Dirigeables fret, des projets qui ont du mal à décoller.

Aujourd'hui, les deux principaux moyens de transport, maritime longue distance et transport routier, souffrent de leur dépendance au pétrole. Du point de vue de l'environnement, ces deux moyens sont contestés, mais surtout, en ces temps de hausse du pétrole, la facture devient de plus en plus salée. D'où diverses propositions d'innovations qui font parler d'elles dans les médias ces derniers jours. Ici je parlerai du dirigeable, qui semble vouloir renaitre des cendres du Hindenburg, depuis une grosse dizaine d'année. Il y a de nombreux projets, et apparemment, il existe bien un marché, mais la mise en pratique se révèle très difficile.

 

La région Ile de France a « rendu public » (je ne sais pas comment on peut le trouver) un rapport du cabinet Ernst and Young sur les potentialités du dirigeable. Une initiative du vert Jean Marc Brulé, qui veut créer une filière industrielle du dirigeable en France, pour qui cette étude confirme. A ce propos le conseil régional avait vers une subvention de 50 000€ il y a quelques années. Il « souhaite créer un consortium de plusieurs entreprises, universités et laboratoires de recherche afin que soit mis au point un prototype capable de transporter 30 tonnes de marchandises « d'ici à cinq ans ». » Je médirai bien sur la prétention des élus locaux à créer des filières industrielles de toute pièce en 5 ans, mais ça nous éloignerait du sujet.

Si on lit le compte rendu du parisien (retranscrit sur le blog de franck, un membre des verts) jusqu'au bout, la pertinence du dirigeable semble limitée, au moins à moyen terme : « Inefficace, car trop lent, pour le transport de passagers, il a en revanche plusieurs avantages pour transporter des grosses charges car il est plus rapide que le transport maritime. Sur les courtes distances, le train et même les camions restent en revanche plus écolos et plus efficaces. » Bref, le dirigeable ne serait qu'une solution intermédiaire entre l'avion et le transport maritime (moins polluant que le dirigeable).

 

Pour autant, le modèle doit receler des potentialités vu le nombre de projets industriels qui ont été lancé. Mais lancer un projet de transport aérien est difficile (et demande énormément d'argent). Les modèles de dirigeable qui existent aujourd'hui sont plus axés sur le tourisme et la publicité. Si on regarde un site du début des années 2000 consacré au dirigeable, on constate qu'aucun  des projets cités ne s'est concrétisé (et que souvent, la société en question a disparu) : on entend plus trop parler de l'AVEA français[1], un temps pressenti pour transporter les pièces de l'Airbus A380, la Cargolifter allemand a fait faillite (après avoir récolté 600 millions de DM en bourse !), le Skycat anglais n'a pas l'air de trop savoir encore ce qu'il veut transporter (mais, là, le premier vol est annoncé, pour fin 2008)… Par contre, un nouveau venu, SkyHood (apparemment en collaboration avec Boeing) fait parler de lui. Le propos est ici plus modeste, construire un engin capable de soulever 40 tonnes sur 300 km, à destination des zones du grand nord américain, souvent peu ou pas desservi par la route. Ce type d'engin a vraisemblablement peu d'intérêt s'il existe une concurrence routière, mais il est peut-être plus facilement constructible.

 Car, si sur le papier tous les projets marchent, ce n'est pas la même chose dans la vraie vie. Il y aurait beaucoup à dire au niveau technique. L'article sur l'A380 résume bien les principales difficultés, notamment au niveau du fluide porteur. Remplir une enveloppe de plusieurs centaines de milliers de mètre cube (dans le cas d'un dirigeable qui transporterait 200 tonnes) d'un gaz « rare » (au sens chimique), l'hélium, certes «le deuxième plus courant dans l'univers », mais dont les gisements exploitées s'épuisent, est-ce si durable que ça[2] ?

Je rajouterai une chose : un argument amusant en faveur du dirigeable, c'est de dire qu'il « atterrit ou décolle ou il veut, sans avoir besoin de piste d'atterrissage ». Pour un appareil qui ferait (j'ai pris l'exemple du Skycat 220, qui peut transporter 160 tonnes ou 220 tonnes, selon le mode de décollage) 185 mètres de long et 77 mètres de large, et qui nécessite une certaine marge de sécurité (vu sa très grande surface et sa très faible densité, l'appareil est inévitablement sensible au vent) l'argument est savoureux…

 

Bref, on peut un peu désespérer qu'un projet sérieux se concrétise un jour. Quand on voit l'investissement qu'à besoin Airbus pour simplement faire évoluer un avion de sa gamme, on se dit bien que concevoir un aéronef commercial nouveau n'a rien de facile (sans parler de l'exploitation). En attendant, on n'a pas fini de lire des articles sur les dirigeables dans la presse.

 



[1] Voir un article du Temps de 2001, et une étude de marché de la même année, qui concluait à 'existence d'un marché important au dessus de 200 tonnes

[2] ou alors il faut utiliser l'hydrogène, qui est plus efficace car moins lourd, mais qui brûle et coûte cher à produire



11/07/2008
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