Le transport maritime hésite encore entre Eole et Hélios

Le transport maritime a longtemps ignoré les enjeux environnementaux, mais depuis quelques années, il tend à se mettre à la page. Un petit retour sur les dernières innovations environnementales du transport maritime. 

Le transport maritime génère beaucoup de nuisances environnementales, mais deux ont particulièrement attiré l'attention des gouvernements et des ONG ces dernières années : les émissions de soufre et les émissions de CO2 (voir articles précédents). Pour le souffre, les autorités internationales ont semble-t-il décidé de prendre le taureau par les cornes. Bien sur, entre les décisions et la mise en pratique, il y aura surement du temps, mais on peut raisonnablement considérer que le problème sera réglé à terme, car ici la solution technique existe, même si elle est onéreuse : utiliser des carburants dé-soufrés. Pour le CO2,comme on l'aura répété souvent sur ce blog, par contre il n'y a pas de miracle à attendre à court terme, mais une multitude de petites solutions techniques, dont bon nombre sont en cours d'adoption (qu'on se rassure, pas pour des raisons environnementales, mais pour des raisons économiques)[1]. On peut citer le renouvellement de la flotte avec des moteurs plus performants et des navires plus gros (du coup, l'effet de « frottement » ralentissant le navire, qui augmente avec la surface, est atténué, par rapport à la charge du navire, qui croît avec le volume), l'optimisation des routes commerciales des navires (les commandants  tiennent maintenant souvent compte des courants maritimes pour déterminer leur route), la réduction de la vitesse des navires…

Il y a également des solutions plus spectaculaires, dont je vais présenter brièvement deux ici. En outre,  petit retour sur le cargo à voile. J'avais déjà parlé de SkySail. L'aventure a l'air de bien continuer, avec un deuxième système en test sur un navire. Ainsi la compagnie allemande Wessels semble très intéressée et  teste le système sur son navire le MICHAEL A., et a commandé trois autres systèmes à SkySail.

Tout d'abord, la turbo voile[2], qui revient apparemment à la mode (cette énergie a déjà été utilisé par la passé, notamment par l'Alcyon du commandant Cousteau). Le principe : utiliser l'effet Magnus généré par l'action du vent sur de grands cylindres (25 mètres de haut, ce qui pourrait éventuellement poser problèmes dans certains petits ports dans lesquels ce navire risque d'opérer ?) en rotation pour pousser le navire. Un nouveau navire, l'E-Ship, (conçu par un industriel de l'éolien, Enercon) vient de sortir des chantiers. L'inconvénient, ici, c'est qu'il s'agit d'une conception d'un navire nouveaux (on ne doit pas pouvoir adapter la technique à des navires anciens), ce qui risque de freiner la propagation de cette technique, si elle se révélait intéressante (certes, à l'époque, le carburant était moins cher, mais la technique a déjà été utilisée deux fois sans lendemain, ce qui invite à la prudence).   Il faut que le vent souffle de côté pour pousser le navire, et cela pourrait générer une économie « de 30 à 50 % » de carburant, selon les initiateurs du projet. Le navire est plutôt de « petites » dimensions (10 500 tpl, une sorte de petit handysize), mais on ne sait pas encore qui va l'acheter, et l'exploiter (or cette question est cruciale pour l'avenir économique de cette innovation).

Ensuite, les panneaux solaires sur les navires. Le japonais NYK, un des très grands du transport maritime, va tester l'emploi de panneaux solaires sur un de ses navires rouliers (je n'ai pas réussi à retrouver le communiqué initial, mais on peut lire en français le compte rendu d'Enerzine). Le but : tester la technologie (notamment la résistance des panneaux solaires dans un milieu ultra agressif pour les composants électroniques, humide et salé), et produire 40 KW avec  328 panneaux solaires[3], soit 6.5% de la consommation d'électricité d'un navire (normalement produite par le moteur au fioul d'un navire). On devrait donc en attendre une baisse de la consommation du navire, même si en l'état de l'expérience, elle devrait rester anecdotique[4]. La compagnie annonce également des objectifs très ambitieux et très rapprochés (2010 !), avec des porte-conteneurs qui dépenseraient à cette date 30% de carburant en moins.

A noter également que NYK développe, entre autres innovations , des éoliennes pour navires, qui devraient pouvoir développer jusqu'à 30 KW de courant (avec une turbine de 4 mètres de diamètre sur 4,5 mètres de haut, l'éolien est nettement moins gourmand en surface…), ou encore un navire (de plaisance) propulsé  par la seule force des vagues.

Bref, encore une fois des innovations très intéressantes, à suivre. Pour autant il faut bien garder en tête que le succès n'est pas assuré, De nombreux défis, notamment économiques, les attendent, et le gain global à moyen terme restera modeste, même en cas de réussite. Mais le monde du transport maritime semble avoir pris pleinement conscience des enjeux environnementaux, et ça, c'est plutôt de bon augure.

[1]Ça n'empêche pas les compagnies de faire "comme si" : ainsi NYK, comme d'autres compagnies précédemment, a réduit la vitesse de certains services pour économiser du carburant, en ayant le génie de la baptiser l' »environment-friendly service concept ».

[2] Merci à toi, Julien pour me l'avoir signalé

[3]Le rapport me semblait faible, mais après vérification, le solaire c'est entre 100 et 150 Wh par m2

[4] Le blog des énergies nouvelles, comme d'autres sources, annonce le chiffre de 2%, soit 20 tonnes par an. Cela me semble beaucoup, cela signifierait qu'un tiers du carburant est utilisé pour créer de l'électricité pour le fonctionnement du navire ?! Le tout pour 1.4 millions de dollar. Pour l'instant, ça risque de coûter cher la tonne de carbone évitée, mais on est ici encore au stade expérimental.

 

 



02/09/2008
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 20 autres membres