Le fret aérien en zone de turbulence

      Branche discrète mais importante du transport aérien, le fret aérien ne va pas très bien, au sein d'un secteur encore rentable mais très fragilisé depuis le 11 septembre 2001 et la hausse des prix du pétrole. La IATA, par la voix de son président le 4 mars au « IATA World Air Cargo Symposium » , s'inquiète de la « perte de compétitivité » de cette industrie. Mais est ce vraiment un mal ?

 

Le fret aérien, on en parle peu, au moins sur ce blog où c'est le premier article que je lui consacre, car les quantités en jeu sont somme toute assez négligeables, 1% des échanges en poids selon Michel Savy (voir son interview dans le figaro). Pourtant, le seul mode capable de livrer à longue distance rapidement pèse lourd dans le commerce international, 30 % des échanges internationaux en valeur toujours selon Michel Savy (cela fait 50 milliards de dollars selon la IATA).

 Ce sont les grandes compagnies aériennes qui sont présentes sur ce marché (où la fiabilité de la prestation est un élément essentiel, si on paye la vitesse au prix fort, ce n'est pas pour que le marchandise se perde ou soit volée, ce qui est courant dans de nombreux aéroports du monde), et surtout les grands expressistes : DHL, Fedex, UPS, qui selon un des derniers Transport Actualité, prennent le pas sur les compagnies aériennes classiques. Ces dernières ont des avions tout-cargo (en général assez peu), mais réservent aussi souvent une partie de la soute à bagage des avions passagers pour les marchandises. Au contraire, les expressistes dimensionnent leurs réseaux, leurs appareils et leurs horaires, en fonction des seules marchandises. En général, ils se limitent aux colis de moins de 30 kilos, qui peuvent être manutentionnés facilement (on peut les porter à la main), mais UPS vient de lancer une offre pour les colis jusqu'à 70 kilos

 

      Or, l'organisation internationale des compagnies aériennes s'inquiète. L'année dernière la progression des échanges mondiaux a été de 7.5%, et celle du fret aérien de seulement 4,0%. Horreur le découplage (avoir la croissance de l'économie, sans croissance proportionnelle des besoins en transport, un vieux rêve de l'Union Européenne) devient une réalité…

En cause, selon la IATA, la concurrence des compagnies maritimes, qui renouvellent leurs porte-conteneurs sur les grandes lignes commerciales (notamment les trois grandes route entre l'Europe et les Etats-Unis, et surtout l'Asie et l'Europe, et l'Asie et l'Amérique), et disposent donc de navires moins chers (quoique cela est discuté par certains) et plus rapides, mais surtout les problèmes particuliers du fret aérien.

Des problèmes de sécurité, avec 16% des accidents de toute l'industrie aérienne, mais surtout des problèmes de sûreté. La période post-11 septembre a vu les contrôles, notamment des douanes, se renforcer (voir à ce sujet mon article précèdent sur la douane), et bien sur particulièrement dans le secteur de l'aérien. La IATA chiffre à près de 6 milliards de $ la perte occasionnée par les problèmes de sûreté (ce serait plus de 10% du chiffre d'affaire du secteur !), et a du mal à faire entendre aux hommes politiques (surtout aux Etats-Unis, peut-on penser) que « le fret ne peut pas être traité comme les bagages ».

C'est pourquoi la IATA veut faire le maximum pour simplifier ces procédures de contrôle, et diminuer le temps d'attente des marchandises dans les aéroports. Premièrement, elle veut développer des « internationally recognised security accreditation standards », ce qui devrait aboutir à un registre d'opérateurs aux procédures sécurisées. En fait cela ressemble assez aux Opérateurs Economiques Agrées que développe l'Union Européenne, sauf qu'ici, la IATA ne promet pas des procédures douanières simplifiées, ce qui devrait limiter l'intérêt pour les opérateurs qui joueront le jeu. Elle veut améliorer également son programme CARGO 2000, destiné à simplifier la chaîne logistique aéroportuaire, et développer l'e-freight, la « bill of ladings » (entre autre) numérique. Cependant pour l'instant, l'e-freight n'existe que dans 6 pays, ce qui limite son utilisation.

 

Finalement, on a quand même du mal à compatir aux malheurs du secteur aérien, vu les émissions de CO2 qu'il émet, énormes par rapport à la faible masse transportée. C'est pourquoi le patron de la IATA n'oublie pas de terminer son allocution par le résumé des actions entreprises par les compagnies aériennes. Rien de très concret, si ce n'est l'engagement d'améliorer l'efficacité du carburant de 25% d'ici 2020. Cela fait écho aux essais de nouveaux carburants, censés être plus écologiques, par les compagnies aériennes : agrocarburants pour Virgin, carburant de synthèse pour l'Airbus A380… Lire à ce sujet l'interview de Xavier Montagne (de l'Institut Français du Pétrole). Pour lui, « Si l'avion sans pétrole n'est pas pour demain, le mouvement vers une solution de remplacement est bien en marche ».

Tout le monde, même les pétroliers, recherche décidément des alternatives au pétrole. Et si, au niveau énergétique, l'avion sera vraisemblablement toujours le dernier de la classe, il est bien décidé à remporter le prix de la camaraderie…



10/03/2008
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