Les propositions du Grenelle de l'environnement

En ce moment se déroule le Grenelle de l'environnement, grande messe qui rassemble des représentants de l'Etat, des associations de protection de l'environnement, des « personnes morales associés » [on apprend ainsi qu'il y a un « directeur du développement durable » à la banque populaire !?], des représentants des collectivités locales, des acteurs économiques et des syndicats. Intéressons nous à au groupe 1, qui doit proposer des solutions pour « Lutter contre les changements climatiques et maîtriser l'énergie », sous la présidence du climatologue Jean Jouzel (à regarder rapidement la composition du groupe de travail, j'ai l'impression qu'il n'y a pas trop de scientifiques, mais que tous les groupes d'intérêts sont représentés).

Les objectifs semblent ambitieux. Ils s'agit de ramener les émissions de CO2 en 2020 au niveau de 1990, alors que ces dernières n'ont cessé d'augmenter ces dernières années (+22% depuis 1990). Voici la synthèse de leurs propositions, concernant le transport (27/09) :

 

1. Créer un observatoire des transports pour établir une méthodologie partagée par les différentes parties prenantes et permettant de mesurer finement les émissions des transports. Ces outils d'évaluation constitueront le cadre nécessaire pour évaluer et piloter des démarches volontaires d'entreprises, d'administrations, de collectivités locales pour réduire leurs émissions. Ils constitueront également le cadre permettant de rendre obligatoire l'affichage des émissions de gaz à effet de serre des prestations de transport.

 

On se demande pourquoi ça n'a pas été fait plus tôt ? Peut-être parce que l'ADEME, ou l'UE se chargent déjà en partie de ces missions.

 

2. Réaliser un schéma national des nouvelles infrastructures de transport (routes, voies ferrées, aéroports, transport combiné…) pour évaluer globalement leur cohérence et leur impact sur l'environnement et l'économie, avant toute nouvelle décision. De la même façon établir et évaluer une programmation régionale des infrastructures de transport.

 

Comme si c'était déjà pas assez complexe -et long- de construire une infrastructure de transport. L'impact sur l'environnement est déjà pris en compte dans les projets (on peut évidemment le valoriser plus, mais est il besoin de créer un nouveau plan ?), on planifie déjà les infrastructures… Concilier « schéma national » et « programmation régionale » semble d'ailleurs peu évident. Qui décide de quoi ?

 

3. Déclarer d'intérêt général pour la société, au niveau législatif, la promotion et l'utilisation des modes fluvial, ferroviaires et de cabotage maritime pour le transport de fret. Cette proposition est fortement contestée par un acteur économique. [Enfoiré de routier, même au Grenelle de l'environnement on en trouve un]

 

En application de ce principe, le groupe appelle à un plan national de développement du fret non-routier dont l'objectif sera d'amener le fret non routier de 14 % aujourd'hui à 25 % du fret total, en 15 ans. Ce plan combinera :

- des mesures réglementaires, organisationnelles ou financières : réduction progressive et adaptée de la vitesse maximale pour les poids lourds après validation des premières expérimentations, généralisation du péage sans arrêt aux autoroutes, obligation d'affichage des émissions de gaz à effet de serre de chaque prestation de transports, éco-redevance ou taxe kilométrique routière, avec un accompagnement économique adapté pour les entreprises

 

On verrait ici le système allemand de péage automatique sur toutes les routes, considéré aujourd'hui comme un succès après des débuts difficiles, se généraliser. Par contre les « accompagnements adaptés pour les entreprises » me semblent une belle hypocrisie. Une réduction de la part modale de fret transporté par route fera forcément disparaître certaines entreprises fragiles, soins palliatifs ou pas. Et quelque part c'est bien là l'objectif !

 

- et un programme ambitieux d'investissements sur les points critiques du réseau ferré, fluvial et maritime pour le remettre à niveau, ainsi que de nouveaux investissements : notamment des contournements d'agglomération pour le fret ferroviaire, des autoroutes ferroviaires sur les grands axes et plus largement du transport combiné rail-route, et des autoroutes maritimes.

 

Plus d'argent pour les modes alternatifs, c'est une bonne nouvelle. Gardons à l'esprit cependant que construire de nouvelles infrastructures en France est difficile, et que les riverains –tout comme les associations écologistes- se sont opposées aux derniers projets ferroviaires ou fluviaux (contournement fret de Lyon, canal Rhin-Rhône…). En tout état de cause, faire basculer une part importante du fret routier sur les modes alternatifs risque de nécessiter des investissements très élevés, à la rentabilité aléatoire. On ne peut donc qu'être sceptique sur l'objectif annoncé de presque doubler la part des modes non-routier (voir article précédent) d'ici 15 ans. Mais on peut espérer un effort conséquent de l'Etat

 

Je cite également les trois autres propositions. La 6 est importante, car elle signifierait un budget annuel garanti de constructions d'infrastructures de transport, financé (probablement) par la TIPP. Cependant il n'est pas dit que c'est la meilleure façon d'éviter de gaspiller de l'argent public (« on a de l'argent, il faut le dépenser »), ni que ce soit adopté (en principe, les recettes de l'Etat ne sont pas réservés à un secteur particulier, suivant la règle de non-affectation)

 

4. Rationaliser l'usage de l'automobile et amener les émissions moyennes de CO2 des véhicules automobiles en circulation de 176 g CO2/km à 130 g CO2/km en 2020 en combinant réglementation et incitation : réglementation à 120 gCO2/km en moyenne sur les véhicules neufs en 2012 (au lieu de 130 g dans les discussions actuelles), réduction de vitesse immédiate de 10 km/h sur les routes et autoroutes, éco-pastille annuelle avec un système de bonusmalus, conseils et formations pour l'éco-conduite, avec un accompagnement économique adapté pour les ménages et les salariés contraints d'utiliser leurs véhicules.

 

5. Rétablir le vrai coût du transport aérien dont les émissions augmentent rapidement, en l'intégrant dans le marché de quotas de gaz à effet de serre, voire par une taxe sur le kérosène augmentant le prix des trajets aériens qui sont desservis par une ligne ferroviaire à grande vitesse (par exemple sur le trajet Paris-Strasbourg, ou Paris-Londres), et en supprimant les subventions publiques aux compagnies à bas coûts (« low-cost »).

 

6. Affecter une part importante des ressources de la fiscalité environnementale à l'AFITF (agence de financement des infrastructures de transport de France) pour le financement d'infrastructures de transport alternatives à la route et à l'aérien, et aux collectivités territoriales pour le financement des transports collectifs.

 

Voila. Un post plus long, plus critiquable et polémiste que d'habitude.  Plus de détail ici, pages 44 à 52 (même pas capable de faire une mise en page correcte L), avec notamment des propositions concrètes de réalisation d'infrastructure.  Rendez vous fin octobre pour le plan d'action et les décisions concrètes, après arbitrage du MEDAD. En matière de transport de fret, même si les apôtres du « YaKa » seront forcément un peu déçus, les choses devraient bouger !

 



16/10/2007
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