Eurovignette 3 : le retour de la vengeance

« Le transport routier ne paie pas tous ses coûts ». C'est une formule qu'on entend souvent, dans la bouche des écologistes, ou dans celles des économistes, qui parlent eux « d'externalités ». Les externalités, ce sont des effets collatéraux négatifs (dans le cas qui nous occupe) occasionnés par une activité, qui ne sont pas compensés financièrement. J'ai déjà parlé à quelques reprises de taxation des externalités du transport sur ce blog (ici,,encore là...). Et bien, on s'en rapproche. Ce n'est encore qu'un projet de la commission, mais on commence à y voir plus clair.


        La nouvelle directive eurovignette sur la tarification des poids lourds (voir article précédent concernant la précédente version) est prévue pour juin prochain, mais déjà, des éléments ressortent dans la presse. Selon le site Euractiv, il s'agirait de permettre aux états de facturer au transport de fret les externalités qu'il induit :« les pays de l'UE seraient autorisés à appliquer des taxes [..] en raison des coûts supportés par la société, y compris ceux dus aux encombrements routiers, à la pollution atmosphérique et aux nuisances sonores – ce que le droit communautaire interdit jusqu'à présent ». Or seul le transport routier serait concerné, dans un premier temps (alors que le ferroviaire, par exemple, occasionne lui aussi des externalités négatives, voir article précédent). A première vue, ça paraît assez injuste (même si politiquement, ça a sa logique) , la FEBETRA ou l'IRU ont d'ailleurs déjà commencé à critiquer. Sur ce dernier point mais aussi, pour l'organisation des entreprises routières belges, sur le thème de l'utilisation de l'argent récolté ou sur la nécessité d'une solution mondiale : « Toute approche géographique plus limitée risque d'hypothéquer davantage la position concurrentielle des entreprises européennes ». Cela n'est pas totalement faux, mais n'est pas vraiment pertinent : le transport routier n'est pas délocalisable, et le surcout des frais de transport ne devrait pas pénaliser beaucoup plus les entreprises européennes par rapport aux entreprises importatrices. Autant l'argument est recevable pour le transport maritime, par exemple, autant ici, il n'est qu'un prétexte pour différer aux calendes grecques l'action publique.


Qui sera concerné par cette directive ? Selon une version provisoire publiée par Euractiv, le péage supplémentaire concernera les véhicules de plus de 3,5 tonnes, et variera selon la distance , le type de route, mais aussi, selon l'heure et le type de véhicule (notamment la classe EURO), pour favoriser un meilleur usage de l'infrastructure et l'utilisation de véhicules moins polluants. Des taxes "intelligentes" donc, qui devraient donc aider à faire évoluer les comportements, pour diminuer les nuisances des camions. La taxe serait dans un premier temps optionnelle (les États seraient libres de l'instaurer ou pas), avant éventuellement de devenir obligatoire.


Mais comment la fixe t-on, cette taxe ? L'exercice n'a rien d'évident, et la quantification des externalités toujours un peu subjective. Un premier élément de réponse : « Overcharging road freight transport may have detrimental effect on competitiveness and the integrity of the internal market. The authority which sets the charge should have no interest in setting its amount at an unduly level and must therefore be independent from the ones who collect and manage the revenues from tolls ». On reconnaît la doctrine des autorités séparées et indépendantes, mais je ne vois pas pourquoi ça garantirait un niveau de taxe acceptable. Deuxième élément de réponse : « A Community coordination combining a prior approval by the Commission, common calculation methods and caps based on acknowledged scientific methods and values of external costs constitute a reasonable way of ensuring proportionality, non discrimination and efficient pricing ». Ça voudrait dire que la taxe sera calculée partout de façon identique ?

A cet effet, le document présente en annexe des calculs pour évaluer ces externalités, et les prix maximum de externalités. On obtient ainsi une taxe maximale de 12ct/veh.km pour le bruit de nuit, 30 ct/veh.km pour la congestion en milieu urbain, 10ct/g particule. Quand on sait que la transport routier longue distance, en France, coûte environ 90ct/veh.km (et encore, c'est parfois plus bas), on mesure que la hausse de prix peut devenir localement très importante.


Cependant c'est bien beau d'autoriser les états à taxer, encore faut t-il que ces taxes soient cohérentes entre elles : « Preserving the integrity of the internal market requires a Community framework so that the road charges based on the cost of pollution and congestion are transparent and proportional. Moreover the harmonisation of the charging systems plays an important role in reducing the distortions of competition between hauliers registered in different Member States ». Sur ce point peut-être faudra t-il aller plus loin qu'une déclaration de principes ... Idem sur la question de l'interopérabilité des télépéages routiers.

Car les gouvernements nationaux n'ont pas attendu l'Europe pour instituer des taxes sur le transport routier, sans forcément chercher une cohésion d'ensemble. Ainsi, pour citer quelques exemples, en France, on annonce une ecotaxe, au Royaume-Uni, la mairie de Londres a instauré une taxe sur les poids lourds (qui dépend de la classe euro du véhicule), en Allemagne, la Maut, le télépéage kilométrique, va être augmentée pour financer le masterplan , le nouveau plan allemand de développement des transports... Bref, chacun semble jouer sa partition, et cela risque d'avoir un coût économique . L'eurovignette réussira t-elle à mettre un peu d'ordre là dedans ? Rien n'est moins sûr, mais au moins le dossier avance à grand pas.





29/04/2008
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