennes qui sont présentes sur ce marché (où la fiabilité de la prestation est un élément essentiel, si on paye la vitesse au prix fort, ce n'est pas pour que le marchandise se perde ou soit volée, ce qui est courant dans de nombreux aéroports du monde), et surtout les grands expressistes : DHL, Fedex, UPS, qui selon un des derniers Transport Actualité, prennent le pas sur les compagnies aériennes classiques. Ces dernières ont des avions tout-cargo (en général assez peu), mais réservent aussi souvent une partie de la soute à bagage des avions passagers pour les marchandises. Au contraire, les expressistes dimensionnent leurs réseaux, leurs appareils et leurs horaires, en fonction des seules marchandises. En général, ils se limitent aux colis de moins de 30 kilos, qui peuvent être manutentionnés facilement (on peut les porter à la main), mais UPS vient de lancer une offre pour les colis jusqu'à 70 kilos

 

      Or, l'organisation internationale des compagnies aériennes s'inquiète. L'année dernière la progression des échanges mondiaux a été de 7.5%, et celle du fret aérien de seulement 4,0%. Horreur le découplage (avoir la croissance de l'économie, sans croissance proportionnelle des besoins en transport, un vieux rêve de l'Union Européenne) devient une réalité…

En cause, selon la IATA, la concurrence des compagnies maritimes, qui renouvellent leurs porte-conteneurs sur les grandes lignes commerciales (notamment les trois grandes route entre l'Europe et les Etats-Unis, et surtout l'Asie et l'Europe, et l'Asie et l'Amérique), et disposent donc de navires moins chers (quoique cela est discuté par certains) et plus rapides, mais surtout les problèmes particuliers du fret aérien.

Des problèmes de sécurité, avec 16% des accidents de toute l'industrie aérienne, mais surtout des problèmes de sûreté. La période post-11 septembre a vu les contrôles, notamment des douanes, se renforcer (voir à ce sujet mon article précèdent sur la douane), et bien sur particulièrement dans le secteur de l'aérien. La IATA chiffre à près de 6 milliards de $ la perte occasionnée par les problèmes de sûreté (ce serait plus de 10% du chiffre d'affaire du secteur !), et a du mal à faire entendre aux hommes politiques (surtout aux Etats-Unis, peut-on penser) que « le fret ne peut pas être traité comme les bagages ».

C'est pourquoi la IATA veut faire le maximum pour simplifier ces procédures de contrôle, et diminuer le temps d'attente des marchandises dans les aéroports. Premièrement, elle veut développer des « internationally recognised security accreditation standards », ce qui devrait aboutir à un registre d'opérateurs aux procédures sécurisées. En fait cela ressemble assez aux Opérateurs Economiques Agrées que développe l'Union Européenne, sauf qu'ici, la IATA ne promet pas des procédures douanières simplifiées, ce qui devrait limiter l'intérêt pour les opérateurs qui joueront le jeu. Elle veut améliorer également son programme CARGO 2000, destiné à simplifier la chaîne logistique aéroportuaire, et développer l'e-freight, la « bill of ladings » (entre autre) numérique. Cependant pour l'instant, l'e-freight n'existe que dans 6 pays, ce qui limite son utilisation.

 

Finalement, on a quand même du mal à compatir aux malheurs du secteur aérien, vu les émissions de CO2 qu'il émet, énormes par rapport à la faible masse transportée. C'est pourquoi le patron de la IATA n'oublie pas de terminer son allocution par le résumé des actions entreprises par les compagnies aériennes. Rien de très concret, si ce n'est l'engagement d'améliorer l'efficacité du carburant de 25% d'ici 2020. Cela fait écho aux essais de nouveaux carburants, censés être plus écologiques, par les compagnies aériennes : agrocarburants pour Virgin, carburant de synthèse pour l'Airbus A380… Lire à ce sujet l'interview de Xavier Montagne (de l'Institut Français du Pétrole). Pour lui, « Si l'avion sans pétrole n'est pas pour demain, le mouvement vers une solution de remplacement est bien en marche ».

Tout le monde, même les pétroliers, recherche décidément des alternatives au pétrole. Et si, au niveau énergétique, l'avion sera vraisemblablement toujours le dernier de la classe, il est bien décidé à remporter le prix de la camaraderie…


10/03/2008
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La douane, un enjeu du XXI ème siècle

      On pourrait penser que dans notre monde globalisé et sans frontière, le douanier est une espèce en voie d'extinction. Or ce n'est nullement le cas, pour les personnes, mais surtout pour les marchandises. Le 11 septembre a radicalement changé la donne. Si en Europe, les contrôles aux frontières sont sans cesse repoussés, avec l'extension de l'aire d'application des accords de l'Union Européenne, avec le reste du monde, il faut montrer patte blanche. Or deux tendances  agitent actuellement le monde de la douane pour le fret.

 

      La première, c'est la tendance à privilégier la déclaration électronique. Elle a été mise en œuvre dans la plupart des pays européen, sous l'initiative de l'Union européenne. En France, cela s'appelle DELTA. C'est censé produire moins de papier, être plus rapide, plus fiable… Censé, car en pratique, cela s'est révélé un gros fiasco au démarrage, en juin 2007. Au bout de quelques jours, la plate forme informatique s'est effondrée sous le nombre de connexion. Le service a été suspendu et on a du retourner au papier… Aujourd'hui, le service marche, mais la déclaration électronique n'est pas obligatoire, comme il l'était prévu. Pire, selon le Stratégie Logistique de ce mois, le service se révèle plus cher, 2€ par déclaration électronique de coût total. Ça fait beaucoup pour un service qui était censé être disponible en janvier 2006. Qu'on se rassure, la France n'est pas seule dans ce cas, l'instauration du système Badr 2 au Maroc a elle aussi été difficile (voir ici)

On peut suivre à ce sujet dans l'Oeil du Chargeur, la revue de l'AUTF (l'association des utilisateurs de fret, les chargeurs, ceux qui achètent au final la prestation de transport), la longue liste de désillusion qu'a constituée la mise en place de DELTA (même si on peut penser que le pire est passé) et les relations irrités qu'entretiennent agents économiques et douaniers. Globalement, les chargeurs reprochent aux douaniers une culture de la sanction trop forte, et de ne pas être assez sensibilisé à aux répercussions commerciales de leurs actions, contrairement à ce qui peut se passer ailleurs. « Chez nos proches voisins également, l'entreprise n'est pas considérée de prime abord comme une fraudeuse potentielle, cible d'actions répressives, mais plutôt comme une entité incontournable pour le développement de l'emploi ».

 

Pour la seconde, on retrouve l'AUTF, dans les deux derniers « Œil du Chargeur » (numéro 8 et 9), qui s'indigne de la nouvelle politique de sûreté[1] des Etats-Unis. Après le 11 septembre, les USA ont cherché à prévenir les actes de terrorisme. Or, dans un conteneur, on peut mettre n'importe quoi (par exemple, on n'est jamais trop prudent, une « bombe sale », des capsules d'antrax…), sans que cela soit vérifiée au départ (cela prendrait trop de temps et de moyen). Comme Jack Bauer ne travaille que 24h par an, les États-Unis ont décidé de scanner tous les conteneurs arrivant chez eux (à partir de 2012), aux frais de l'import/export selon l'AUTF, et ont sélectionné une vingtaine de ports dans le monde, seuls habilités à leur envoyer des conteneurs, ports où la douane américaine a obtenu d'avoir ses propres agents !

Cette seconde tendance est liée à la première. Avec la déclaration électronique, on peut facilement obtenir les informations plusieurs jours avant l'arrivée effective des marchandises, et utiliser des logiciels spéciaux de calculs de risque pour choisir quel expéditeur est le moins fiable, et devra donc subir un contrôle approfondi. C'est sans doute l'objectif initial de la règle des « 10+2 », qui consiste à demander à l'importateur américain (10 informations) et au transporteur (2) des données sur les marchandises importées, en plus des informations demandés à l'expéditeur étranger (probablement pour croiser les deux). Mais cela risque de retarder encore les échanges avec les USA (deux jours selon l'AEEI, citée par l'AUTF), et de pénaliser les exportations européennes avec ce pays. L'AEEI (American association of Exporters and Importers) exprime d'ailleurs ses craintes et ses réserves (notamment sur la confidentialité des données). Pour eux, il y a plus intelligent à faire que des procédures systématiques aussi lourdes. Et c'est vrai qu'on peut penser que les éventuels terroristes (transporter une bombe dans un conteneur, c'est encore du cinéma, et heureusement) arriveront toujours à contourner une procédure systématique et standardisée.

Pour l'AUTF, c'est clair, toutes ces décisions ne sont que des mesures protectionnistes déguisées, rendues possibles par le pouvoir de négociation inégalé des USA.  « Les chargeurs français, semblables au vieux Caton, continueront de marteler que le renforcement unilatéral des réglementations sécuritaires américaines, au-delà des postures politiques destinées aux électeurs, sont en fait ni plus ni moins que des barrières non tarifaires destinées à pénaliser les importations de nos productions et favoriser les productions domestiques ». L'AUTF épingle aussi avec une ironie mordante l'Union Européenne, « La Commission après avoir mollement réagi semble organiser sa riposte avec un questionnaire bien senti dont elle a le secret ».

 

Bref, c'est la guerre de la douane, même s'il faut relativiser le lobbying de l'AUTF (l'ESC, l'organisation européenne des chargeurs, semble un peu plus modérée, au moins sur la forme). Et l'Union Européenne semble mal partie pour se défendre (l'AUTF indique que certains États européens, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, négocient des accord bilatéraux, ce qui ne peut que fragiliser la position de négociation de l'UE). Dans ce contexte, l'UE va avoir du mal à imposer hors de ses frontières son concept d'OEA (Opérateur Economique Agrée), des opérateurs de confiance bénéficiant de procédures simplifiées (d'ailleurs, selon l'Aslog, les entreprises françaises sont très en retard sur ce point). Il faudrait déjà que la question douanière fasse partie du débat public, ce qui n'est pas le cas pour l'instant.

 



[1] Ne pas confondre sûreté (security en anglais), destiné à contrer les menaces volontaires (le terrorisme dans le cas qui nous concerne), et la sécurité (safety en anglais), destiné à prévenir les accidents.


06/03/2008
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La Banque Mondiale classe les pays selon leur efficacité logistique

            

           Le 5 novembre, la banque mondiale a rendu public son classement de l'efficacité logistique de la plupart des pays du monde (voir le résumé en français), cette information est reprise dans le Monde Economie d'aujourd'hui. La France se classe à une honnête 18ème place. En tête Singapour, le premier port du monde, ce qui n'est pas vraiment surprenant, mais par contre certains pays enclavés (Autriche et Suisse) sont très bien placés, ce qui m'étonne un peu. En fait globalement, l'efficacité logistique est proportionnelle à la richesse du pays (comme on le voit sur la carte des résultats). Mais le rapport de causalité est peut-être en partie inverse. En effet dans une économie globalisé, un bon système logistique permet de « recueillir les fruits » de la mondialisation et de se développer…

         Pour les auteurs de l'étude, [d'après le résumé en français], « la prévisibilité et la fiabilité deviennent plus importantes que les coûts [de transport]». Mais les surcoûts ne sont pas forcément négligeables : ainsi « l'importation d'un conteneur de 20 pieds de Shanghai à N'Djamena, capitale d'un pays enclavé, prend environ dix semaines et coûte 6 500 dollars, alors qu'il suffit de quatre semaines et de moins de 3 000 dollars pour expédier le même conteneur dans un pays enclavé d'Europe centrale ou occidentale. ».

Bref améliorer la logistique est un vrai axe de développement.

 

  En ce qui concerne la France, c'est un pays performant dans tous les domaines, sans réel point faible. Les indicateurs ont l'air difficile à interpréter


20/11/2007
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