Les ports français à un tournant

          

Le début d'année est l'occasion pour les 7 ports autonomes français (Le Havre, Marseille, Dunkerque, Nantes/St-Nazaire, Bordeaux, Rouen, et La Rochelle) de faire le bilan. Le résultat d'ensemble est plutôt mitigé : si certains ports battent des record (ce qui n'est toutefois pas si extraordinaire dans un contexte de hausse générale du trafic), comme Le Havre ou Dunkerque, d'autres perdent du terrain. Ainsi Rouen a manutentionné 1 millions de tonne en moins en 2007 qu'en 2006, soit une baisse de 4,6%, largement du à la baisse conjoncturelle des hydrocarbures, que n'arrive pas à compenser la hausse du trafic de conteneurs fluviaux (+40% !).Pour Marseille, le premier port français (grâce aux hydrocarbures) en poids de marchandise, les chiffres ne sont pas encore définitifs, mais la correction est sévère, et fait passer le port sous la barre symbolique des 100 millions de tonnes. Les vracs liquides et solides sont à la baisse, même si la croissance de l'activité conteneur à Fos est importante (+11%).Bordeaux, Nantes/St-Nazaire, quant à eux, restent plutôt stable.

Le Havre signe la meilleure performance française, avec presque 80 millions de tonnes de marchandise transportée (soit une hausse de plus de 6%), et un bond de 25% de l'activité conteneur, un bon signe alors que Port 2000 rentre progressivement en fonction. Ces chiffres sont comparables (en progression) avec ceux des principaux grands ports européens. Rotterdam a vu son trafic augmenter de 6,74% en 2007 (400 millions de tonnes !), pour une hausse des conteneurs de 12%. Anvers a vu son trafic général augmenter de 8% (180 millions de tonnes) en 2007, pour une hausse du trafic de conteneur de 16%. Quant à Hambourg, il semble qu'il n'ait pas encore mis à jour son site Internet…

Pourquoi comparer port français et ports étrangers ? Justement parce que cette comparaison était le principal argument du rapport Gressier, sur la compétitivité des ports français (d'après le compte rendu dévoilé par les échos en décembre, le texte du rapport, publié en juillet dernier, n'ayant pas été publié, ce que je trouve personnellement dommage) : « Selon le rapport Gressier, le trafic des ports autonomes français n'a progressé que de 24% de 1989 à 2006 soit 2,5 fois moins vite que les ports européens (+60%) ». D'où une perte économique, comme écologique (des marchandises destinées à la France vont  être débarquées à l'étranger puis acheminées en France, la plupart du temps en camion).

Pour remédier à cette situation, le rapport Gressier préconisait, entre autre, de revoir l'organisation portuaire. Aujourd'hui les autorités portuaires (ou, plutôt, comme nous l'avouait un ancien président du port de Marseille, les syndicats) contrôlent une grande partie de la manutention. Si les dockers sont, depuis 1992, sous l'autorité des sociétés de manutention, les grutiers restent sous l'autorité du port autonome. Cela gène les opérateurs portuaires, qui sont appelés à investir dans des infrastructures très coûteuses (notamment les portiques pour les portes conteneurs), dont ils ne maîtrisent pas l'utilisation, vu que les personnels qui les utilisent ne sont pas sous leur autorité. Ainsi, à Marseille l'extension du port de conteneur de Fos, dont FOS 2XL est la première phase, est financée en partie par Dubaï Ports World.

Plus globalement, c'est bien la mainmise syndicale sur certains ports, qui a comme conséquence non seulement des salaires de cadres supérieurs pour des ouvriers spécialisés (ça, ça ne devrait pas changer, c'est le cas dans tous les pays dévelopés), un recrutement népotique (il faut être fils de grutier pour devenir grutier !), et, de façon beaucoup plus gênante d'un point de vue économique, des grèves à répétition, souvent pour des motifs assez accessoires (on se souvient des 18 jours de grève à Marseille l'année dernière, pour que l'équivalent d'un plein temps soit sous l'autorité du port du Marseille et non de GDF…), qui doit être définitivement remise en cause (la loi Le Driand de 1992 avait déjà mis en pratique ces principes, mais pour les seuls docker –voir la vidéo du JT de Massure pour les nostalgiques des 90's-). Un bon article du monde résumait en 2006, la situation à Marseille.

   La nouvelle loi devrait être portée devant le parlement en avril prochain, après les municipales, et après « des consultations au niveau local et national », selon Les Echos de ce lundi 14 janvier. Néanmoins, François Fillon a paru assez offensif aujourd'hui à Marseille, et n'a pas essayé de cacher que les grandes lignes de la réforme étaient déjà arrêtées. On peut cependant parier que la période de transition pour le transfert des personnels sera longue. Et une loi ne peut pas à elle seule inverser le rapport de force dans les ports. Un contrat social qui garantirerait sur le long terme le maintien de revenus très élevés pour les personnels, contre une continuité du service portuaire, releverait pourtant de l'intérêt général.

J'ai trouvé la représentante de la CGT un peu sur la défensive sur ce dossier sur France Info, mais cela ne veut pas dire que la réaction syndicale sera conciliante. Voilà un dossier dont on a pas fini de parler. La réforme est passé pour les dockers, elle devrait finir par passer 15 ans après pour un millier de grutier. Mais l'année prochaine, les ports autonomes français ne battront peut-être pas tous leur record !



Maj : le rapport gressier est disponible ici

 



14/01/2008
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