Transport maritime


Le transport maritime hésite encore entre Eole et Hélios

Le transport maritime a longtemps ignoré les enjeux environnementaux, mais depuis quelques années, il tend à se mettre à la page. Un petit retour sur les dernières innovations environnementales du transport maritime. 

Le transport maritime génère beaucoup de nuisances environnementales, mais deux ont particulièrement attiré l'attention des gouvernements et des ONG ces dernières années : les émissions de soufre et les émissions de CO2 (voir articles précédents). Pour le souffre, les autorités internationales ont semble-t-il décidé de prendre le taureau par les cornes. Bien sur, entre les décisions et la mise en pratique, il y aura surement du temps, mais on peut raisonnablement considérer que le problème sera réglé à terme, car ici la solution technique existe, même si elle est onéreuse : utiliser des carburants dé-soufrés. Pour le CO2,comme on l'aura répété souvent sur ce blog, par contre il n'y a pas de miracle à attendre à court terme, mais une multitude de petites solutions techniques, dont bon nombre sont en cours d'adoption (qu'on se rassure, pas pour des raisons environnementales, mais pour des raisons économiques)[1]. On peut citer le renouvellement de la flotte avec des moteurs plus performants et des navires plus gros (du coup, l'effet de « frottement » ralentissant le navire, qui augmente avec la surface, est atténué, par rapport à la charge du navire, qui croît avec le volume), l'optimisation des routes commerciales des navires (les commandants  tiennent maintenant souvent compte des courants maritimes pour déterminer leur route), la réduction de la vitesse des navires…

Il y a également des solutions plus spectaculaires, dont je vais présenter brièvement deux ici. En outre,  petit retour sur le cargo à voile. J'avais déjà parlé de SkySail. L'aventure a l'air de bien continuer, avec un deuxième système en test sur un navire. Ainsi la compagnie allemande Wessels semble très intéressée et  teste le système sur son navire le MICHAEL A., et a commandé trois autres systèmes à SkySail.

Tout d'abord, la turbo voile[2], qui revient apparemment à la mode (cette énergie a déjà été utilisé par la passé, notamment par l'Alcyon du commandant Cousteau). Le principe : utiliser l'effet Magnus généré par l'action du vent sur de grands cylindres (25 mètres de haut, ce qui pourrait éventuellement poser problèmes dans certains petits ports dans lesquels ce navire risque d'opérer ?) en rotation pour pousser le navire. Un nouveau navire, l'E-Ship, (conçu par un industriel de l'éolien, Enercon) vient de sortir des chantiers. L'inconvénient, ici, c'est qu'il s'agit d'une conception d'un navire nouveaux (on ne doit pas pouvoir adapter la technique à des navires anciens), ce qui risque de freiner la propagation de cette technique, si elle se révélait intéressante (certes, à l'époque, le carburant était moins cher, mais la technique a déjà été utilisée deux fois sans lendemain, ce qui invite à la prudence).   Il faut que le vent souffle de côté pour pousser le navire, et cela pourrait générer une économie « de 30 à 50 % » de carburant, selon les initiateurs du projet. Le navire est plutôt de « petites » dimensions (10 500 tpl, une sorte de petit handysize), mais on ne sait pas encore qui va l'acheter, et l'exploiter (or cette question est cruciale pour l'avenir économique de cette innovation).

Ensuite, les panneaux solaires sur les navires. Le japonais NYK, un des très grands du transport maritime, va tester l'emploi de panneaux solaires sur un de ses navires rouliers (je n'ai pas réussi à retrouver le communiqué initial, mais on peut lire en français le compte rendu d'Enerzine). Le but : tester la technologie (notamment la résistance des panneaux solaires dans un milieu ultra agressif pour les composants électroniques, humide et salé), et produire 40 KW avec  328 panneaux solaires[3], soit 6.5% de la consommation d'électricité d'un navire (normalement produite par le moteur au fioul d'un navire). On devrait donc en attendre une baisse de la consommation du navire, même si en l'état de l'expérience, elle devrait rester anecdotique[4]. La compagnie annonce également des objectifs très ambitieux et très rapprochés (2010 !), avec des porte-conteneurs qui dépenseraient à cette date 30% de carburant en moins.

A noter également que NYK développe, entre autres innovations , des éoliennes pour navires, qui devraient pouvoir développer jusqu'à 30 KW de courant (avec une turbine de 4 mètres de diamètre sur 4,5 mètres de haut, l'éolien est nettement moins gourmand en surface…), ou encore un navire (de plaisance) propulsé  par la seule force des vagues.

Bref, encore une fois des innovations très intéressantes, à suivre. Pour autant il faut bien garder en tête que le succès n'est pas assuré, De nombreux défis, notamment économiques, les attendent, et le gain global à moyen terme restera modeste, même en cas de réussite. Mais le monde du transport maritime semble avoir pris pleinement conscience des enjeux environnementaux, et ça, c'est plutôt de bon augure.

[1]Ça n'empêche pas les compagnies de faire "comme si" : ainsi NYK, comme d'autres compagnies précédemment, a réduit la vitesse de certains services pour économiser du carburant, en ayant le génie de la baptiser l' »environment-friendly service concept ».

[2] Merci à toi, Julien pour me l'avoir signalé

[3]Le rapport me semblait faible, mais après vérification, le solaire c'est entre 100 et 150 Wh par m2

[4] Le blog des énergies nouvelles, comme d'autres sources, annonce le chiffre de 2%, soit 20 tonnes par an. Cela me semble beaucoup, cela signifierait qu'un tiers du carburant est utilisé pour créer de l'électricité pour le fonctionnement du navire ?! Le tout pour 1.4 millions de dollar. Pour l'instant, ça risque de coûter cher la tonne de carbone évitée, mais on est ici encore au stade expérimental.

 

 


02/09/2008
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Le groupe minier Vale lance son Plan Z

J'en avais parlé à la fin de l'année dernière, mais depuis les taux de fret du vrac n'ont pas de cessé de faire du yoyo, en restant globalement très élevés. Une situation difficile pour de nombreux chargeurs. Chargeurs qui sont souvent très gros, en particulier dans le secteur minier. On ne doit donc pas s'étonner que l'Empire cherche à contre-attaquer. Ici, en l'occurrence, Dark Vador vient du pays de la capoeira…

Effectivement, ces derniers temps, les compagnies minières ont eu tendance à se regrouper, pour ne former que quelques rares énormes groupes  mondiaux, ce qui  tend à provoquer  des craintes (plutôt justifiées,  à mon humble  avis de non connaisseur du dossier) quant au maintien effectif de la concurrence. En ce moment Rio Tinto est en train de se faire racheter par BHP Billiton, même si le dossier attend encore le feu vert des différentes autorités de la concurrence, notamment celle de la commission européenne. Deux groupes seulement contrôleraient plus de 70% du marché mondial... Lire à ce sujet un bon point de vue du blog çaderange.

Mais pourquoi devenir plus grand ? Pour négocier en meilleure position face aux acheteurs, bien sur, mais également pour gérer au mieux  les activités auxiliaires de l'extraction, notamment la production d'électricité et le transport, où les économies d'échelles sont souvent très importantes. C'est bien entendu le second point, le transport, qui sera traité ici. Je suis parti d'un bon article (peut-être un peu trop énumératif) du figaro.

 

L'exemple du brésilien Vale, la première compagnie au monde (avant la fusion éventuelle citée ci-dessus), est assez édifiant : la compagnie représente près de 30% de l'ensemble du marché de la logistique au Brésil ! Avec  ses 3 compagnies ferroviaires, la compagnie transporte 29 milliards de tonnes-kilomètre (contre environ 40 milliard pour fret sncf), et gère presque 10000 km de réseau. Elle va bientôt lancer des trains de géants de 330 wagon, et donc de plusieurs kilomètres !  A noter que, petite concession pour l'environnement (enfin en principe, vu qu'aujourd'hui les biocarburants sont très contestés, voir article précédent),  les trains roulent avec un mélange composé de biodiesel  à 20%. La compagnie ne transporte pas que ces marchandises et transporte même plus de produits agricoles que de produits miniers.

Au niveau maritime, Vale exploite des terminaux portuaires, et est en train de se reconstituer une flotte. Manque de chance,  ou de clairvoyance stratégique, la compagnie avait vendu ses vraquiers entre  2003 et 2001, avant l'explosion des taux de fret (les prix du transport) du vrac sec (les céréales, le charbon, les minerais... tout ce qui est solide et non emballé). Elle met aujourd'hui le paquet pour rattraper le temps perdu avec cette fois 18 très grands navires (de 300 000 à 400 000 tpl chacun, on se rapproche des valeurs records pour les bateaux, voir article précédent), commandées en 2007 et tout récemment en 2008, et qui seront livrés en 2011 et 2012. Cela lui permettra d'assurer un service régulier vers la chine, et d'assurer elle-même (enfin l'exploitation devrait être externalisée) 31% de son transport entre le Brésil et l'Asie.

Mais cette décision n'intervient elle pas encore[i] une fois à contre temps ? Alors qu'un très grand nombre de navire vraquier sortira des chantiers navals dans les 5 prochaines années, beaucoup d'experts prédisent l'éclatement de la « bulle » des taux de fret du vrac, sur fond de croissance mondiale incertaine et de hausse du prix des matières premières. A cela Vale répond, d'après Reuter, par la bouche de son directeur logistique Eduardo Bartolomeo: "Looking at the expansion projects we have and (what) other players are doing, we don't see the level (of ore demand) will be down for the next 2-3 years,". Oui, mais les nouveaux navires n'arriveront qu'après deux-trois ans (et de toute façon le problème éventuel concernerait plutôt ici l'offre)…

En fait une autre explication semble transpirer de l'excellent communiqué de la Reuter. On sent que le géant brésilien a mal pris la décision des australiens de vendre leur minerai plus cher que lui, en arguant de leur distance plus faible par rapport au principal client, l'Asie et surtout la Chine : « Asian steel mills' negotiations with ore miners on annual term iron ore prices in 2008 stalled over the proposed inclusion of a freight premium sought by the Australian miners to reflect the higher shipping costs to China for Brazilian ore.[…]The Australian companies received higher price increases than Vale in annual iron ore supply contracts with Asian steel mills for 2008. "We're trying to correct it -- not the premium, but the freight rates," Bartolomeo said. » Il s'agit en effet pour la compagnie, toujours par la voix de son directeur logistique, de rien de moins que de chercher à influencer le prix du transport de fret : « "I'm not happy with the freight levels. I don't think they represent the actual cost of transportation".

 A partir de là on peut penser que plus la compagnie joue à contre temps en sortant de nouvelles grosses capacités dans un marché qui va fatalement se contracter, vu les navires en commandes, plus elle va jouer les taux de fret à la baisse, ce qui va in fine lui bénéficier. Surtout, elle envoi un signal extrêmement puissant aux armateurs, qui sauront qu'ils ne sont pas incontournables. Ce signal pourrait accélérer la chute éventuelle des marché du vrac sec (le bien connu baltic dry index, en baisse ces deux derniers mois après avoir atteint un nouveau pic fin mai). Financièrement, pas sur que le calcul soit très bon (si les taux baissent, la valeur des nouveaux vraquier de Vale baisse aussi), mais, d'une part acheter est un navire est un investissement à long terme, d'autre part une compagnie qui a prévu d'investir 59 milliards de dollars dans le monde (ça donne le tournis) entre 2008 et 2012 peut bien, au fond, se permettre de perdre un peu d'argent sur 1.6 milliards…

 

 



[i] Parce qu'on peut subodorer qu'en vendant 14 navires pour 134,7 millions de dollars au début des années 2000, et en en rachetant 18 (certes neufs et plus gros) pour 1.6 milliards de dollars en 2008, Vale n'a pas forcément fait une très bonne affaire.


05/08/2008
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Cherbourg, à la croisée des chemins

Un article qui se voulait bref au départ (encore raté), pour signaler le très intéressant article de mer et marine, sur le port de Cherbourg, un port français plus connu pour son histoire militaire, mais qui a son importance en transport de marchandise (surtout pour le roulier). Dans un contexte de renouvellement de la concession du gestionnaire du port, les projets fleurissent.  Porteront-ils leurs fruits ?

               L'ouverture à la concurrence[1] génère parfois des surprises : la CCI de Cherbourg est ainsi candidate deux fois à sa propre succession, une fois avec LDA (Louis Dreyfus Armateur, un des grands du transport maritime européen, notamment sur le vrac et le roulier-voir article précédent), une fois toute seule. Ce serait bien la malchance si c'était le troisième larron, Veolia (associé aux Constructions Navales de Normandie) qui raflait la mise. En tout cas, il y a surement une belle partie de Texas Hold'em là-dessous...

 On peut ainsi s'interroger sur la volonté affichée de LDA de ne pas se positionner sur le roulier dans la région, toujours selon Mer et Marine « LDA a, d'ailleurs, confirmé son intention de ne pas se positionner sur ce segment. « C'est hors de question car nous ne voyons pas l'intérêt de rajouter des services supplémentaires, que ce soit à Cherbourg, à Caen ou à Saint-Malo ». LDA à la fois gestionnaire et opérateur sur le port, cela induirait certes un conflit d'intérêt singulier, mais alors que vient alors faire ici LDA ? L'opérateur, pas spécialement à ma connaissance un spécialiste, au contraire de Véolia, des concessions (mais il vrai que cela peut rapporter gros), est plutôt connu (mais à regarder leur flotte, c'est peut-être une erreur) pour le roulier.

La procédure d'appel d'offre tend aussi naturellement à faire émerger de nouveaux projets. Ainsi LDA présente à Mer et Marine son projet de grue flottante pour décharger en pleine mer[2], destiné à faire du port du havre un hub de transbordement régional du trafic de vrac. Voir à ce sujet le site de LDA (en anglais seulement, une vraie faute de goût pour une société française).

Aujourd'hui, le port du Cotentin est quasiment centré (90% du trafic en tonnage en 2007[3]) sur le trafic roulier (les ferries qui transportent des voitures et des camions, vers l'Irlande et l'Angleterre),  qui provient en grande majorité de l'ouest de l'Europe (Cherbourg est le grand port roulier le plus à l'ouest de la Manche). Les marchandises en vrac ou en conteneurs sont au contraire peu nombreuses, car Cherbourg est un « cul de sac » pas très bien desservi, avec un marché local faible, et peu d'industries (on peut citer la COGEMA, mais en tonnage, ça ne représente heureusement pas grand-chose).

Par contre, en raison des mêmes données géographiques (un port tout en haut d'une presqu'île), Cherbourg dispose de l'indéniable atout de n'imposer au navire voguant vers les grands ports du Benelux et de l'Allemagne qu'un détour minimal par rapport à la ligne droite. D'où l'idée d'en faire un hub de transbordement, avec des petits navires qui desserviraient les ports voisins (y compris celui du Havre, qui lui impose un détour important lui aux navires ?). Un genre d'exploitation courant pour le conteneur, mais moins à ma connaissance (très incomplète sur ce point) pour le vrac, ou les installations de déchargement sont, me semblent-ils, moins onéreuses (a contrario, il faut beaucoup de trafic pour rentabiliser un portique maritime de conteneurs). Au final, on vise 3 à 4 millions de tonnes de marchandises, ce qui n'est pas beaucoup dans l'absolu, mais multiplierait quand même le trafic actuel par 10…

      En pratique, il s'agit de décharger les capezise, de gros navires vraquiers (de 100 000 à 160 000 tpl, ils sont trop gros ou trop profonds pour passer par les canaux de Suez et de Panama), plutôt utilisés pour le minerais de fer et le charbon. Tout cela sans agrandir (dans un premier temps?) les quais (le quai des flamands avec ses 13 mètres de fond et ses 360 mètres de long, peu utilisé actuellement, doit être un peu limite), ce qui coûte très cher. Il est intéressant de noter que LDA voit un potentiel pour le charbon à Cherbourg, signe peut-être d'un regain d'intérêt en Europe pour cette énergie, en ces temps de pétrole cher.

Au final, il y a sans doute un peu d'esbroufe pour gagner le marché. Faire arrêter, même sans détour, des navires aussi gros (dont la journée d'immobilisation coûte très cher), pour décharger peu de marchandise, dans un lieu mal desservi par les modes massifiés (bien adaptés aux marchandises pondéreuses), et pour finalement recharger les marchandises sur d'autres bateaux… Tout cela semble audacieux économiquement (jugement au doigt mouillé, de quelqu'un qui n'a pas d'expérience du domaine). Reste que des idées nouvelles comme celle-ci, cela pourrait être utile pour redynamiser les ports secondaires français. Que des opérateurs privés soient près à investir (si j'ai bien compris ?) dans la manutention de ces même ports est aussi une très bonne nouvelle.

[1] les collectivités locales ont la responsabilité des ports "moyens", autres que les ports autonomes, mais délèguent la gestion pratique à des acteurs économiques, par le biais d'une concession

[2] sans doute en bénéficiant de l'abri de la rade artificielle de Cherbourg, la plus grande du monde

[3] Sachant que le roulier a tendance à être surestimé par ces chiffres, puisqu'on y incorpore aussi la tare (le poids à vide) des véhicules de transport



 

07/07/2008
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Le porte-conteneurs qui veut se faire aussi gros que le Knock Nevis

J'avais consacré à la fin de l'année dernière un article sur la prise de poids des porte-conteneurs. Une annonce du coréen STX Shipbuilding me permet de revenir sur le dossier. Le prochain porte-conteneurs aurait une capacité de 22000 boîtes, un mastodonte dont la simple vue devrait être capable d'effrayer même le pirate somalien le plus endurci.

Simple opération de communication, pour un groupe dont la prise de contrôle récente de l'européen Aker Yard a plutôt été mal perçu (chez les salariés au moins) ? Possible, mais en tout cas c'est l'occasion de réfléchir un peu sur l'économie de la conteneurisation.

 

Mer et marine s'en fait l'écho : STX étudie sérieusement un porte-conteneurs de 22 000 EVP (équivalent vingt pieds, l'unité de compte des conteneurs). Selon un compte rendu de Maeil Bussiness, un site coréen, apparemment des allemands avaient déjà conçu l'année dernière un 20 000 EVP (jamais entendu parler, et rien trouvé sur Internet). En tout cas, la capacité sera augmentée de 50% par rapport au plus grand bateau en exploitation actuellement, l'Emma Maersk. Mais techniquement le bateau ne semble pas énormément plus grand : 60 mètres en largeur contre 56, 460 mètres de long (on atteint là le niveau des super pétroliers des années 70 qui ont finis à la casse) contre 400 mètres, ou encore 30 mètres de haut (comme l'Emma Maersk). Le secret pour y mettre plus de boîtes doit donc être dans le nombre d'empilement ?

     Au niveau du tirant d'eau, crucial pour le passage de Suez (17 mètres et bientôt 22 mètres) et le mouillage au port, par contre il n'y a pas d'information. Selon sustainable shipping, "STX claim that their new container ship [...] has been designed with port limitations in mind." Mais sans doute parle t-on ici d'un faible nombre de ports. Ports qui devraient commencer à fatiguer de sans cesse investir dans des équipements pour des nouveaux navires toujours plus grands, et de draguer leurs fonds de quai et leurs approches (ce qui est cher, et qui n'est pas sans avoir un impact environnemental). Ici le but est bien sur d'économiser sur les charges (la surface du bateau, et donc l'acier nécessaire, croit moins vite que son volume, et donc sa capacité; l'équipage reste le même...), par rapport au nombre de conteneurs transportés. En particulier, en ces temps d'explosion du prix du fioul lourd, la compagnie coréenne insiste sur un gain (théorique) de carburant (et donc un gain en émissions de CO2) de 40% par conteneur transporté.

 

Je ne vais pas réécrire  mon article de novembre dernier. Les interrogations sur la stabilité de tels navires, ou leur temps de stationnement au port, sont d'autant plus plausibles a priori. Il y a bien un moment où les prophètes de mauvais augures (souvent des chercheurs de l'université publique) finiront par avoir raison (gardons en mémoire, toutefois, que les cassandres annoncent  l'explosion de la grenouille depuis au moins le seuil de 8000 EVP).

Cependant, le problème vient peut-être aussi d'un raisonnement économique qui atteint ses limites. En période de crise, avec la hausse des coûts du transport maritime induite par la hausse du pétrole, réduire les coûts en massifiant les flux sur la grande route Europe Asie Amérique parait logique. Réduire toujours plus le nombre d'escales au profit de quelques super ports aussi. Mais on voit bien que ce schéma conduit à un système toujours plus vulnérable, entre des super ports européens soumis à une forte pression environnementales et des lieux de production en Asie qui pourraient avoir tendance à se déconcentrer, vu la logique hausse du coût du travail dans l'est de la Chine, qui accompagne la tout aussi logique élévation du niveau de vie.

Mais comment espérer revenir en arrière, si on a mis en place un système de rotation de navires de 22000 EVP (et, avec la baisse des vitesses due à la hausse du pétrole, il faut au moins 8 navires pour assurer une fréquence d'un navire par semaine pour chaque port desservi  entre l'Asie et l'Europe), qui ont une durée de vie de 30 ans (je suis pas sûr du chiffre), et qu'on ne peut exploiter que dans des ports très particuliers ?

Ce questionnement est aussi celui de Janet Porter, dans le blog du lloyd : "But what if the cost of transporting merchandise over these vast distances ceases to make sense as consumer spending slows and Asia loses its cost competitiveness? Could manufacturing be shifted back closer to the marketplace, rendering many of these leviathans redundant?"

 

    Bref, sans connaître vraiment en détail le monde du transport maritime, je ne parierai pas trop sur ces 22 000 pieds, au moins dans l'immédiat, avec cette période économique marquée, non par la crise (on n'est pas en récession, le chômage baisse...) mais par une très forte incertitude. Plus que des raisons techniques, ce sera plus sûrement le risque financier qui fera reculer les armateurs...



P.S.: l'histoire triste du Knock Nevis, navire géant né au mauvais moment


05/06/2008
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La difficile réglementation du transport maritime

Réglementer le transport maritime, c'est une sorte de Quête du Graal que de nombreux législateurs ont poursuivi, mais ont rarement accompli. Pas évident de réglementer des navires qui travaillent la plupart du temps hors des eaux territoriales des Etats. Mais les choses sont peut-être en train de changer en partie.

 

Apparemment c'est un coup de tonnerre pour une organisation qui n'est pas très rapide à prendre des décisions (selon l'UE en tout cas, voir article précédent). D'après le lloyd (voir le site de l'IMO pour plus de détails) à la plus grande stupéfaction des participants eux même, le comité de « protection de l'environnement marin » de l'IMO a adopté à l'unanimité un rapport  prônant la réduction de la teneur maximale autorisée en soufre (qui est accusé de causer des atteintes à la santé, voir article précédent) des carburants. Cette teneur maximale (4.5% actuellement) serait limitée à, respectivement, 3.5% et 0.5% en 2012 et 2020, et à 1% et 0.1% en 2010 et 2015 dans les SECA « Sulphur Emission Control Areas », en gros des zones  protégées (qui peuvent aller jusqu'à 200 milles des côtes)! On le voit la réduction est très sévère. Ces modifications pourraient être intégrées dans le protocole Marpol Annexe 6 dès octobre 2008. Conclusion, selon le lloyd, dans un peu plus de 10 ans, la majorité des navires marchands circulant devrait fonctionner avec un carburant distillé (plus cher), ou alors devrait être équipés d'un mécanisme de récupération des effluents soufrés, ce qui constitue une amélioration étonnamment rapide (la durée de vie des bateaux est longue). Par contre le concept des micro-seca (des zones seca plus petites, mais plus faciles à instaurer et à contrôler), défendu par les grands armateurs (réunis dans le BIMCO) qui voulaient pouvoir continuer à utiliser le fioul lourd sur certains trajets, a apparemment été écarté. Pour l'instant, il n'y a que deux SECA (en Europe du nord et en Baltique), mais leur nombre va sans doute augmenter.

Même si l'agrément n'est pas encore signé et appliqué, cela ressemble à un succès qui tranche avec les déboires récents de l'Union Européenne, qui vient d'échouer à instaurer une législation plus contraignante en matière de sécurité. Selon l'article d'Euractiv, « A la déception de l'exécutif européen, ni les propositions portant sur les obligations de l'Etat du pavillon, ni la responsabilité civile des propriétaires de navires ont reçu suffisamment de soutien des Etats membres. Ces derniers souhaitent conserver un degré élevé de discrétion sur ces questions et insistent sur le fait que l'Organisation maritime internationales est le lieu adapté pour ce faire. ».

Et cela est assez compréhensible, quand on voit la concurrence entre Etats pour immatriculer les bateaux (ça rapporte des recettes fiscales). Vu qu'un navire par définition voyage, on peut l'immatriculer n'importe où. Globalement les grand pays maritimes sont concurrencés, à des degrés divers (la France a peu de navires immatriculés chez elle, alors qu'en Grèce, il y en a encore beaucoup) par les pavillons de petits pays qui bénéficient d'une législation sociale et d'une fiscalité plus avantageuses. C'est ce qu'on appelle des pavillons de complaisance.  En général les compagnies maritimes immatriculent leurs navires au sein de plusieurs pavillons, pour répartir les risques ou pour des raisons sociales. Mais la situation est devenue plus complexe, avec l'introduction de pavillons « low-cost » par des grand pays, par exemple le RIF (Registre International Français). Introduit en 2006, mais classé « pavillon de complaisance » à l'instigation des syndicats, ce pavillon a échoué, pour des raisons largement conjoncturelles selon Mer et Marine, à profiter des nombreux achats de bateaux par les compagnies maritimes françaises (notamment bien sur la CMA-CGM).

 

Bref, à première vue, dans un milieu si internationalisé, les décisions prises à l'IMO semblent avoir plus de chance de succès que les décisions nationales ou régionales. Mais cette vision est peut-être largement conjoncturelle. N'est ce pas pour éviter de perdre son influence que l'IMO s'est décidée à réagir ?


08/04/2008
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Le développement du conteneur en Afrique de l'Ouest

   Les nouvelles ne sont pas toujours roses pour le continent noir. Mais en matière de transport maritime, les choses bougent. La dernière note de l'ISEMAR, de Yann Alix, sur la conteneurisation à l'ouest de l'Afrique, est une bonne occasion pour s'intéresser à une zone dont on parle assez peu en termes économiques.

 

Depuis mes cours de géographie au collège,il y a une grosse dizaine d'année la situation a peu évolué. L'Afrique, fragilisée par des conflits incessants, une situation politique instable, une corruption généralisée (et tant d'autres choses), est à la traîne, par rapport aux autres pays de ce qu'on a pu appeler « le tiers-monde », ou encore les pays « non-alignés », et qui ne forme plus depuis longtemps, si jamais cela a été le cas, un ensemble homogène. Alors que une bonne partie des pays asiatiques et sud américains (sans parler des pays producteurs de pétrole du moyen orient) voit son importance dans l'économie mondiale augmenter, au point de pouvoir rivaliser avec les pays industrialisés les plus tôt, l'Afrique (le cas du Maghreb et de l'Afrique du sud étant à part) a du mal à présenter de « bons élèves ». La Côte d'Ivoire a longtemps hérité de ce titre un peu paternaliste, mais les événements des dernières années ont changé la donne. Cependant, l'évolution récente du trafic maritime semble attester du décollage économique de l'Afrique de l'Ouest.


Pourquoi cette introduction un peu (beaucoup) simpliste ? Parce que pour un continent qui importe une très grande part de ses produits de consommation courante, exporte beaucoup de matières premières, mais a globalement peu d'industrie, le maritime est essentiel à l'économie, encore plus qu'ailleurs (ce qui frape d'ailleurs le plus sur la carte de l'ISEMAR, c'est la faiblesse du commerce inter-état en Afrique). C'est le cas pour les états côtiers, mais plus encore pour les états enclavés, où le coût total du transport représente « de 20 à 25% du prix final des produits », ce qui est énorme. Dans ce contexte, les événements de Côte d'Ivoire, qui ont affecté le principal port de la région, Abidjan, n'ont pas été sans conséquence. Quand on regarde les statistiques du PAA, les années d'affrontements lourds (2002 et 2003) sont bien visibles, même si le trafic ne s'est pas effondré loin de la. Globalement entre 2000 et 2005, le trafic a continué d'augmenter, mais moins vite que les autres ports de l'Afrique de l'ouest. Selon Y. Alix, la part de marché pour les conteneurs n'est plus que de 21% en 2005 contre 30% en 2000, sur la rangée portuaire Dakar Cotonou. D'autre part la guerre plus ou moins ouverte qui a coupé le pays en deux a obligé les pays enclavés dépendants de la Côte d'Ivoire (Mali, Burkina Faso, Niger…) pour leur approvisionnement de diversifier leur routes d'importations et d'exportation Le port de Dakar semble ainsi tirer son épingle du jeu, pour la desserte du centre du continent, même si Abidjan reste leader. En effet, toujours selon Y. Alix, « le corridor ivoirien présente un des meilleurs rapports qualité / fiabilité / coût / délais malgré les incontournables problèmes de contrôles, les ponctions illégales de taxes ou encore les récurrentes congestions aux abords des terminaux portuaires. »

 Au niveau des flux l'Asie et le Moyen Orient tendent à supplanter l'Europe pour l'approvisionnement de l'Afrique. Ici aussi, le déséquilibre des flux en faveur de l'Asie est important, et la conteneurisation se développe, d'autant que les vols et le mauvais temps rendent plus sécurisante l'emploi d'une boîte fermée. Mais surtout les flux augmentent (ils sont passé de 1,5M d'EVP à 2,5M d'EVP en 5 ans sur la rangée Dakar/Cotonou). En témoigne la hausse du trafic conteneur d'Abidjan (qui notamment tend à devenir une plate forme de transbordement, un hub de l'Afrique de l'ouest), et la myriade de projets  d'extension, voir de création de nouveaux ports. On peut citer à ce sujet l'ambitieux projet d'extension du port d'Abidjan (à noter qu'en Afrique aussi, les riverains em… les pouvoirs publics lorsqu'il s'agit de construire de nouvelles infrastructures, même si les arguments invoqués sont différents de chez nous).


Les grandes compagnies maritimes (Maersk, et la CMA, qui a racheté Delmas, dominent le marché, mais les compagnies asiatiques arrivent) et de gestionnaires de terminaux n'ont apparemment plus peur d'investir en Afrique (même si, dans la plupart des cas, les travaux n'ont pas encore commencés). Quelque part, c'est une excellente nouvelle. On peut néanmoins voir un bémol, un peu hors sujet par rapport à la problématique du fret. Comme les pays européens, ou l'Amérique, les pays africains sont de plus en plus dépendants de l'Asie pour leur approvisionnement en produit de consommation (l'article cite les produits électroniques, les vêtements, la quincaillerie, mais aussi, et c'est plus surprenant, les huiles végétales), mais ils seront peut-être plus sévèrement touchés par des phénomènes qui sont assez probables à moyen ou long terme : hausse des coûts du travail asiatiques, réévaluation du yuan, hausse du coût des transport…


01/04/2008
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Dernières nouvelles du transport maritime

Pour ce 50ème billet, quelques nouvelles du transport maritime, en vrac :

 


      Les prix du vrac, justement, font du yo-yo. Après avoir presque triplé en 1 an (voir article précédent), ils ont chuté de moitié au début de l'année (en prenant comme référence le Baltic Dry Index), avant de reprendre depuis 1 mois 60 % d'augmentation. Les incertitudes sur la croissance mondiale doivent être la cause de ces fluctuations très importantes, mais voilà qui ne doit pas aider les opérateurs vraquiers, dont l'activité nécessite des investissements financiers très importants, pour acheter les bateaux (même si la location, l' « affrètement », est très répandue, y compris pour des périodes longues, quelqu'un doit bien les acheter au final). Cette incertitude complète sur les prix risque donc de générer une « prime de risque », qui va pénaliser l'exploitation au final. Cela rend aussi plus incertain les tentatives de conteneuriser le vrac. A ce propos, Transport Actualités, dans son numéro 880/881 relativisait (à partir d'une étude AXS Alphaliner) l'intérêt de ces pratiques, en raison notamment de l'inertie importante du transport maritime (beaucoup de contrats sont signés pour des durées longues).

 


      L'ISEMAR consacre une intéressante note de synthèse au transport de produit chimique. Un secteur dominé par des compagnies nordiques, qui affiche de belles perspectives de croissance, même si la législation internationale se fait (et heureusement !) plus sévère.

 


      Il y a un domaine, où par contre, les autorités ont du mal à rendre plus contraignante la législation, c'est les émissions de CO2 du transport maritime. Bruxelles voudrait les intégrer dans ses permis d'émissions de CO2 (voir article précédent), en dénonçant notamment l'immobilisme de l'IMO sur ce sujet. Mais la Lloyd (le quotidien maritime de référence) rend compte des difficultés, admises par les officiels européens lors d'un séminaire à Bruxelles, d'un tel mécanisme pour ce secteur : « Brussels pours cold water on trading scheme » (6/03/08). En effet, "cargo, unlike passengers, does not mind being re-routed, the European commission has admitted". La commission avait envisagé de tarifer (en permis d'émission) un bateau arrivant en Europe, selon son lieux de départ (et donc la longueur du trajet effectué). Or rien de plus facile (à la réflexion, non, si tous les opérateurs veulent le faire, il y aura un problème d'infrastructure, mais l'article de la lloyd semble le penser) que de décharger avant d'arriver en Europe (par exemple, dans un des port du Maghreb, dont certains tendent à se développer fortement ses dernières années), et ainsi de réduire la facture. Autre problème, à qui donner les permis d'émissions, sachant que le propriétaire des marchandises n'est pas toujours connu, et que ce propriétaire peut changer en cours de route (enfin, ça ne semble pas gêner les américains pour imposer leurs contrôles douaniers…). Plus embêtant, surtarifer le transport maritime risque de provoquer un report modal vers la route (notamment pour le transport intra-européen), ce qui risque de ruiner l'intérêt écologique de la mesure, selon un représentant de l'ESC (les chargeurs européens).

      Bref, peu de monde était semble t-il convaincu de la faisabilité d'intégrer rapidement le transport maritime au processus de permis d'émissions ETS. D'autres options sont étudiées, comme un système de permis d'émission dédié au maritime, ou une taxation dans les ports européens, qui viendrait se rajouter aux frais portuaire. La commission menace d'émettre une proposition l'année prochaine, si l'IMO ne fait rien, proposition qui pourrait rentrer en application en 2012 (sans doute très optimiste)


07/03/2008
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Autoroutes de la mer et grands groupes rouliers

      En transport maritime, on parle le plus souvent des conteneurs (un chercheur comme Antoine Frémont a pu ainsi en faire un élément central de la mondialisation dans « Le monde en boîtes. Conteneurisation et mondialisation  »), mais d'autres types de transport maritime se développent. Il en est ainsi du transport de véhicules sur roues : le roll-on/roll-off, effectué par des navires rouliers. Mais cela favorise-t-il les projets européens d'autoroutes de la mer ?

        En matière de fret (les rouliers transportent bien sûr souvent aussi des passagers, mais le modèle économique n'est rapidement plus le même), il s'agit soit de transporter les véhicules venant d'être construits jusqu'à leur marché de destination (quoique parfois, on puisse utiliser des conteneurs à voitures!), soit pour transporter des camions chargés (en général, sans le conducteur, sauf pour les liaisons très courtes), en faisant ainsi du « transport combiné mer/route ».
        En général, le premier marché est beaucoup plus important que le second, ce qui explique peut-être les difficultés de l'Europe à développer les autoroutes de la mer, censées capter les trafics autoroutiers qui peuvent l'être. Avec notamment la croissance du marché et des constructeurs asiatiques, le nombre de voitures produites devrait continuer à augmenter, pour atteindre 90 millions en 2015, dont 15% devraient être exportées par voie maritime (d'après Höegh Autoliners), si on en croit les tendances actuelles (en comparaison, la liaison Toulon-Civitavecchia transporte 12000 camions par an). Pour répondre aux besoins, on développe depuis les années 70 des navires spécifiques, les Pure Car/Trucks Carrier.

    Le secteur des grands groupes rouliers est divisé en quelques grands acteurs qui émergent au niveau international. On peut citer (mais j'en oublie certainement, n'hésitez pas à compléter en commentaire) : Whil Wilhemsen group (ASKOR, ARC, Wallenius Lines), Pasha Group (lié à Strong Vessel Operators LLC), Mitsui OSK Lines, Louis Dreyfus Armateurs, Höegh Autoliners... Il n'y a pas forcément beaucoup de concurrence, vu que ces grands acteurs sont souvent limités à certaines zones géographiques. Plus localement, il existe de nombreux acteurs, mais souvent plus axés sur le transport de passagers.
    Dernièrement Höegh Autoliners est passé sous le contrôle de Maersk (plus grand groupe de transport maritime, voire de transport tout court, mondial), qui en a racheté 37%, en échange notamment de sa propre branche de navires rouliers. Maersk entend ainsi poursuivre un processus de rationalisation de ses activités, qui s'est traduit dernièrement de façon plus douloureuse par des suppressions d'effectifs chez ses marins danois, trop chers.

    Les tendances du marché, navires plus gros (on parle maintenant de LCTC-Large/Car Trucks Carrier), croissance des opérateurs pour proposer une offre mondiale..., vont-elles vraiment dans le sens du développement des autoroutes de la mer ? Comment concilier des investissements énormes, avec un trafic aléatoire (contrairement au cas où on a un contrat avec un constructeur automobile) ? C'est peut-être ce qui explique en partie que les appels à candidature de l'Union Européenne sur les autoroutes de la mer ne sont pas pour l'instant concrétisés il me semble (il y a aussi entre autres les difficultés de financement, voir article précédent)?


27/02/2008
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Le vent nous portera

On a beaucoup parlé économie générale du fret sur ce blog. Alors une belle histoire ne peut pas faire de mal. C'est un nouveau concept pour faire économiser du fioul aux bateaux : une voile de kite surf de 160 m2 (pour l'instant), à 300 mètres de haut, qui tire le navire. Skysails, une société allemande (en partie financée par des subventions publiques, mais seulement à hauteur de 10%) qui a lancé le projet, dont le premier test grandeur nature (un cargo de la compagnie bélouga) se déroule actuellement (le navire est parti le 15 décembre de Hamburg), et la production en série est programmé pour 2008. A lire également un compte rendu en français du site carnetdevol

A condition que le vent souffle (et dans le bon sens), ce concept permettrait de faire économiser 20 à 30 % de fioul. Autant dire que la hausse actuelle des carburants (comme apparemment la mise en application de Marpol VI qui limite les émissions des navires-voir article précedent-) remet ce projet au goût du jour (la compagnie existe depuis 2001, je suppose qu'il est temps pour eux de vendre leurs premiers contrats). Le système est entièrement automatisé (ce qui est une nécessité vu les équipages réduits au maximum des navires de commerce), coûte 500 000€ (ce qui n'est pas énorme, si le système permet effectivement d'économiser beaucoup de carburant) et vise le marché des navires de commerce, mais aussi des grands yachts (et c'est vrai que se faire pousser par un cerf-volant, c'est une belle image). Bien sur, étant d'un naturel sceptique, des questions (dont je n'ai pas cherché la réponse) me viennent : est ce que c'est solide, est ce que ça ne nécessite pas un entretien, est ce que ça peut pas être dangereux par gros temps… Mais j'espère vraiment que des idées comme celles là pourront se généraliser !

 


25/01/2008
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Les propositions du rapport Attali sur les ports

C'est l'actualité du moment, le rapport Atali. J'ai trouvé le texte chez Versac (les rapports de ce type devraient toujours disponible sur Internet, à mon avis, mais je suppose que la polémique avec les Echos a surtout comme but de faire monter le buzz….). Intéressons nous donc à ce que dit le rapport sur le transport de marchandise.

La proposition 106 traite de l'efficacité des ports français. L'accroche attire l'oeil, il s'agirait de baser la croissance portuaire française sur trois « ports européens » : Marseille, Le Havre, et Nantes. Si les deux premiers font déjà partie des grands ports européens (loin toutefois derrière le trio Rotterdam, Anvers, Hambourg), on peut se poser la question : pourquoi 3 ports? pourquoi Nantes ? Pourquoi pas Dunkerque ? En 2007, ce dernier port a manutentionné 57 millions de tonnes en 2007 contre seulement 37 pour Nantes (sources : voir article précédent). C'est vrai, que sur une carte de la France, le triptyque Marseille/Nantes/Le Havre paraît plus équilibré que Marseille/Dunkerque/ Le Havre. Je ne sais pas si c'est ça qui a joué, mais l'argument ne me paraît pas très rationnel (après tout Anvers et Rotterdam sont très peu éloignés…). D'ailleurs l'idée que l'Etat puisse encore décider quel port se dévelopera le plus me semble assez peu réaliste, à une époque où (entre autre) ce sont de plus en plus les groupes privés qui prennent en charge le nouveaux investissements (voir Fos 3XL et Fos 4XL).

Au moins à la question :  pourquoi pas Rouen ? , on a la réponse : le rapport envisage de « regrouper autour d'un commandement unique » les autorités des ports de Le Havre, Rouen et Paris ! Ça a sa logique, pour favoriser le trafic fluvial, mais ça risque de butter sur le fait que ces trois ports n'ont pas forcément des intérêts stratégiques communs (notamment sur le canal Seine-Nord, qui permettra au port de Paris d'envoyer directement ses conteneurs à Anvers, ce qui explique l'opposition du port du Havre au projet de canal). Sinon, la proposition ne me semble pas contenir d'autres révolutions. Développer la multimodalité aux abords des ports, faire la réforme portuaire, ce sont des actions qu'on a déjà commencé à entreprendre…

 Ah si peut-être : décharger les ports « d'activités commerciales qui pourront être transférées vers le privé », et distinguer le conseil d'administration, « dans lequel l'État doit pleinement assurer ses responsabilités », du « conseil portuaire consultatif où s'expriment les intérêts locaux ». Mais ça reste vague et je ne connais pas assez bien le fonctionnement des Pam pour deviner si ça change vraiment les choses.

 

Ensuite ? Et bien c'est tout. En 314 propositions, le document notamment ne parle jamais du fer, alors que c'est quand même un sujet récurent et important pour la croissance économique. Mais c'est vrai que les réformes, effectuées ou annoncées, dans le transport ont déjà été nombreuses ces dernières années, en particulier depuis le début de la législature actuelle (SNCF, ports autonomes, Grenelle de l'environnement…). Pas forcément besoin d'en rajouter, d'autant que sur ce sujet, la marge de manœuvre de l'Etat français est somme toute limitée, notamment par rapport à ses partenaires européens.


24/01/2008
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Les ports français à un tournant

          

Le début d'année est l'occasion pour les 7 ports autonomes français (Le Havre, Marseille, Dunkerque, Nantes/St-Nazaire, Bordeaux, Rouen, et La Rochelle) de faire le bilan. Le résultat d'ensemble est plutôt mitigé : si certains ports battent des record (ce qui n'est toutefois pas si extraordinaire dans un contexte de hausse générale du trafic), comme Le Havre ou Dunkerque, d'autres perdent du terrain. Ainsi Rouen a manutentionné 1 millions de tonne en moins en 2007 qu'en 2006, soit une baisse de 4,6%, largement du à la baisse conjoncturelle des hydrocarbures, que n'arrive pas à compenser la hausse du trafic de conteneurs fluviaux (+40% !).Pour Marseille, le premier port français (grâce aux hydrocarbures) en poids de marchandise, les chiffres ne sont pas encore définitifs, mais la correction est sévère, et fait passer le port sous la barre symbolique des 100 millions de tonnes. Les vracs liquides et solides sont à la baisse, même si la croissance de l'activité conteneur à Fos est importante (+11%).Bordeaux, Nantes/St-Nazaire, quant à eux, restent plutôt stable.

Le Havre signe la meilleure performance française, avec presque 80 millions de tonnes de marchandise transportée (soit une hausse de plus de 6%), et un bond de 25% de l'activité conteneur, un bon signe alors que Port 2000 rentre progressivement en fonction. Ces chiffres sont comparables (en progression) avec ceux des principaux grands ports européens. Rotterdam a vu son trafic augmenter de 6,74% en 2007 (400 millions de tonnes !), pour une hausse des conteneurs de 12%. Anvers a vu son trafic général augmenter de 8% (180 millions de tonnes) en 2007, pour une hausse du trafic de conteneur de 16%. Quant à Hambourg, il semble qu'il n'ait pas encore mis à jour son site Internet…

Pourquoi comparer port français et ports étrangers ? Justement parce que cette comparaison était le principal argument du rapport Gressier, sur la compétitivité des ports français (d'après le compte rendu dévoilé par les échos en décembre, le texte du rapport, publié en juillet dernier, n'ayant pas été publié, ce que je trouve personnellement dommage) : « Selon le rapport Gressier, le trafic des ports autonomes français n'a progressé que de 24% de 1989 à 2006 soit 2,5 fois moins vite que les ports européens (+60%) ». D'où une perte économique, comme écologique (des marchandises destinées à la France vont  être débarquées à l'étranger puis acheminées en France, la plupart du temps en camion).

Pour remédier à cette situation, le rapport Gressier préconisait, entre autre, de revoir l'organisation portuaire. Aujourd'hui les autorités portuaires (ou, plutôt, comme nous l'avouait un ancien président du port de Marseille, les syndicats) contrôlent une grande partie de la manutention. Si les dockers sont, depuis 1992, sous l'autorité des sociétés de manutention, les grutiers restent sous l'autorité du port autonome. Cela gène les opérateurs portuaires, qui sont appelés à investir dans des infrastructures très coûteuses (notamment les portiques pour les portes conteneurs), dont ils ne maîtrisent pas l'utilisation, vu que les personnels qui les utilisent ne sont pas sous leur autorité. Ainsi, à Marseille l'extension du port de conteneur de Fos, dont FOS 2XL est la première phase, est financée en partie par Dubaï Ports World.

Plus globalement, c'est bien la mainmise syndicale sur certains ports, qui a comme conséquence non seulement des salaires de cadres supérieurs pour des ouvriers spécialisés (ça, ça ne devrait pas changer, c'est le cas dans tous les pays dévelopés), un recrutement népotique (il faut être fils de grutier pour devenir grutier !), et, de façon beaucoup plus gênante d'un point de vue économique, des grèves à répétition, souvent pour des motifs assez accessoires (on se souvient des 18 jours de grève à Marseille l'année dernière, pour que l'équivalent d'un plein temps soit sous l'autorité du port du Marseille et non de GDF…), qui doit être définitivement remise en cause (la loi Le Driand de 1992 avait déjà mis en pratique ces principes, mais pour les seuls docker –voir la vidéo du JT de Massure pour les nostalgiques des 90's-). Un bon article du monde résumait en 2006, la situation à Marseille.

   La nouvelle loi devrait être portée devant le parlement en avril prochain, après les municipales, et après « des consultations au niveau local et national », selon Les Echos de ce lundi 14 janvier. Néanmoins, François Fillon a paru assez offensif aujourd'hui à Marseille, et n'a pas essayé de cacher que les grandes lignes de la réforme étaient déjà arrêtées. On peut cependant parier que la période de transition pour le transfert des personnels sera longue. Et une loi ne peut pas à elle seule inverser le rapport de force dans les ports. Un contrat social qui garantirerait sur le long terme le maintien de revenus très élevés pour les personnels, contre une continuité du service portuaire, releverait pourtant de l'intérêt général.

J'ai trouvé la représentante de la CGT un peu sur la défensive sur ce dossier sur France Info, mais cela ne veut pas dire que la réaction syndicale sera conciliante. Voilà un dossier dont on a pas fini de parler. La réforme est passé pour les dockers, elle devrait finir par passer 15 ans après pour un millier de grutier. Mais l'année prochaine, les ports autonomes français ne battront peut-être pas tous leur record !



Maj : le rapport gressier est disponible ici

 


14/01/2008
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Le fabuleux voyage de la CMA-CGM

      

       

Dernièrement, j'ai découvert le site meretmarine, qui présente en particulier l'actualité du monde maritime, du transport de fret aux courses de voile. Ce site publie une petite dizaine de dépêches par jour, et semble très complet bien qu'assez centré sur la France.

 L'occasion pour moi de m'intéresser à la compagnie CMA-CGM. Peu connue du grand public, cette compagnie française est pourtant un poids lourd du secteur, avec 6.7 milliard de dollar de chiffre d'affaire en 2006, 336 navires exploités (la compagnie n'en possède qu'une centaine), et près de 72 en commandes (selon des fuites de presse, CMACGM aurait notamment commandé récemment 8 portes conteneurs géants pour 2 milliard de dollar). C'est ainsi le troisième groupe mondial du transport conteneurisé                           .
        Cette compagnie est en régulière expansion. En moins d'un an, CMA-CGM a racheté une petite compagnie américaine, US Line, une compagnie marrocaine,Comaway, a développé un ensemble impressionnant de nouvelles lignes (entre l'Asie et l'Afrique du sud, entre l'Asie et les Etats-Unis, vers l'Amérique du sud…).

CMA-CGM a également développé une offre de conteneurs pour voiture, augmenté son parc d'écos-conteneurs (conteneurs en plancher en bambou pour économiser les bois rares), développé son offre ferroviaire (partenariat avec Véolia, lancement d'une nouvelle « marque » CMA-Rail, extension des désertes de la compagnie de transport de conteneurs ferroviaires Rail Link, filiale de CMA-CGM…)…

Récemment, la compagnie a restructuré son offre de façon spectaculaire sur l'axe Est-Ouest (Asie-Europe). En plaçant sur cette ligne un nouveau bateau, CMA-CGM se paie le luxe de faire ralentir ses navires (pour son offre de transport FAL3), pour une durée de rotation qui passe de 56 à 63 jours, sans diminuer sa capacité de transport. A la clé des économies de carburants appréciables. Les chargeurs apprécieront-ils ? Certes le transport maritime constitue une faible part des coûts des marchandises, mais augmenter le temps de parcours fait nécessairement augmenter le stock flottant, et donc le capital immobilisé.
        Nicolas Sartini, Directeur Central Groupe Lignes Asie-Europe de CMA CGM , préfère mettre en avant que cette nouvelle organisation donnera aux « clients du Groupe CMA CGM une marge de réserve supplémentaire dans l'acheminement de leurs marchandises; un avantage considérable qui permettra notamment d'absorber les retards dus à la congestion des ports européens ». Mmouai…Enfin, ce n'est pas parce que le voyage est plus long que la congestion portuaire disparaîtra à l'arrivé… Même si on peut imaginer que des entreprises trouvent un intérêt à certain moment de l'année de  ralentir leur cargaison, à d'autre moment ce ne sera-t-il pas l'inverse ? En tout, la compagnie a promis une compensation financière…

Enfin, je voudrai conclure sur l'information la plus originale, qui confirme en quelques lignes le choix du site meretmarine de mettre sur le même plan les pétroliers et la route du rhum. En effet, l'année dernière, plus de 500 passagers ont effectué une croisière sur un porte conteneur ! Sur les navires récents, de 5 à 10 cabines sont réservés à des passagers, pour une « expérience unique au cœur des grandes routes commerciales du monde » (le prix n'est pas annoncé mais on peut obtenir des informations supplémentaires ici). La CMA-CGM (propos rapporté par meretmarine) se fait alors lyrique : « Ce type de voyage s'adresse aux amoureux de la mer, aux écrivains, artistes peintres, à ceux qui veulent s'évader du monde terrestre pour écrire une thèse ou pour faire le vide dans leur vie... ». Qui a dit que le transport de marchandise était une matière aride ?

P.S.: pour les intéressés, lire ce compte rendu d'une croisière en porte conteneur sur l'atlantique. L'équipage et le commandant étaient très sympa, mais ce ne doit pas être tout le temps le cas...


06/12/2007
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Les émissions des navires dans le collimateur de la commission

            D'après le Bulletin Transport&Environement de novembre 2007, lors d'un séminaire « How to Make the Sea Green » (17 octobre 2007), Morgens Peter Carl, directeur general de la direction environnement de la commission, a menacé de perdre patience aux sujets des émissions des navires. « Time is runnig out and we are running out of patience ». En cause les émissions polluantes des navires (principalement les oxydes d'azotes (NOx), le dioxyde de souffre et les particules), ainsi que les émissions des gaz à effet de serre.

            Les navires brûlent en effet du fioul lourd (la cargaison de l'Erika), qu'on recueille en bas des colonnes à distiller dans les raffineries, et que le transport maritime se procure à bon prix, vu que les énormes moteurs des bateaux sont quasiment les seuls à pouvoir l'utiliser. Autant dire tout de suite que ça pollue, et que peu d'effort ont été fait pour réduire les émissions de polluants (alors que dans l'automobile les progrès ont été très important). De plus la durée de vie des bateaux, de l'ordre de 30 ans, réduit énormément l'impact à court et moyen terme des avancées technologiques.

        En ce qui concerne le CO2, le protocole de Kyoto (1997) avait en effet prévu d'élaborer des actions pour réduire ces émissions, sous la responsabilité de l'IMO (International Maritime Organisation). Or, depuis 10 ans, « IMO has failed to come up with any concrete measures » selon MP Carl. Aussi la direction de l'environnement menace d'inclure le transport maritime dans le marché européen de permis d'émissions de CO2 (ETS : European Trading Scheme). D'après un responsable européen de ce programme interviewé par T&E, il serait envisagé d'inclure le transport maritime dans le mécanisme des permis d'émissions d'ici avril 2008. Ces déclarations font notamment suite à l'étude de l'Intertanko (International Association of Independant Tanker Owner), citée par le T&E d'octobre 2007, qui réévalue le volume de fioul utilisé par les bateaux de commerce, estimé entre 200 et 250 millions de tonnes par l'IMO, à au moins 350 millions de tonne. Ce qui reviendrait à un total d'émissions de CO2 de 1 200 millions de tonne[1], soit nettement plus que le transport aérien (« seulement » 600 millions de tonnes, mais dont une grosse partie en haute atmosphère, ce qui peut avoir un impact plus fort que des émissions de surface). Ainsi il semble logique que la commission s'attaque au transport maritime, alors que l'aérien est en ligne de mire depuis quelque temps déjà. On peut se demander toutefois l'intérêt de l'Intertanko dans cette histoire… Ces membres ont peut-être des bateaux plus modernes que les grosses compagnies (ça parait difficile à croire)?

 

        Reste que tout ceci pose un certain nombre de question. Comment obliger le transport maritime à payer des droits d'émission, alors que ce transport est notoirement peu réglementé et surtout sous contrôlé, en particulier dans les eaux internationales ? On peut douter de la validité juridique d'inclure le transport maritime international dans l'ETS. Pourquoi pas un salaire minimum pour les marins pendant qu'on y est ! On peut craindre que seuls les transport maritime intérieurs soient soumis à cette réglementation. Et dans ce cas, cela viendra singulièrement en porte à faux avec la volonté de la direction transport de la commission de développer le Transport Maritime Courte Distance, notamment avec les autoroutes de la mer…

        De plus, il parait quand même exagéré de dire que l'IMO ne fait rien. La réglementation MARPOL existe, par exemple (sur le site de T&E, un petit aperçu de la politique de l'IMO est disponible, ainsi que toutes les présentations de la conférence sur le « mer verte »…). Simplement, il est évident que de produire de accords internationaux prend du temps, ce qui peut rendre surannée les décisions prises, ainsi l'Intertanko, dans un communiqué de presse du 22 octobre, indique perfidement que « Sulphur levels in most fuels used today by ships average just 60% of the maximum permissible level in the IMO regulations », ce qui reduit fortement l'intérêt des réglements anti-soufre adopté par l'IMO…



[1] Le rapport provient du poids respectifs des éléments atomique : les hydrocarbures (chaîne d'un carbone plus un ou deux hydrogène) contiennent entre 80 à 90 % de carbone, et le CO2 contient 27% de carbone. Grosso modo la combustion transforme les hydrocarbures en CO2 et en eau (mais la combustion n'est jamais complète, les hydrocarbures ne sont jamais purs, d'où les polluants)


21/11/2007
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Inquiétudes sur la prise de poids des porte-conteneurs

            La dernière note de synthèse de l'ISEMAR (novembre 2007) est l'occasion de s'interroger sur l'avenir du porte-conteneurs, de plus en plus gros. On annonce maintenant des navires de 16000 EVP (l'«équivalent vingt pied » est une unité de mesure usuelle représentant l'équivalent d'un conteneur basique)! En effet, sur le marché actuel du transport, les navires sont de d'autant plus rentables qu'ils permettent de transporter d'EVP. Avec le même équipage, on peut en effet transporter plus de marchandise, et les frais de port et de franchissement des canaux augmentent moins vite que la capacité en EVP du navire. D'où, selon le mémoire de Ludovic Gérard (ATMA 2007), un gain net de 30 % sur le coût de transport d'un conteneur entre un 6500 EVP et un 115000 EVP. On peut comprendre que les armateurs se précipitent sur ces grands bateaux…

        Seulement, cette course au gigantisme génère quelques inquiétudes : Paul Tournet, dans cette dernière note de l'ISEMAR, insiste sur les problèmes de sécurité générés par les porte-conteneurs. Le principal avantage des conteneurs, sa facilité et rapidité de chargement/déchargement, est à double tranchant : ne manipulant pas directement la marchandise, le capitaine doit se fier aux indications et au travail du chargeur. Il en découle que 15% des conteneurs sont mal équilibré à l'intérieur, et que 18% présentent une surcharge de plus de 6 tonnes. De plus de la marchandise dangereuse peut se cacher dans des conteneurs non signalés… De tout ceci découle des pertes de conteneurs assez fréquentes (« entre 5 à 15000 par an »), notamment par gros temps. Ces conteneurs perdus peuvent contenir des marchandises dangereuses (celles ci sont censés être stockés dans des conteneurs accessibles en haut du navire, qui auront tendance à être emporté en premier), flotter et constituer ainsi des obstacles à la navigation…

        Certes, mais alors quel est le rapport avec la taille des navires? En fait, les portes conteneurs actuels ont tendance à grandir plutôt en hauteur et en largeur, le tirant d'eau ne pouvant pas être augmenté beaucoup (sinon rapidement des problèmes se posent, dans les ports, le canal de panama, voir le franchissement de la manche !). Ces navires auront donc une plus grande surface latérale de prise au vent, ce qui augmente les risques lors des tempêtes, et pourrait même constituer une menace sur l'intégrité des navires, les forces de flexion et de torsion étant considérable. Les nouveaux navires de 11000 EVP n'étant que des 6500 EVP adaptés, gardant la même architecture navale (voir à ce sujet un mémoire de l'ATMA par Ludovic Gérard "De 6500 à 11500   EVP sur un même concept, jusqu'où sera t'il possible d'aller?"), Paul Tourel s'inquiète sur la sécurité des navires eux même. Sur ce dernier point, il semble cependant difficile de croire que la sécurité de navires tout récents, si cher et à la durée de vie si longue (un porte-conteneurs s'amortit sur 30 ans) ait pu être négligé par les armateurs…

        Bref si les porte-conteneurs posent des problèmes de sécurité spécifiques, la note de synthèse de l'ISEMAR ne démontre pas vraiment de façon convaincante que la course au gigantisme (qui a probablement comme effet secondaire de rajeunir la flotte des navires longues distances) aggrave globalement la situation. Simplement les accidents seront individuellement plus graves, en raison principalement de la valeur du navire et de sa cargaison (plusieurs centaines de millions de dollars), et du fioul lourd transporté (environs 15000 tonnes  au départ pour les 11500 pieds, l'équivalent d'un petit pétrolier !)

 

        Mais un autre inconvénient est imputé  aux gros porte-conteneurs : le temps d'escale dans les ports. Un chercheur allemand, Axel Schönknecht, a calculé que ces portes conteneurs restent beaucoup plus longtemps à quai (voir le Journal de la Marine Marchande du 27/04/07[1]). En effet, plus le bateau est large et haut, plus la grue du portique de déchargement aura de distance à parcourir et mettra de temps en moyenne à sortir une caisse du navire et à la mettre sur le quai. Or le nombre de portique est limité sur le quai (en raison de contraintes de poids et de résistance des matériaux, ils doivent être espacés de 80 m). Aussi le linéaire de quai est occupé nettement plus longtemps. Ce qui pénalise le taux de rotation du navire. Ainsi, le chercheur conclut, dans un pied de nez manifeste à la tendance actuelle, qu'il ne sert en général à rien de dépasser la taille de 9000 EVP (même s'il prévient que la notion de rentabilité d'un navire ne saurait se résumer à sa taille)! Même si, en l'absence des calculs précis du chercheur, on peut douter de l'argumentation (l'auteur indique que le temps supplémentaire passé en quai annule le gain de productivité des navires, or le pourcentage de temps passé dans les ports sur une rotation usuelle de 60 jour est faible, alors que les gains de productivité sont très forts), il n'en reste pas moins que cela pose une question intéressante : les opérations de déchargement sont ils facturés à la caisse ou au temps ? Comme il semble bien que la réponse soit "à la caisse" (je n'ai pas étudié précisément la question, la tarification des ports étant complexe), on peut raisonnablement penser que ces gros porte-conteneurs ne payent pas tous leurs coûts…Déjà ces nouveaux navires ont demandé la construction de nouvelles infrastructures, souvent en pleine mer… Ainsi les quais de Port 2000 au Havre sont ouverts sur la mer, ce qui évite ainsi aux navires d'emprunter l'écluse François Premier, limité en longueur et en largeur.

Reste que les enjeux économiques d'un port sont tels pour son hinterland, qu'il paraît difficile d'imaginer les ports révolutionner leur tarification de sitôt pour internaliser les surcoûts des gros porte-conteneurs…

Plus vraisemblablement, si dans un contexte d'explosion de la demande de transport maritime longue distance, ces gros porte-conteneurs devraient être rentabilisé sans trop de problème, un retournement de tendance pourrait leur être fatal (ils pourraient ainsi rejoindre les pétroliers géants de 550000 tpl des années 70 à la casse !), surtout si les armateurs n'ont pas tous pris en compte dans leurs calculs économiques. On ne peut que penser qu'à augmenter si vite la taille des navires (le record était de 8500EVP en 2003 !), sans attendre de retours d'expérience significatifs, les acteurs du secteur ont fait un pari risqué.




[1] Merci Julien !


 


09/11/2007
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La montée des prix du transport maritime

 

        Alors que se termine le Grenelle de l'environnement, sur un bilan plutôt positif des commentateurs, même de la part de certains adversaires de la législature actuelle (notamment Segolène Royal à la radio ce matin), le Figaro Economie du 25 octobre (après notamment l'Expansion du 7/09) s'interroge sur ce qui paraît comme un retournement de tendance : les prix mondiaux du fret maritime augmentent très sensiblement depuis le début de l'année, alors que depuis des décennies le prix du transport maritime avait tendance à baisser. Il s'agit ici plus particulièrement du transport en vrac (des marchandises géneralement granuleuses entreposées au fond d'un cargo), dont l'indice de prix de référence, le Baltic Dry Index (côté à Londres par la Baltic Exchange et qui est basé sur le prix du fret sur 24 routes commerciales dans le monde), a connu une montée impressionnante cette année (4200 points début février et 10994 points le 26 octobre). Cette hausse, d'autant plus importante qu'elle se rajoute à la hausse du prix des matières premières, énergétiques ou agricoles, est causée par une hausse de la demande mondiale (la Chine est bien sûr citée comme le principal « responsable »), à laquelle n'ont pu faire face des transporteurs et des chantiers navals ayant plutôt tendance à délaisser les bons vieux cargos pour les nouveaux porte-conteneurs et les navires vraquiers de haute technologie, comme les méthaniers (transport de gaz liquide à très basse température). D'où une pénurie, qui selon le figaro, pourrait par contrecoup toucher le transport par porte conteneur, certains chargeurs commençant à se rabattre sur les conteneurs (plus chers) pour transporter des matières agricoles ou énergétiques !


        Quelles seront les conséquences de cette hausse? Une hausse de la construction des cargos par les chantiers navaux des pays émergents (notamment ceux du coréen Hyundai) devrait pouvoir rétablir l'équilibre d'ici quelques années, à condition que les ports puissent absorber la hausse de trafic, ce qui ne sera peut-être pas possible partout. En France en raison tant de la faible compétitivité par rapport aux ports voisins (Anvers et Rotterdam au nord, La Spezia au sud), et des investissements réalisés ou prochainement réalisés tant au Havre (Port 2000) qu'à Marseille (Fos 2XL), il ne devrait pas y avoir de problème, mais les ports asiatiques ou océaniens pourraient approcher de la saturation, d'autant que les ports ont plutôt investi dans les installations pour les portes conteneurs.


       Peut on penser que cette hausse incitera les pays importateurs à diminuer leur dépendance à l'extérieur, ou du moins à essayer de dépendre de zones moins éloignées pour leur approvisionnement? Pour les matières agricoles, ce doit être possible, mais pour les matières énergétiques, la plupart des pays consommateurs n'ont pas vraiment le choix... Même une hausse généralisée du prix du transport risque d'avoir des effets limités , vu la faible part du prix du transport maritime dans le prix final de la plupart des produits. Il n'en reste pas moins que cela rappelle une phrase citée au cours du Grenelle : « Nous entrons dans un monde fini », disait Paul Valery il y a 50 ans...


26/10/2007
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