La difficile réglementation du transport maritime

Réglementer le transport maritime, c'est une sorte de Quête du Graal que de nombreux législateurs ont poursuivi, mais ont rarement accompli. Pas évident de réglementer des navires qui travaillent la plupart du temps hors des eaux territoriales des Etats. Mais les choses sont peut-être en train de changer en partie.

 

Apparemment c'est un coup de tonnerre pour une organisation qui n'est pas très rapide à prendre des décisions (selon l'UE en tout cas, voir article précédent). D'après le lloyd (voir le site de l'IMO pour plus de détails) à la plus grande stupéfaction des participants eux même, le comité de « protection de l'environnement marin » de l'IMO a adopté à l'unanimité un rapport  prônant la réduction de la teneur maximale autorisée en soufre (qui est accusé de causer des atteintes à la santé, voir article précédent) des carburants. Cette teneur maximale (4.5% actuellement) serait limitée à, respectivement, 3.5% et 0.5% en 2012 et 2020, et à 1% et 0.1% en 2010 et 2015 dans les SECA « Sulphur Emission Control Areas », en gros des zones  protégées (qui peuvent aller jusqu'à 200 milles des côtes)! On le voit la réduction est très sévère. Ces modifications pourraient être intégrées dans le protocole Marpol Annexe 6 dès octobre 2008. Conclusion, selon le lloyd, dans un peu plus de 10 ans, la majorité des navires marchands circulant devrait fonctionner avec un carburant distillé (plus cher), ou alors devrait être équipés d'un mécanisme de récupération des effluents soufrés, ce qui constitue une amélioration étonnamment rapide (la durée de vie des bateaux est longue). Par contre le concept des micro-seca (des zones seca plus petites, mais plus faciles à instaurer et à contrôler), défendu par les grands armateurs (réunis dans le BIMCO) qui voulaient pouvoir continuer à utiliser le fioul lourd sur certains trajets, a apparemment été écarté. Pour l'instant, il n'y a que deux SECA (en Europe du nord et en Baltique), mais leur nombre va sans doute augmenter.

Même si l'agrément n'est pas encore signé et appliqué, cela ressemble à un succès qui tranche avec les déboires récents de l'Union Européenne, qui vient d'échouer à instaurer une législation plus contraignante en matière de sécurité. Selon l'article d'Euractiv, « A la déception de l'exécutif européen, ni les propositions portant sur les obligations de l'Etat du pavillon, ni la responsabilité civile des propriétaires de navires ont reçu suffisamment de soutien des Etats membres. Ces derniers souhaitent conserver un degré élevé de discrétion sur ces questions et insistent sur le fait que l'Organisation maritime internationales est le lieu adapté pour ce faire. ».

Et cela est assez compréhensible, quand on voit la concurrence entre Etats pour immatriculer les bateaux (ça rapporte des recettes fiscales). Vu qu'un navire par définition voyage, on peut l'immatriculer n'importe où. Globalement les grand pays maritimes sont concurrencés, à des degrés divers (la France a peu de navires immatriculés chez elle, alors qu'en Grèce, il y en a encore beaucoup) par les pavillons de petits pays qui bénéficient d'une législation sociale et d'une fiscalité plus avantageuses. C'est ce qu'on appelle des pavillons de complaisance.  En général les compagnies maritimes immatriculent leurs navires au sein de plusieurs pavillons, pour répartir les risques ou pour des raisons sociales. Mais la situation est devenue plus complexe, avec l'introduction de pavillons « low-cost » par des grand pays, par exemple le RIF (Registre International Français). Introduit en 2006, mais classé « pavillon de complaisance » à l'instigation des syndicats, ce pavillon a échoué, pour des raisons largement conjoncturelles selon Mer et Marine, à profiter des nombreux achats de bateaux par les compagnies maritimes françaises (notamment bien sur la CMA-CGM).

 

Bref, à première vue, dans un milieu si internationalisé, les décisions prises à l'IMO semblent avoir plus de chance de succès que les décisions nationales ou régionales. Mais cette vision est peut-être largement conjoncturelle. N'est ce pas pour éviter de perdre son influence que l'IMO s'est décidée à réagir ?



08/04/2008
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