L'Allemagne lance son masterplan pour les transports

Les allemands veulent fixer sur le long terme leur politique de transport avec le masterplan. La conclusion d'une espèce de « Grenelle du transport » qui a rassemblé sur le long cours (2 ans !) près de 700 spécialistes, politiques, représentants des  acteurs économiques et associatifs.  L'occasion aussi de comparer quelque peu les principes constitutifs des politiques de transport en France et en Allemagne.

 

Le gouvernement de coalition grande allemand vient d'adopter le  « Freight Transport and Logistics Masterplan »  des transports. Je regrette un peu  de n'avoir pas plus travaillé la langue de Goete dans le secondaire (à mon époque, Tokio Hotel ne sévissait pas encore, et l'allemand n'était pas à la mode), le masterplan n'étant pas traduit[i] . Un résumé et un communiqué sont publiés à ce sujet en anglais par le Bundesministerium.

Mr Tiefensee, le ministre (social démocrate) allemand du transport, de la construction et des affaires urbaines s'est bien entendu félicité de l'adoption de ce plan, qui comporte  35 « mesures concrètes et calculées » pour  permettre au pays de gérer  l'évolution à la hausse  du  transport de fret comme celui de passagers. Il a également souligné la nécessité d'agir : 

 "If we don't intervene today, we will soon have total gridlock. If traffic comes to a halt, the economy will also collapse. We will secure and strengthen Germany as a centre for logistics, with its workforce of 2.6 million, by optimizing traffic and making it more efficient, by upgrading the transport arteries and hubs, and by making greater use of the environmentally friendly railways and waterways. In this way, goods will reach their destination more quickly, more reliably and more ecologically. Motorists will benefit because we will reduce congestion."

 En effet les études sur lesquelles se base le gouvernement allemand  prévoient une hausse ahurissante de 70% du trafic en tonnes kilomètre entre  2004 et 2025 (à cause de l'essor économique des pays de l'est et de la Russie ?). Qui a déjà voyagé sur les autoroutes allemandes (où il est le plus souvent illusoire d'espérer pouvoir faire un « chrono » à la Schumacher, même si c'est autorisé) voit bien à quel point les choses pourraient coincer…

 

Plus généralement, si on compare ce discours avec le discours d'un responsable français, on peut noter des différences : si on note bien ici aussi une volonté forte de prise en compte de l'environnement, celle-ci ne vient que dans un second temps.  L'essentiel étant bien de garantir l'efficacité du système de transport, gérer la hausse du trafic, vue comme inévitable, pour protéger la croissance économique, et de transporter les marchandises « plus rapidement, plus efficacement », et seulement dans un troisième temps, « plus écologiquement ». Un aspect qu'on a du mal à retrouver dans les discours de Jean Louis Borloo (mais qui est déjà plus présent dans ceux de Dominique Bussereau, le secrétaire d'état aux transports), ou sur le site du ministère de l'aménagement durable, qui, malgré un nom à rallonge, a soigneusement gommé les termes de « construction » et « d'équipement », ce qui n'est pas si anodin que ça. Selon sa sensibilité, on pourrait penser soit que les responsables allemands n'ont pas encore pris en compte l'urgence de la situation de la planète, soit que les responsables français courent après des chimères (ou sont hypocrites). J'aurai pu tourner ma phrase précédente de façon positive, mais c'est sans doute l'air du temps d'être toujours critique.

 Cela dit quand on regarde les actions prévus (pour ce que j'ai pu y comprendre) la différence est moins notable dans les principes. A noter toutefois qu'on met plus l'accent ici sur ce qui marche, ce qui doit être développé (le transport combiné), et ce qui doit être optimisé (le transport routier), que sur des solutions techniques entièrement nouvelles.

 

Les solutions envisagées peuvent être réparties en deux groupes.

D'une part le report modal. Le gouvernement prévoit (page 40 du document principal) ainsi de faire passer le financement du transport combiné en Allemagne de 65 à 115 millions d'euros[ii], pour viser un objectif de trafic de 49 milliards de tonnes-kilomètre  (25% de plus que le total des trafics de fret SNCF !). Je ne sais pas trop ce que met  le gouvernement dans ce « Kombinierte Verkehr », ni quels sont les niveaux de trafic actuel. Mais à première vue, ça parait avoir un meilleur rendement à la tonne-kilomètre rabattue sur le rail par euro d'investissement que les autoroutes ferroviaires, dans lesquelles le gouvernement français veut investir une somme comparable (voir article précédent).  

D'autre part, une meilleur gestion du trafic routier existant : péages variant selon l'heure et le lieu, gestion informatisée du trafic  (ce qui se fait en Ile de France actuellement), formation des conducteurs à l'éco-conduite, ou encore investir dans les infrastructures existantes, pour réduire les points de congestion (die Zeit annonce 1 milliard de plus pour 2009, pas assez selon un expert allemand), et amélioration des conditions sociales pour les chauffeurs routier . Selon le lloyd, « Transports Wolfgang Tiefensee a tenu compte des critiques virulentes des entreprises allemandes et du secteur du transport routier », et a « edulcoré» le projet sur  certains aspects, comme la prise en compte de la longueur du trajet dans la Maut (le péage automatique par GPS des poids lourds).

 

Mais bon, si l'approche est pragmatique, si le concept de réfléchir sur le transport (et pas seulement sur sa composante « nuisance environnementale ») est séduisant, ça manque peut-être un peu de spectaculaire, de politique. Même si là encore, la connaissance imparfaite de la langue m'a handicapé, il m'a semblé que le masterplan (lancé en plein milieu de l'été !) n'avait pas soulevé un intérêt énorme outre-rhin, mis à part les récriminations habituelles des différents groupes de pression. Tiefensee n'a pas non plus forcément le charisme apparent d'un Borloo… En définitive, le masterplan fixera t-il la politique de transport de l'Allemagne pour les 20 prochaines années ? Rien n'est moins sûr, mais la démarche ne devrait pas être stérile.




[i] enfin il faut quand même féliciter le ministère allemand du transport, qui traduit en temps réel  en anglais une bonne partie de ses communications, au contraire de son homologue français.

 

[ii] plus 32 millions par an pour favoriser le raccordement des voies ferrés (les ITE ?)



23/07/2008
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