Les émissions des navires dans le collimateur de la commission

            D'après le Bulletin Transport&Environement de novembre 2007, lors d'un séminaire « How to Make the Sea Green » (17 octobre 2007), Morgens Peter Carl, directeur general de la direction environnement de la commission, a menacé de perdre patience aux sujets des émissions des navires. « Time is runnig out and we are running out of patience ». En cause les émissions polluantes des navires (principalement les oxydes d'azotes (NOx), le dioxyde de souffre et les particules), ainsi que les émissions des gaz à effet de serre.

            Les navires brûlent en effet du fioul lourd (la cargaison de l'Erika), qu'on recueille en bas des colonnes à distiller dans les raffineries, et que le transport maritime se procure à bon prix, vu que les énormes moteurs des bateaux sont quasiment les seuls à pouvoir l'utiliser. Autant dire tout de suite que ça pollue, et que peu d'effort ont été fait pour réduire les émissions de polluants (alors que dans l'automobile les progrès ont été très important). De plus la durée de vie des bateaux, de l'ordre de 30 ans, réduit énormément l'impact à court et moyen terme des avancées technologiques.

        En ce qui concerne le CO2, le protocole de Kyoto (1997) avait en effet prévu d'élaborer des actions pour réduire ces émissions, sous la responsabilité de l'IMO (International Maritime Organisation). Or, depuis 10 ans, « IMO has failed to come up with any concrete measures » selon MP Carl. Aussi la direction de l'environnement menace d'inclure le transport maritime dans le marché européen de permis d'émissions de CO2 (ETS : European Trading Scheme). D'après un responsable européen de ce programme interviewé par T&E, il serait envisagé d'inclure le transport maritime dans le mécanisme des permis d'émissions d'ici avril 2008. Ces déclarations font notamment suite à l'étude de l'Intertanko (International Association of Independant Tanker Owner), citée par le T&E d'octobre 2007, qui réévalue le volume de fioul utilisé par les bateaux de commerce, estimé entre 200 et 250 millions de tonnes par l'IMO, à au moins 350 millions de tonne. Ce qui reviendrait à un total d'émissions de CO2 de 1 200 millions de tonne[1], soit nettement plus que le transport aérien (« seulement » 600 millions de tonnes, mais dont une grosse partie en haute atmosphère, ce qui peut avoir un impact plus fort que des émissions de surface). Ainsi il semble logique que la commission s'attaque au transport maritime, alors que l'aérien est en ligne de mire depuis quelque temps déjà. On peut se demander toutefois l'intérêt de l'Intertanko dans cette histoire… Ces membres ont peut-être des bateaux plus modernes que les grosses compagnies (ça parait difficile à croire)?

 

        Reste que tout ceci pose un certain nombre de question. Comment obliger le transport maritime à payer des droits d'émission, alors que ce transport est notoirement peu réglementé et surtout sous contrôlé, en particulier dans les eaux internationales ? On peut douter de la validité juridique d'inclure le transport maritime international dans l'ETS. Pourquoi pas un salaire minimum pour les marins pendant qu'on y est ! On peut craindre que seuls les transport maritime intérieurs soient soumis à cette réglementation. Et dans ce cas, cela viendra singulièrement en porte à faux avec la volonté de la direction transport de la commission de développer le Transport Maritime Courte Distance, notamment avec les autoroutes de la mer…

        De plus, il parait quand même exagéré de dire que l'IMO ne fait rien. La réglementation MARPOL existe, par exemple (sur le site de T&E, un petit aperçu de la politique de l'IMO est disponible, ainsi que toutes les présentations de la conférence sur le « mer verte »…). Simplement, il est évident que de produire de accords internationaux prend du temps, ce qui peut rendre surannée les décisions prises, ainsi l'Intertanko, dans un communiqué de presse du 22 octobre, indique perfidement que « Sulphur levels in most fuels used today by ships average just 60% of the maximum permissible level in the IMO regulations », ce qui reduit fortement l'intérêt des réglements anti-soufre adopté par l'IMO…



[1] Le rapport provient du poids respectifs des éléments atomique : les hydrocarbures (chaîne d'un carbone plus un ou deux hydrogène) contiennent entre 80 à 90 % de carbone, et le CO2 contient 27% de carbone. Grosso modo la combustion transforme les hydrocarbures en CO2 et en eau (mais la combustion n'est jamais complète, les hydrocarbures ne sont jamais purs, d'où les polluants)



21/11/2007
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