Le Sénat débat sur le transport ferroviaire


Le 12 décembre 2007 s'est tenu au Sénat un débat intéressant (dont le compte-rendu suivant est très incomplet) sur l'avenir du fret ferroviaire. Les sénateurs sont revenus, au cours de ce débat, à l'instigation de Daniel Rilgé, sur le prochain plan fret de la SNCF qui prévoit la suppression du traitement des wagons isolés dans 262 gares), le recul donc du traitement des wagons isolés, avec toutefois la création de trois « hub » (Paris, Lyon et Lorraine) pour diriger le trafic restant. Attention, comme l'a rappelé D. Bussereau, l'activité fret n'est pas supprimée dans ses gares, mais seulement le wagon isolé. De plus « parmi ces 262 points de desserte, à peu près un tiers n'avaient traité aucun wagon isolé depuis longtemps et la moitié en géraient entre zéro et un par mois »

On peut déjà remarquer que les sénateurs maîtrisent leur sujet, autant que je peux en juger, et que les sénateurs ne se perdent pas en joutes politiciennes vaines. Les propos sont ainsi modérés, ce qui ne les empêche pas d'être parfois assez incisifs. Les grands problèmes du fret ferroviaire, manque de sillon, en particulier à cause de l'inflation des TER, faible compétitivité de la SNCF (de l'ordre de 25% selon Francis Grignon), géographie peu propice à la massification des flux comme en Allemagne, évolutions industrielles et logistiques, rôle des opérateurs ferroviaires de proximités (voir article précédent), ect, ont tous été abordés. Globalement, la réorganisation de la SNCF, trois ans après le plan Véron, qui a réduit le déficit (sans pour autant rendre l'entreprise bénéficiaire) au prix d'une dégringolade du fret transporté, fait craindre une nouvelle hémorragie du transport ferroviaire de fret français.

Pourtant tout n'est pas si noir, le trafic a légèrement augmenté en 2006, et certaines lignes pourraient revenir au fret après la mise en service des nouveaux TGV (notamment sur l'axe Rhin-Rhône).Selon le secrétaire d'état, Dominique Bussereau, la SNCF fait des progrès sur le fret, ainsi, après la dernière grève « la SCNF a accompli cette fois d'importants efforts pour relancer le trafic de fret dès le retour au travail de ses agents : alors que, d'habitude, les trains restaient « calés » dans les triages pendant une dizaine ou une quinzaine de jours, l'entreprise a remis à quai tous les trains de fret en trois jours environ ». Mais « le trafic de wagons isolés représentait seulement 2,5 % des wagons chargés acheminés et 80 % des pertes d'exploitation de la branche fret », ce que la SNCF ne pouvait plus supporter. D. Busserau reconnaît toutefois un déficit de communication de la SNCF envers les élus concernés (et on pourrait rajouter : ses clients !)

Pour améliorer la situation, le gouvernement mise actuellement sur les opérateurs privés, et sur l'émulation procurée sur l'entreprise destinée à rester dominante, la SNCF. Ainsi pour faciliter l'installation des nouveaux entrants, D. Bussereau « souhaite que nous allions plus loin et qu'il soit possible de reconnaître directement l'autorisation délivrée par un autre pays européen dans des cas simples comme celui des wagons. ». De même il souhaite élargir le panel des entreprises pouvant demander des sillons, aux opérateurs de Transport Combiné, aux ports….Aussi, face à la capture de RFF par la SNCF, le gouvernement veut créer une agence de régulation du système ferroviaire vraiment indépendante.

 

Le débat est également revenu sur l'autoroute ferroviaire. Pour Daniel Rilgé, l'autoroute ferroviaire Perpignan- Bettembourg « ne trouve pas son rythme de croisière », sur « un marché de niche », avec au final des « résultats [qui] ne sont pas fabuleux […]Elle fonctionne depuis quelques mois et transporte, à ma connaissance, une dizaine de camions par jour ». Mr Rilgé remet en cause le fondement même de l'autoroute ferroviaire : « Les chargeurs nous disent que les camions sont faits non pour être transportés sur des trains, mais pour rouler ! En revanche, le transport combiné, qui consiste à transporter des caisses sans roues, me paraît tout à fait utile ».

J'aurai tendance à contredire le sénateur. Je ne pense pas que les transporteurs (qui, plus que les chargeurs, ont un avis sur la question) soient opposés par principe à la solution de l'autoroute ferroviaire. En effet, sur Perpignan- Bettembourg, seule la remorque est transportée par train, le tracteur (or, le secteur souffre d'une certaine pénurie de tracteurs) pouvant aller effectuer un autre transport (en général, au sein d'une entreprise de transport, il y a sensiblement plus de remorques que de tracteurs). Par contre, j'ai effectivement entendu critiquer les concepts d'autoroute ferroviaire, où l'ensemble du camion est chargé, et où les conducteurs se retrouvent dans un wagon spécial, « à être payé pour jouer aux cartes », selon un ancien de Norbert Dentressangle. Finalement, je ne vois pas pourquoi le transport combiné (où la caisse mobile ou le conteneur est chargé par une grue du camion sur le train) serait plébiscité (surtout si on se réfère à la qualité du service apportée) par rapport à l'autoroute ferroviaire de type de celle en cause, où l'opération de chargement de la remorque est plus rapide (grâce au système de wagons pivotants), et sans risque pour la marchandise.

Dominique Bussereau a répondu ainsi à Daniel Rilgé, après avoir fait état du succès relatif de l'autoroute ferroviaire transalpine, mais sans cacher les difficultés au démarrage :

« La nouvelle autoroute ferroviaire Perpignan-Bettembourg vient d'entrer en service. Bettembourg est la gare de triage de Luxembourg et l'autoroute commence en fait à Port-Bou au lieu de Perpignan. Elle devrait être extrêmement fréquentée, l'objectif étant d'acheminer 30 000 camions par an. Nous avons rencontré quelques difficultés : on avait oublié que le vent souffle dans la vallée du Rhône et la hauteur des remorques, limitée à quatre mètres, varie en fait entre 3,97 mètres et 4,03 mètres. Je me suis rendu sur place : les développements sont bons et les entreprises routières commencent à jouer le jeu. »

Cela recoupe ce qu'un intervenant de l'UNOSTRA nous disait. Il nous avait parlé, lui, de contraintes techniques importantes sur les remorques pour pouvoir être transportables par l'autoroute ferroviaire, en terme de dimensions notamment. Et c'est vrai qu'il paraît difficile d'imaginer que le secteur se plie naturellement aux dimensions imposés par des autoroutes ferroviaires appelées à tenir pour encore longtemps une place négligeable dans les transports français. Si les pouvoirs publics ne veulent pas qu'une telle solution soit mort-née, il va falloir agir…



17/12/2007
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