Le transport routier tenté par l'électrique

   Le camion, c'est un peu comme le coca, un produit phare, qui émet des bulles de CO2, mais dont l'abus peut dégrader la santé. C'est pourquoi on cherche à réduire ses effets. Mais émissions allégées, ou zéro émissions, le  choix n'est pas si simple…

On a beaucoup parlé ces dernières années des voitures hybrides, à l'électricité, au GPL (liste non exhaustive, loin de là, ici on ne traitera que de l'électrique). Si la technique n'est pas facilement transposable entre une voiture et un camion, vu les différences de gabarit et de puissance nécessaires, cela ne veut pas dire que la recherche ne produit rien. La problématique est toutefois très différente en interurbain et en ville. Cet été,  on a eu quelques nouvelles des nouveaux modèles de camions, grâce notamment à un article du figaro, qui m'a donné l'idée de ce billet.

 

Le 20 aout, Renault Trucks (attention, maintenant c'est une filiale de Volvo) a publié un communiqué sur ces nouveaux camions hybrides. Dans le cadre du pôle de compétitivité « Lyon Urban Truck & Bus »[1], 6 camions bennes hybrides vont être testés à Lyon. Elles disposeront d'un moteur hybride[2], qui se rechargera lors des décélérations et des freinages. Le choix ne s'est pas fait au hasard : les camions de ramassage d'ordures n'arrêtent pas de freiner, de s'arrêter et de repartir, et consomment donc énormément (la consommation d'un camion est encore plus sensible aux arrêts fréquents que celle d'une voiture, selon RT, elle peut varier d'un facteur 10 !), plus de 100 litres aux 100 km si ma mémoire est bonne.

L'occasion pour Renault Trucks de présenter à nouveau  l'ensemble de ses actions en faveur d'une optimisation de la consommation des camions. Globalement, si les progrès en matière d'émissions de polluants ont été spectaculaires ces dernières années, avec les normes EURO, dont l'action va continuer à peser dans la décennie à venir[3] (de nouvelles normes vont être introduites, les plus vieux camions vont progressivement être interdits…), la consommation des camions a peu évolué. D'où justement l'urgence de faire porter l'effort des constructeurs sur ce point particulier. La communication de RT (bien évidemment non impartiale) parle elle-même « d'avancés timides » depuis 10 ans : « Pourtant des solutions existent, les projets sont en cours, mais il n'y a pas à ce jour de véritable projet technologique pour le développement du camion de demain soutenu significativement par des efforts nationaux comme européens. »

  On peut gagner sur la consommation en optimisant la conduite des chauffeurs  (le programme de formation Optifuel Training) et son contrôle (Optifuel  Infomax, qui analyse la consommation d'un véhicule), mais les gains restent modérés, plutôt de l'ordre de 5 à 10%, bien qu'extrêmement intéressants. Avec le camion hybride (Renault Premium Distribution Hybrys Tech), on passe un palier, avec une économie attendue de 20 à 30%. Sans problème d'autonomie (mais sans doute avec un surpoids important, vu les deux batteries), il ne reste plus qu'à réussir le test pratique, et à voir si les tarifs proposés des futurs véhicules de série seront attractifs. Si ces véhicules sont réservé à des applications particulières, ce sera plus difficile, vu les faibles quantités de moteurs construits.

   A noter également dans la communication de Renault (cité au début du deuxième paragraphe), une analyse des émissions de CO2 suscité par la fabrication des véhicules, et une très intéressante enquête sur l'image du transport routier.

 

   Et un camion Zéro émission, entièrement électrique, pour livrer en ville ? Est-ce possible ? Diverses expériences ont déjà été lancées, mais leur portée doit être nuancée. Le camion électrique, ça n'a décidément pas le même goût que le camion au gazole…

Certes, en ville, l'intérêt de l'électrique est tout de suite plus évident qu'en interurbain : le bruit (les livraisons se font souvent tôt le matin…) et la pollution locale y sont nettement plus ressenties. La pression sociale et politique contre le camion y est aussi plus forte. Mais d'autres facteurs jouent contre les solutions innovantes.

Pour la culture générale, on peut d'abord relever qu'au début de l'automobile, la voie électrique a été sérieusement développée, avant que les carburants fossiles ne s'imposent. Ainsi cet exemple de camions électriques, par leblogauto. Aujourd'hui, le site EDF recense plusieurs expériences à petite échelle, en général avec de petits véhicules. Plusieurs petits constructeurs[4] vendent des quadriporteurs ou triporteurs électriques pouvant être utilisés pour du transport marchandises, mais néanmoins plus adaptés pour une utilisation par des services techniques de municipalités, par exemple. Les véhicules goupils par exemple se conduisent sans permis, ne dépassent pas 25 kmh,  ont une autonomie limitée (entre 60 et 80 km selon le modèle), et une capacité de chargement de 600 à 700 kilos. Cela semble peu, mais c'est déjà nettement plus que les cargocycles et les triporteurs de la petite reine (une société très médiatisée de transport de marchandise en vélos électrique, qui connait un certain succès), qui transportent eux de 80 à 160 kg aux maximum (l'entreprise la petite reine utilise d'ailleurs des goupils pour ses frets les plus volumineux).

   Bref, pour le transport de marchandise, c'est encore très contraignant (l'envoi moyen fait plutôt de l'ordre de 10 tonnes), mais pour des marchandises légères, c'est déjà intéressant pour une entreprise désirant mettre en avant sa démarche « citoyenne », et qui doit livrer des marchandises dans une zone urbaine pas trop grande (mais ça lui impose d'avoir une « base » au centre ville, ce qui n'est pas gratuit).

   Parmi les écueils que doit affronter ce type de véhicule, on peut retenir le poids de la batterie et les contraintes légales de circulation. Un goupil transporte ainsi 250 à 350 kg de batterie, soit parfois l'équivalent de plus de 50% du poids des marchandises transportées. Ce poids, et la relative faible puissance développée par un moteur électrique impose de concevoir un véhicule léger, qui risque alors de ne pas respecter les impératifs de sécurité routière, notamment en matière de résistance aux chocs (il faut savoir que l'amélioration de la sécurité des véhicules ces dernières années a eu pour corolaire l'augmentation de leur poids). Un exemple, avec le véhicule canadien Némo, qui lutte pour être autorisé par les pouvoirs publics canadiens. C'est pourquoi la vitesse de ces véhicules doit être limitée (en centre-ville, cela ne cause toutefois pas de difficultés d'exploitation insurmontables).

 

   Bref, si pour la plupart des déplacements, l'hybride semble être  plus compatible avec les contraintes des transporteurs, il existe sans doute un marché de niche en ville pour des véhicules tout électriques. A condition peut-être que les grands noms du secteur s'intéressent à ce marché, et que bien sûr les batteries continuent d'être améliorées. La technique finira bien par marcher. Mais il faut ici relever un problème peut-être plus crucial à moyen terme, qui concerne toutes les solutions innovantes de transport urbain : le transport urbain, c'est en général là que finissent les vieux camions, pas assez efficaces et fiables pour le transport à longue distance, mais beaucoup moins chers à l'achat. Les acteurs économiques (souvent des micro-entreprises, dont le respect de la législation sociale est aléatoire, vu l'absence de salariés, auxquels les grands du transport sous-traitent leur fret) du transport routier urbain ont-ils vraiment les moyens de renouveler leur flotte avec des véhicules neufs ? Dans l'état actuel des choses, la réponse risque d'être non. En l'occurrence, les solutions innovantes ne sont-elles pas condamnées à demeurer encore pour longtemps le seul apanage des collectivités locales ?



[1] Un pôle de compétitivité axé sur le développement de véhicules de transport plus performant au niveau environnemental, notamment pour le transport des marchandises en ville, qui fait partie des 39 pôles qui ont plutôt bien réussi, selon l'évaluation récemment commandée par le gouvernement.

[2] En fait le camion dispose de deux moteurs, un classique et un électrique, qui fonctionnent alternativement ou en parallèle. Ici le moteur électrique fonctionnera jusqu'à 20 kmh.

[3] Il faut quand même noter qu'on arrive à un palier technologique, et que les émissions de certains polluants ne peuvent être réduit qu'au prix d'une augmentation de la consommation générale et donc des émissions de CO2. D'où le débat actuel sur les NOx.

[4] Notamment Xebra, Nemo et Goupil, cette dernière affaire étant déjà très rentable, avec  8.5 millions d'euros de chiffre d'affaire en 2007, pour un demi millions d'euros de bénéfice (source  infogreffe). Pas mal pour un société créee en 2006 !



25/08/2008
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