Le juste prix du transport de fret

   Qu'on se rassure, à la SITL, on ne parle pas que de développement durable, il faut quand même parfois parler gros sous. Les controverses concernant le prix du transport sont nombreuses entre chargeur et transporteur, particulièrement avec les tendances actuelles à l'inflation des coûts. Mais il amusant de constater que la « victime » n'est pas la même selon le mode.

 

   La conférence « novembre 2008 : quelles nouvelles stratégies pour le transport maritime », analysait les conséquences de la fin des conférences maritimes en Europe, à partir du 18 octobre 2008. La commission européenne interdit les conférences (grosso-modo, des ententes entre grandes compagnies pour fixer les prix, notamment ceux des frais annexes), pour favoriser la concurrence. Cela pourrait ainsi aboutir à une meilleure offre des compagnies maritimes, avec une différenciation des coûts et des services. Les chargeurs se sont toutefois montrés sceptiques. D'une part le système était déjà en partie libéralisé (OSRA en 1998), d'autre part la force de négociation des compagnies maritimes, qui ont énormément grossis depuis 10 ans, impressionne même les gros chargeurs. Rares sont d'ailleurs ceux qui ont un volume suffisant pour pouvoir négocier directement (et efficacement) avec une compagnie maritime. Pour les autres, le passage par un commissionnaire de transport spécialisé est quasiment obligatoire.

François Soulet de Bruguière, représentant la grande distribution, à travers la société SRS, était particulièrement vindicatif. Le problème principal concerne les surcharges, qui peuvent représenter plus de 50% du prix total du transport. On pense bien sur à la surcharge carburant, mais FSB a comptabilisé une vingtaine de surcharges, qui varient souvent et dont le mode de calcul ou l'objet est peu clair, voire carrément inconnu. Par dérision, les chargeurs ont lancé un concours interne, la « vaseline cup » (on se marre, à un salon du transport) de « la plus belle surcharge ». Les compagnies maritimes commencent cependant à faire preuve de plus de transparence, le représentant de Maersk a ainsi présenté son nouveau mode de calcul de la surcharge carburant, la BAF (Bunker Adjustment Function), disponible sur Internet. Je ne détaillerai pas la formule ici, mais il est intéressant de remarquer que le prix de la tonne de fioul lourd a énormément augmenté depuis quelques temps. Alors que le prix des soutes de base est fixé à 95 $, le prix actuel est de 463$ la tonne ! Certes on reste loin du prix que paye les transporteurs routiers, environ 1000€ la tonne de gazoil (ce n'est pas le même carburant). Mais on arrive à des surcharges très importantes, 475 $ pour un Chine France en 20 pied. Le représentant de Michelin a salué l'avancée de cette transparence, même si Maersk n'est pour lui pas allé jusqu'au bout de la démarche.

 

Dans le cas précèdent, les chargeurs râlent, mais payent les hausses de prix. Mais dans le cas de la messagerie (grosso modo le transport routier de colis et de palette, dans des délais moyennement rapides), illustré par la conférence « Pourquoi les prix de la messagerie en France vont augmenter plus vite que les prix à la consommation ? », la problématique est complètement inversée. Là ce sont les transporteurs  qui n'arrivent pas à répercuter la hausse du coût, due à la hausse du prix des carburants, la hausse des bas salaires, ou encore la hausse du prix de la construction, toutes nettement supérieures à l'inflation depuis 5 ans. Les transporteurs étaient ainsi unanimes pour réclamer une hausse de 8 à 10 % cette année, après plusieurs années de hausses faibles voire presque nulles, pour arriver à « sauver nos entreprises ». On était plus ici dans le registre larmoyant que de l'humour, et les transporteurs ont prévenu qu'à défaut de pouvoir augmenter leurs prix, le nombre de messager va diminuer, jusqu'à que cela provoque une hausse des prix « naturelle ». On va peut-être pouvoir le vérifier rapidement. En tout cas le seul chargeur présent, le représentant de Bic (qui n'a pas passé un bon moment) n'avait pas l'air d'avoir l'intention de lâcher 10% d'augmentation…

 

Le transport va coûter plus cher, et au final le consommateur finira bien par le payer. Mais si cette hausse se confirme et se poursuit, les stratégies d'implantation des opérateurs pourraient se modifier. Certains journaux prévoient même des « relocalisations ». Faut il s'en féliciter ? Pour l'environnement, certainement. Mais pour l'économie et le pouvoir d'achat, la facture risque d'être salée…



13/03/2008
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