Le projet de loi du Grenelle de l'environnement et le fret
C'était un de mes premiers articles, au début de l'année : le Grenelle de l'environnement. L'initiative, globalement saluée comme une réussite politique, mais dont la mise en pratique s'est révélée plus difficile que prévu, trouve maintenant son (premier) aboutissement technique. Que dit donc ce projet de loi sur le transport de fret?
L'article 10 "le transport durable des marchandises" commence par poser un objectif ambitieux et rapproché, plus 25% de part de marché des modes non routiers en 2012 (faire passer le fer et le fluvial de grosso modo 14% de part de marché pour les trafics intérieurs, à 18%). On comprend bien sûr la logique politique de la date butoir de 2012. L'objectif n'est peut-être d'ailleurs pas complètement inatteignable, même si je ne parierai pas dessus. Mais sa réussite dépend en fait surtout du dynamisme des nouveaux entrants ferroviaires et de la réaction de fret SNCF, ainsi que bien sûr du prix du pétrole. Car la plupart des actions publiques envisagées (canal Seine-Nord prévu pour 2014, dossiers des autoroutes de la mer encore à l'étude, éco-taxe poids lourds prévue pour 2011, avec forte possibilité de retard, vu l'année préélectorale...) risquent de ne pas rentrer en action assez tôt pour avoir une influence à cette date.
Les principales actions publiques annoncées sont plus précisément les suivantes :
- Plus d'argent pour l'entretien des voies, avec 400 millions d'euros supplémentaires (150% d'augmentation). C'est nécessaire, vu l'état du réseau, encore stigmatisé récemment dans un rapport de la Cour des Comptes, et cela permettra de faire passer des trains de 1000 m sur les deux axes principaux Nord-Sud (la Deutsche Bahn est dépassée!).
- Financement de l'autoroute ferroviaire Atlantique et prolongement de l'autoroute ferroviaire des Alpes, avec 100 millions d'euros à la clé, moitié pour l'investissement sur les lignes (mais avec 15 ouvrages à traiter rien que pour mettre au bon gabarit la ligne atlantique, 50 millions d'euros c'est peut-être un peu court), moitié pour l'investissement des quais. Je n'en remettrai pas une couche par rapport à mes articles précédents, mais force est de constater que l'entreprise Modalhor est très forte pour trouver des financements.
-Financement à hauteur de 80 millions d'euros « au maximum » des autoroutes de la mer.
-Encouragement (sans budget pour l'instant) des OFP et des projets de TGV fret.
-Annonce d'une dotation budgétaire en faveur de l'utilisation du transport combiné (avec, ce qui était déjà prévu il me semble, la possibilité pour les opérateurs de transport combiné de réserver eux-mêmes leurs sillons).
-Objectif non daté et non encore financé de "doublement de la part de marché du fret non-routier pour les acheminements à destination et en provenance des ports".
-Instauration de péages sans arrêt pour les camions (faire arrêter et repartir le véhicule brûle plusieurs litres de gasoil à chaque fois).
-Taxe kilométrique pour les camions dès 2011, sur le réseau secondaire.
Bref, on ne peut pas prétendre que le gouvernement manque de volontarisme. Si certaines politiques d'encouragement restent vagues, le financement de plusieurs actions est déjà très précis, et important. Mais ce financement va t'il toujours sur les bons projets ? Pas sûr, mais en tout cas l'esprit du Grenelle semble respecté, et c'est sans doute ça le plus important d'un point de vue politique.
Par contre, en tant que citoyen, il me semble qu'il faudrait demander une certaine garantie de résultat (raisonnable) aux entreprises de transport qui bénéficient directement ou indirectement (cas de mise au gabarit des voies de chemin de fer pour l'autoroute ferroviaire) de financements publics, à l'instar de ce qui peut se faire lors des appels d'offre pour certaines concessions. C'est difficile pour les entreprises en questions, qui lancent des services innovants sans avoir donc déjà un retour d'expérience, mais c'est sans doute nécessaire pour éviter de gaspiller trop d'argent.