L'Eden du transport combiné est à l'est

Début juin avait lieu l'assemblé annuel, et le congrès « pour une logistique plus verte » de l'UIRR, l'organisation rassemblant les acteurs européens du transport combiné (transporter les marchandises de l'expéditeur au client final, en effectuant seulement les premiers et derniers kilomètre en camion). C'est tombé en période de vache maigre pour ce blog, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire. En résumé, de bonnes nouvelles, et un transport combiné qui regarde de plus en plus vers le soleil levant.

 

On commence tout de suite par les statistiques bêtes et méchantes. Après une énorme année 2006, qui a vu près de 15% d'augmentation, les membres de l'UIRR se sont contentés d'un « petit » +9% du trafic en 2007. En France, Naviland Cargo remonte la pente (+20%), après tout de même une sacrée dégringolade entre 2003 (230 000 boîtes) et 2006 (moins de 100 000 !). En Europe, sur une plus longue période, entre 2003 et 2007, si le trafic international a bien augmenté (+42%), le trafic national, lui a crû plus modestement (+16%). Le transport de  « boîte », caisse mobile ou conteneur, tend à devenir hégémonique, même si localement le transport de camions (entier, avec les chauffeurs, ou juste la semi remorque) reste important (notamment pour les traversés alpines). D'ailleurs, au niveau environnemental, le transport du camion entier n'est pas très payant en général (seulement 23% de gain en émissions de CO2 par rapport à la route, contre 60% pour le transport de la caisse seule, moins lourde, voir présentation slide 7), selon l'UIRR (ces pourcentages doivent dépendre beaucoup de l'échantillon de ligne étudié).

Côté qualité de service (voir article précédent), par contre ça ne s'arrange pas vraiment, avec encore 27% des trains qui ont plus de 3h de retard et 8% plus d'un jour de retard. Le rapport de l'UIRR indique que cela est gênant pour les marchandises très sensibles au facteur temps. Mais cela l'est souvent plus pour les organisations des opérateurs s'occupant de la partie routière (un train en retard, ça met tout le planning de la journée sens dessus-dessous), et derrière, pour les opérateurs logistiques qui vont réceptionner les marchandises, et qui ont tendance à donner des heures de rendez vous de plus en précise, pour optimiser la productivité de leur organisation. Train ou pas train, le chauffeur routier et le cariste sont là, il faut les payer…

 

Ceci dit, on peut discuter les chiffres de l'UIRR, vu que cette organisation ne rassemble qu'une partie des opérateurs européens. En France, seul Novatrans, Naviland Cargo, et Eurotunnel (et encore, il n'est que "membre associé", le tunnel sous la manche est sans doute trop récent), les « historiques », en sont membres, et non les opérateurs plus récents (Rail Link, la joint venture entre Véolia et la CMA ; T3M, issue de TAB…).

 Il y a donc une vraie incohérence à se féliciter de la concurrence entre tractionnaires ferroviaires, à dresser des parallèles entre libéralisation et progression du fret ferroviaire à donner des cauchemars à  un cégétiste tendance canal historique (voir le tableau de cette présentation slide 8) et à rester entre vieux de la vieille, volontairement ou non. Car le monde du transport bouge, et, en plus de la libéralisation, un autre phénomène marquant apparaît, l'essor des pays de l'est.

 

J'avais déjà abordé le sujet dans un post précédent sur le routier. Mais en matière de transport combiné aussi, les ex-membres du glacis soviétique progressent à toute allure. Il suffit de voir les nouveaux projets de l'IURR, tous portés vers l'est (et plus particulièrement vers le sud de l'Europe). Projet CREAM de liaison RotterdamAnvers-Istanbul, PROJET SEIS et SINGER de hub slovène de transport combiné…La Slovénie[1], qui accueillait le congrès, est au centre de ces projets, du fait de sa position stratégique de porte de l'est sur l'Adriatique. A cause de la situation socio-politique et géographique de l'ex-Yougolavie[2], l'Istrie[3] est en effet un peu la seule alternative aux ports du nord de l'Europe, pour desservir l'Europe centrale (aujourd'hui, par exemple, c'est Anvers le premier port de l'Autriche), en bénéficiant d'un trajet maritime comme terrestre plus court. D'où l'essor du port de Koper. Bien évidemment, derrière tout ça, on trouve toujours en bonne place la Deutsche Bahn (voir la règle du jeu). Et il n'y a qu'à voir la carte des flux européens (slide 6) pour se convaincre que Kombiverkehr (possédé à moitié par la DB) est le numéro 1 européen. Mais d'autres opérateurs montent : ainsi les suisses Bertschi et Hupac (les deux vont jusqu'en Russie ! Décidément petits mais costauds, les Suisses), ou encore Polzug (des allemands, contrairement à ce que le nom pourrait laisser penser).

 

Bref, une embellie dont on espère qu'elle profitera à la France sur le long terme. L'UIRR espère voir le trafic de transport combiné plus que doubler d'ici 2015, ce qui est plutôt ambitieux, vu les problèmes de capacité prévus (notamment en France sur la vallée du Rhône, et aussi de façon un peu plus inattendu sur l'axe Metz-Dijon). C'est pourquoi, avec le programme DIOMIS, l'UIRR entend faire pression sur les politiques, en faveur de travaux de désengorgement. Mais cela portera t-il jusqu'aux opposants, par exemple, au contournement fret de Lyon ? Rien n'est moins sûr.



[1] Même si elle ne faisait pas partie du pacte de Varsovie

[2] La Bosnie est remplie de dissensions « ethniques », de mines et de zones montagneuses, la Croatie a une forme géographique très particulière, les serbes boudent dans leur coin, et on ne parlera pas des albanais...

[3] Il faut citer également les voisins :le port croate de Rijeka, et le port italien de Trieste



16/07/2008
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