Les biocarburants anti-écologiques?

C'est le débat du moment. La politique choisie par la commission européenne de développement des biocarburants (qui devront représenter 10% du carburant utilisé en 2020) se heurte à une coalition de mécontents, allant des associations de protection de l'environnement (voir leur appel à l'UE) au lobby des industriels du cacao. L'association européenne Transport&environnement fustige l' « impasse » où conduit cette politique. Ces critiques se nourrissent du rapport du EU's Joint Research Council (JRC), « Biofuels in the European Context » (pas encore publié, ce qui est dommage, vu que tout ce qu'on en entend sur Internet est filtré par les opposants aux biocarburants), ou du rapport de la chambre des communes anglaises (à vue de nez, les parlementaires anglais ont fait du bon boulot, en rendant une copie assez succincte de surcroît !).

Que reproche t'on aux biocarburants, pourtant censés être écologiques (et longtemps défendus par les associations il me semble) ?

-L'effet sur la réduction des effets de serres n'est pas prouvé (c'est le point le plus sensible). Notamment cela dépend beaucoup du type de biocarburant utilisé (selon le rapport de la chambre des communes -voir graphique page 14-, l'impact total varie de 1 à 10 !)

-Les biocarburants n'auront pas d'effet sur l'emploi car les emplois crées compenseront les pertes d'emploi dans l'industrie pétrolière (là, a priori, je suis sceptique)

-Les effets socio-économiques induits, notamment l'augmentation des prix des matières agricoles (en même temps, en Europe, on ne manque pas de terre agricole) dans les pays en voie de développement. Les ONG demandent que "The EU must guarantee that human rights are protected, that all workers enjoy decent work, that cultivation does not adversely impact on local communities or indigenous peoples, that smallholders are treated fairly and transparently, and that the right to food is ensured", pour éventuellement accepter les bio-carburants. Comme si l'UE pouvait faire en claquant des doigts que tout aille bien dans un pays pauvre. C'est justement en nous vendant des choses que beaucoup de pays pauvres se sont développés ces trente dernières années, au point de nous rattraper pour certains.

      Les organisations sont même prêtes à se satisfaire du modeste objectif de la commission de réduire de 10% d'ici 2020 les seules émissions de gaz à effet de serre dues à la seule production d'essence! Ainsi le directeur de T&E, Jos Dings l'affirme sans rire: "There is no environmental reason for maintaining these obsolete biofuel commitments when the Commission already has a sensible plan to cut emissions from all transport fuel production" On a connu des ecologistes plus offensifs…Un dernier chef d'œuvre de mauvaise foi pour la route : « We have serious concerns that EU Member States will be prevented from introducing stronger criteria at a national level and that other national / international schemes will be accepted already if they meet only some of the criteria listed in this Directive." En gros, surtout pas de législation commune contraignante, cela pourrait dissuader des états masochistes d'aller plus loin

      Andris Piebalg, membre de la Commission européenne chargé de l'énergie, a répondu à ces objections, en défendant le principe de la mise en œuvre massive des biocarburants, qui permettra l'essor industriel des biocarburants de deuxième générations, mais en concédant que leur mise en œuvre devrait être mieux contrôlée. Un prochaine directive devrait veiller à ce que soit favorisé « uniquement les biocarburants durables, c'est-à-dire ceux qui peuvent garantir une réduction importante des émissions de CO2 par rapport à celles qui découleraient de l'utilisation de pétrole. ». De plus, elle instituera un «  régime de viabilité environnementale solide qui empêchera non seulement des changements néfastes dans l'affectation des sols ».

      Je ne connais pas assez le dossier, mais j'ai le sentiment que les ONG ont raison globalement. Les biocarburants n'ont pour l'instant pas un très bon bilan écologique. Cependant cette affaire est assez symptomatique des difficultés des organisations écologiques à accepter la transition de méthodes artisanales (un cultivateur roule à l'huile de tournesol, tout le monde applaudit) à une solution globale, qui a forcément ses inconvénients globaux, ses dégâts collatéraux, mais, qui, elle, est généralisable.

De plus, il ne faut pas forcément s'arrêter à la première difficulté. Car au fond, les premiers panneaux solaires necessitaient plus d'énergie pour leur fabrication, qu'ils n'en produisaient au cours de leur cycle de vie. Heureusement pour l'industrie naissante, ils ont été achetés et subventionnés. Le seuil de 10% est sûrement contestable, mais pour une fois que l'objectif politique est réellement ambitieux…



29/01/2008
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