Cherbourg, à la croisée des chemins

Un article qui se voulait bref au départ (encore raté), pour signaler le très intéressant article de mer et marine, sur le port de Cherbourg, un port français plus connu pour son histoire militaire, mais qui a son importance en transport de marchandise (surtout pour le roulier). Dans un contexte de renouvellement de la concession du gestionnaire du port, les projets fleurissent.  Porteront-ils leurs fruits ?

               L'ouverture à la concurrence[1] génère parfois des surprises : la CCI de Cherbourg est ainsi candidate deux fois à sa propre succession, une fois avec LDA (Louis Dreyfus Armateur, un des grands du transport maritime européen, notamment sur le vrac et le roulier-voir article précédent), une fois toute seule. Ce serait bien la malchance si c'était le troisième larron, Veolia (associé aux Constructions Navales de Normandie) qui raflait la mise. En tout cas, il y a surement une belle partie de Texas Hold'em là-dessous...

 On peut ainsi s'interroger sur la volonté affichée de LDA de ne pas se positionner sur le roulier dans la région, toujours selon Mer et Marine « LDA a, d'ailleurs, confirmé son intention de ne pas se positionner sur ce segment. « C'est hors de question car nous ne voyons pas l'intérêt de rajouter des services supplémentaires, que ce soit à Cherbourg, à Caen ou à Saint-Malo ». LDA à la fois gestionnaire et opérateur sur le port, cela induirait certes un conflit d'intérêt singulier, mais alors que vient alors faire ici LDA ? L'opérateur, pas spécialement à ma connaissance un spécialiste, au contraire de Véolia, des concessions (mais il vrai que cela peut rapporter gros), est plutôt connu (mais à regarder leur flotte, c'est peut-être une erreur) pour le roulier.

La procédure d'appel d'offre tend aussi naturellement à faire émerger de nouveaux projets. Ainsi LDA présente à Mer et Marine son projet de grue flottante pour décharger en pleine mer[2], destiné à faire du port du havre un hub de transbordement régional du trafic de vrac. Voir à ce sujet le site de LDA (en anglais seulement, une vraie faute de goût pour une société française).

Aujourd'hui, le port du Cotentin est quasiment centré (90% du trafic en tonnage en 2007[3]) sur le trafic roulier (les ferries qui transportent des voitures et des camions, vers l'Irlande et l'Angleterre),  qui provient en grande majorité de l'ouest de l'Europe (Cherbourg est le grand port roulier le plus à l'ouest de la Manche). Les marchandises en vrac ou en conteneurs sont au contraire peu nombreuses, car Cherbourg est un « cul de sac » pas très bien desservi, avec un marché local faible, et peu d'industries (on peut citer la COGEMA, mais en tonnage, ça ne représente heureusement pas grand-chose).

Par contre, en raison des mêmes données géographiques (un port tout en haut d'une presqu'île), Cherbourg dispose de l'indéniable atout de n'imposer au navire voguant vers les grands ports du Benelux et de l'Allemagne qu'un détour minimal par rapport à la ligne droite. D'où l'idée d'en faire un hub de transbordement, avec des petits navires qui desserviraient les ports voisins (y compris celui du Havre, qui lui impose un détour important lui aux navires ?). Un genre d'exploitation courant pour le conteneur, mais moins à ma connaissance (très incomplète sur ce point) pour le vrac, ou les installations de déchargement sont, me semblent-ils, moins onéreuses (a contrario, il faut beaucoup de trafic pour rentabiliser un portique maritime de conteneurs). Au final, on vise 3 à 4 millions de tonnes de marchandises, ce qui n'est pas beaucoup dans l'absolu, mais multiplierait quand même le trafic actuel par 10…

      En pratique, il s'agit de décharger les capezise, de gros navires vraquiers (de 100 000 à 160 000 tpl, ils sont trop gros ou trop profonds pour passer par les canaux de Suez et de Panama), plutôt utilisés pour le minerais de fer et le charbon. Tout cela sans agrandir (dans un premier temps?) les quais (le quai des flamands avec ses 13 mètres de fond et ses 360 mètres de long, peu utilisé actuellement, doit être un peu limite), ce qui coûte très cher. Il est intéressant de noter que LDA voit un potentiel pour le charbon à Cherbourg, signe peut-être d'un regain d'intérêt en Europe pour cette énergie, en ces temps de pétrole cher.

Au final, il y a sans doute un peu d'esbroufe pour gagner le marché. Faire arrêter, même sans détour, des navires aussi gros (dont la journée d'immobilisation coûte très cher), pour décharger peu de marchandise, dans un lieu mal desservi par les modes massifiés (bien adaptés aux marchandises pondéreuses), et pour finalement recharger les marchandises sur d'autres bateaux… Tout cela semble audacieux économiquement (jugement au doigt mouillé, de quelqu'un qui n'a pas d'expérience du domaine). Reste que des idées nouvelles comme celle-ci, cela pourrait être utile pour redynamiser les ports secondaires français. Que des opérateurs privés soient près à investir (si j'ai bien compris ?) dans la manutention de ces même ports est aussi une très bonne nouvelle.

[1] les collectivités locales ont la responsabilité des ports "moyens", autres que les ports autonomes, mais délèguent la gestion pratique à des acteurs économiques, par le biais d'une concession

[2] sans doute en bénéficiant de l'abri de la rade artificielle de Cherbourg, la plus grande du monde

[3] Sachant que le roulier a tendance à être surestimé par ces chiffres, puisqu'on y incorpore aussi la tare (le poids à vide) des véhicules de transport



 


07/07/2008
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