La commission ne freine pas sur l'eurovignette

On l'attendait, la voilà. La commission n'a pas mollie, malgré le contexte actuel de manifestation des transporteurs routiers partout en Europe (même en Allemagne). La proposition de nouvelle directive Eurovignette est parue. Sans surprise, le routier est la principale cible, mais il n'est pas tout à fait le seul.

 

 La commission a publié hier un « green package », qui comprend plusieurs éléments intéressants, outre la proposition commentée de directive, et notamment un résumé des politiques européennes en matière de prise en compte des effets externes du transport (voir article précédent).

La revue européenne Euractiv, comme à son habitude, publie un excellent compte rendu de l'action de la commission et des débats. Je vous y renvoi mais globalement le lobby routier (la SAV, l'IRU, en France, même si les organisations professionnelles ont d'autres chats à fouetter en ce moment, on peut écouter ce débat sur France Info, entre un écologiste et un transporteur) hurle au scandale, ce qui n'a rien d'étonnant. Les écologistes de T&E et le lobby ferroviaire font un peu la fine bouche (notamment car le CO2 n'est pas pris en compte par cette proposition, assez logiquement à mon avis vu les efforts de la commission pour traiter globalement les émissions du CO2), ce qui est également assez compréhensible (si on est totalement satisfait, on n'est pas en position de force pour en demander plus).

Un chiffre important à souligner : selon la commission, d'après euractiv, « le coût additionnel moyen par kilomètre pour un poids lourd relativement propre serait de 0,04-0,05 euro », soit une hausse d'environ 5% pour un transporteur routier français (peut-être un peu moins avec les hausses récentes du carburants), ce qui est plutôt sensible (mais il ne faut pas en attendre une action sur le report modal).

Reste quelques questions. En premier lieu, « où va l'argent ? », comme se demande Euractiv. Comme je le supposais (voir article précédent), les diminutions des rabais accordés aux grands utilisateurs des péages (qui ont été ramenées de 25 à 13% maximum par la précédente version d'eurovignette) ont profité aux sociétés autoroutières, ce qui a peu d'intérêt du point de vue de l'intérêt général. D'après Euractiv « La Commission veut que les recettes générées par les taxes sur les coûts externes soient utilisées pour réduire les émissions de CO2 et améliorer la performance énergétique des véhicules, ainsi que pour développer une infrastructure alternative pour les usagers des transports. » Oui, mais vouloir n'est pas imposer. De toute façon en France, les recettes fiscales ne sont pas affectées.

   De même, pour la compatibilité des systèmes de péage, dont je parlais également. La commission affirme sans rire « Full technical and contractual interoperability for users is already provided by Directive 2004/52/EC », alors que la France et l'Allemagne par exemple, ont des systèmes de péages totalement différents. D'ailleurs, le texte semble se contredire (il doit y avoir une astuce que je n'ai pas saisi) quelques pages plus loin : « In order to promote interoperability of tolling arrangements, two or more Member States should be allowed to cooperate on introducing a common system of tolls, subject to compliance with certain conditions." Là encore, pas le moindre début de commencement de contrainte.

 

   Sinon, la commission s'attaque aussi au ferroviaire, peut-être pour faire mentir les accusations de persécution sélective des routiers. Selon une étude de 2001, près de 10% de la population (contre 30% pour le routier) est sévèrement gêné par le bruit ferroviaire, ce qui génère parfois de fortes oppositions locales, notamment pour les trains de fret (j'ai parlé de ce problème il y a juste quelques semaines).La commission parle exclusivement des vieux freins en fonte, mais ce doit être plus compliqué, notamment avec les vieux wagons sans bogie dans les courbes,) La commission privilégie une action sur le matériel, dont le renouvellement naturel est très lent vu la grande durée de vie d'un wagon (30 ans). Pour ce faire, la commission veut se concentrer sur les wagons qui parcourent plus de 10000 km par an (ils savent vraiment combien parcourt chaque wagon, dans une entreprise ferroviaire ?), et parle d'un coût de 200 millions à 1.8 milliards d'euros pour passer aux freins en composite. C'est « rentable » selon la commission (sachant qu'on compare ici des nuisances sonores comptés en euros, mais que personne ne paye, et de l'argent réel).

Pour y arriver, sans trop dépenser, la commission aimerait que les gestionnaires d'infrastructures (RFF en France) tarifient les sillons selon le type de wagon utilisé : « Infrastructure managers will adapt the charging schemes in accordance with Community legislation. In addition, they are in charge of the installation of identification systems and necessary IT tools. The completion of the retrofitting programmes is expected by the end of 2015 considering a timeframe of three years for the replacement of brake blocks." Identifier les wagons d'un train, ça n'est surement pas si facile qu'on veuille le croire à Bruxelles. En général, le système d'information d'une entreprise de transport n'est pas si high tech qu'on pourrait l'imaginer, loin de là (et je parle d'expérience).

 

Bon, pas de panique quand même, même si je n'ai pas tout compris, le terme « voluntary » revient souvent dans cette partie du texte. Parce que sinon, c'est potentiellement une vraie bombe (surtout qu'il n'y a surement pas que les freins qui posent problème en matière de bruit), qui pourrait gêner notamment l'ouverture à la concurrence (les nouveaux entrants commencent le plus souvent avec du matériel d'occasion plus vieux).

 



09/07/2008
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