Le débat sur les méga-trucks s'alourdit
Un début de polémique semble se développer autour d'une possible autorisation communautaire des "méga-trucks", de gros camions de 60 tonnes et de 25,5 m de long (contre environs 20 mètre et 40 tonnes pour les plus gros poids lourds actuels, selon les différentes législations nationales en Europe). Pour l'instant, ces méga-trucks sont surtout utilisés dans les grands pays anglo-saxons, où l'on peut voir de véritables trains de camions de 53 mètres (Australie) !
Dernier épisode, une résolution du parlement européen du 5 septembre 2007 (voir le résumé des discussions par transportweekly), qui entre deux paragraphes lénifiants, préconise que " le plan d'action pour la logistique favorise une logistique novatrice, la co-modalité ainsi qu'une mobilité sûre et durable; propose que l'utilisation des camions de 60 tonnes soit seulement autorisée par la Commission sur certains itinéraires, à la demande d'un État membre et sur le territoire de ce dernier; est d'avis que lors de l'évaluation de ces demandes, il convient de tenir dûment compte en particulier de facteurs tels que les infrastructures existantes et la sécurité ". C'est bien amené, même si on voit pas forcément le lien entre "comodalité" (il faudrait que je fasse un article sur tous les termes relatifs à l'intermodalité, on s'y perd) et les gros camions. En bref, il s'agit plus ou moins de légaliser avec restriction les "méga-trucks", déjà en phase d'essai dans certaines zones européennes (notamment les pays nordiques).
L'IRU (International Road Union) ne proteste pas dans son compte-rendu de cette résolution (qui concerne également d'autres problématiques importantes, telles la simplification des procédures administratives, l'amélioration des outils statistiques, ect.), ce qui semble inhabituel, donc on peut subodorer qu'elle approuve plus ou moins.
En effet, de plus gros camions permettraient des économies pour les chargeurs (à condition d'arriver à remplir de tels camions, ce qui ne sera probablement pas possible partout) en diminuant le coût unitaire de la tonne transportée de 20 à 25% (ce sont les charges de personnels qui pèsent le plus). Il y aurait également un gain environnemental (par rapport à des camions plus petits), avec une plus faible consommation d'essence par tonne transportée (je n'ai pas trouvé de chiffre).
Par contre cette proposition a suscité une vive réaction du CER (communauté européenne du rail). Le lobby argue que les infrastructures routières européennes sont loin d'être systématiquement adaptées à ces méga-trucks, que ceux ci gêneraient la circulation, ce qui poserait, in fine, des problèmes de sécurité. Et même l'IRU reconnaît que l'introduction de ces nouveaux camions nécessiterait des efforts ("Chalenges but not obstacles") Mais l'inquiétude du CER, on s'en doute, vient surtout de la concurrence accrue de ces gros camions face au rail. L'organisme cite une étude de UIRR / TIM Consult / Kombiverkehr réalisée en 2006, qui prévoit " [qu'] en cas d'introduction de véhicules routiers plus longs et plus lourds en Allemagne, [...] plus de 55 % des volumes de transport combiné reviendraient à la route !" Cela semble énorme vu le gain unitaire à la tonne relativement réduit (et que cette solution est censée ne pas être adapté au contexte européen). On peut penser que le lobby ferroviaire dramatise un peu.
La réplique des transporteurs routier n'a d'ailleurs pas tardé : Fritz Mehrtens, le président de l'ECG (l'association European Vehicle logistics") a critiqué l'études citées par le CER comme "non-réaliste", selon transportweekly du 2/10/07. Il lui reproche notamment de parler de sécurité routière sans données statistiques probantes (Mr Mehrtens argue lui, que les pays qui autorisent les camions de 25 m n'ont pas plus d'accidents liés aux camions que les autres, ce qui semble également un peu léger pour conclure à une totale innocuité de ces grands camions). En fait, les "mega-trucks", destinés selon lui avant tout à lutter contre la pénurie de chauffeurs routiers, serait juste "une aide pour maintenir le niveau actuel de transport de fret routier" et ainsi "éviter un ralentissement de l'économie européenne". La encore, on peut penser que les violons surjouent un peu. "ECG would like to see more freight moved onto the railways" (mais bien sur), mais il y a "the capacity problems the European railway network suffers of" (ce qui n'est pas totalement faux, mais bon, il reste une marge, particulièrement en France)
Suite au prochain épisode ?