La Deutsche Bahn au dessus de la mêlée

La vie du rail n'est pas un long fleuve tranquille. Mais il y a quand même une certaine constance. On peut même résumer les règles : la bataille du rail, ça se joue à beaucoup, et à la fin, c'est les allemands qui gagnent.

 

Les situations des grandes entreprises ferroviaires européennes sont contrastées. Alors que le suisse CFF Cargo affronte une fronde syndicale contre son plan de restructuration et semble s'enfoncer dans la crise (lire un bon résumé de la situation ici), ça va un peu mieux pour la SNCF, qui a un nouveaux patron Guillaume Pepy (connu pour être un bon négociateur auprès des syndicats, ce qui est à coup sûr indispensable pour la fonction qu'il occupe), et qui se permet le luxe de verser un dividende de 130 millions d'€ à l'Etat, grâce aux bénéfices de la branche voyageur et des nombreuses possessions de groupe SNCF. Par contre, Fret SNCF reste en difficulté. De plus, au contraire de la petite compagnie suisse, qui, à mon avis, a quand même du mérite (voir article précédent), le réseau international de la SNCF reste très faible (on parle cependant d'une alliance des grands groupes ferroviaires sur le wagon isolé, là où tout le monde perd de l'argent, le programme X-rail, mais je n'ai rien trouvé de très concret sur le web).

   Celle qui reste en tête, c'est la Deutsche Bahn. Impériale, elle vient d'obtenir l'aval de la commission européenne pour racheter Transfesa, une société espagnole qui fait du transport ferroviaire, mais qui possède aussi, comme toute entreprise ferroviaire qui se respecte, des entreprises de transport routier (j'avais consacré un article à la SNCF sur ce point, mais on pourrait aussi prendre l'exemple de la DB). La liste des possessions de Transfesa parait impressionnante (ils ont une filiale en France et en Suisse, par exemple), mais au final, l'activité reste limitée (un peu plus de 3 milliards de tonnes-kilomètre en 2006, 13 fois moins que FRET SNCF), et les implantations à l'étranger ne sont que des antennes commerciales (notamment en France et en Suisse). Voir à ce sujet le rapport annuel 2006 du groupe. Par contre Transfesa dispose de 1000 wagons à écartement variable, et pourrait venir prendre les troupes françaises en tenaille, comme au temps des guerres révolutionnaires.

   Mais il y a d'autre nouvelles intéressantes concernant la DB. La Deutsche Bahn, RZD (les chemins de fer russes), Transcontainer (présent au SITL), une filiale de la compagnie précédente, le polonais Polzug et Kombiverkerh ont vu leur accord de joint-venture approuvé début mars.  La société résultante, Trans-Eurasia logistics JV, va assurer le transport de conteneur de l'Allemagne jusqu'à la Russie. Il est ainsi prévu d'organiser des navettes régulières de trains entiers jusqu'à Moscou. Cet opérateur se veut un intégrateur, et proposera des solutions de pré et de post acheminement (pour le client, le service devient porte à porte, un camion vient chercher son conteneur), de traçabilité des conteneurs (pouvoir suivre son conteneur avec un GPS) et de règlement des formalités douanières (et en Russie, la douane n'est pas forcément une formalité). Cet accord de joint-venture pourrait bientôt s'élargir à la Chine, avec CRCTC, pour développer une offre commerciale transcontinentale (voir article précédent).

   Encore une dernière pour la route. La DB teste actuellement au Danemark des trains de plus de 835 mètres (plus de 2300 tonnes, l'équivalent d'une petite centaine de grands camions bien chargés), et étudie la possibilité de trains de 1000 mètres, en particulier pour la déserte des ports. En France, on est bloqué à 750 mètres. Le but, améliorer la productivité (mais aussi le rendement énergétique, plus un train est long, plus on minimise  le frottement à l'avant). Mais le défi n'est pas seulement dans le train lui même, il consiste surtout à s'adapter à l'infrastructure (qui elle, coûte très chère à adapter), et à respecter les procédures de sécurité. Pour l'instant ce type de train ne peut rouler qu'au Danemark. Après il faut le remplir ce train, et donc disposer d'un marché suffisant. Mais pour les ports qui accueillent des navires porte-conteneurs toujours plus gros qu'il faut décharger toujours plus vite, c'est intéressant.

 

   Bref la DB accroît son avance (et je ne vous parle pas de la collaboration renforcée avec le port de Rotterdam, les contacts avec les chemins de fer indiens…). La DB est non seulement très puissante financièrement, mais elle innove et prospecte les pays émergents. Non seulement elle est en train de se constituer un cartel ferroviaire européen, mais manifestement elle croit au fret ferroviaire. Bref, on n'arrive pas à la détester, on ne peut qu'être admiratif. Chapeau l'artiste !




19/03/2008
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