Un nouveau shérif pour le monde impitoyable du rail
L'actualité est décidément fournie concernant le ferroviaire : un projet de loi « organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés » vient d'être validé en conseil des ministres. J'ai réalisé cet article à partir de l'exposé des motifs, le texte complet est disponible sur le site du sénat. Mesure phare : la création d'une nouvelle agence de régulation.
Le texte s'inscrit dans un contexte de prochaine ouverture à la concurrence du transport de passager à l'international (avec possibilités limitées[1] de cabotage), et notamment l'annonce de l'alliance Veolia-Air France, qui va aller chatouiller
En effet, les opérateurs privés de fret ferroviaire, s'ils devraient représenter 10% du trafic fret à la fin de l'année (selon certains observateurs), ce qui serait une grande performance, ne sont pas encore rentables. Cela n'a rien d'étonnant vu les investissements initiaux nécessaires, mais celai conduit quand même à des résultats négatifs impressionnants. Euro Cargo Rail, le leader privé, en deux ans et 9 mois, a accumulé 33 millions d'euros de pertes, pour 28 millions d'euros de chiffre d'affaire. Certes, il y a
Mais revenons au sujet. Chose promise, chose due, pour clarifier le fonctionnement du monde ferroviaire français, et le détacher un peu de la tutelle de
Donc, à part le premier point (et à condition que son avis ait une certaine force), l'agence aura surtout un rôle de conseil. Les sillons continueront d'être attribués par RFF (que certains disent capturé par
Mais la loi ne se limite pas à cette nouvelle agence. Il s'agit aussi de clarifier la situation contractuelle, ce qui pourrait permettre d'ouvrir certains marchés (en théorie, pas sur qu'en pratique beaucoup de monde veuille se lancer là-dedans) à la concurrence, notamment pour la maintenance : le projet « permet à RFF de confier, par convention, à toute personne, des missions de gestion du trafic et des circulations, de fonctionnement et d'entretien des installations, sur des lignes à faible trafic réservées au transport de marchandises. Cette disposition facilite la mise en place d'opérateurs ferroviaires de proximité qui pourraient, dans un objectif d'optimisation des moyens techniques et humains, se voir confier par RFF des missions de gestion de l'infrastructure sur des lignes pour lesquelles ils assureraient également des services de fret. ».
Pour une nouvelle société, faire à la fois de l'entretien et du transport doit être difficile, ce sont deux métiers très techniques et complètement différents. Mais on retrouve ici les opérateurs ferroviaires de proximité, dont je vous avais parlé il y a un peu moins d'un an. Depuis, il faut reconnaitre que pas grand chose à ma connaissance (bien partielle) ne s'est passé sur le terrain. Le lancement d'une société commerciale en région Centre et les premiers trains qui vont avec ont été annoncés courant 2008, puis début 2009 (d'après l'officiel des transporteurs de début septembre).
C'est un avis assez personnel, mais je ne suis plus entièrement convaincu que les OFP se feront sous peu. D'une part, parce que Fret SNCF devrait apparemment rester le tractionnaire (pour des raisons politiques ?), ce qui limite l'intérêt de l'opération (les OFP, c'était justement pour monter de petites structures, avec une organisation du travail plus souple et plus adaptée au marché local, comme ce qui peut exister en Amérique du nord ou en Allemagne). Et, d'autre part, Euro Cargo Rail, en remportant l'année dernière un contrat de transport de céréale dans la région Centre, contrat difficile techniquement[4], que l'opérateur historique avait abandonné, a peut-être (je n'ai pas d'informations récentes) coupé en partie l'herbe sous le pied de l'OFP (au moins celui de la région Centre)…
Sinon, le prix des sillons devrait être fixé en fonction du consentement à payer de l'entreprise ferroviaire[5] (autrement dit, les lignes rentables seront sur-taxées, mais ça, a priori, ça devrait plutôt concerner le TGV, on n'échappera pas à une hausse…).
Au final, pas évident de savoir si on assiste avec cette future loi à un tournant ou pas.
[1] « ceci comprend également la possibilité de prendre et de déposer des voyageurs dans des gares françaises situées sur le trajet d'un service international à condition que ces dessertes intérieures « de cabotage » présentent un caractère accessoire au regard de l'ensemble du trajet et qu'elles ne portent pas atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public »
[2] C'est peut-être important, mais honnêtement je n'ai pas compris…
[3] Depuis 11 ans que RFF existe, au niveau purement comptable, je ne pense pas qu'il y ait encore beaucoup de problème…
[4] Transport saisonnier, de gros volume d'un coup pendant une période assez courte, ce qui est assez dur à gérer au niveau du matériel et du personnel. Toutes ces informations m'ont été transmises oralement par un responsable d'une autre entreprise ferroviaire, et sont donc sujettes à caution.
[5] « le calcul des redevances d'utilisation du réseau ferré national tient compte, quand le marché s'y prête, de la valeur économique, pour l'attributaire du sillon, de l'utilisation de ce réseau »